Prologue

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Je les regarde. Ils sont tous là, à parler de moi, je le sais. Je ne supporte pas leurs chuchotements, leurs regards de travers. Ils me disent tous bonjour, au revoir, avec leurs voix niaises et leurs sourires ironiques, dans le seul but de se moquer, comme si je n'en avais pas déjà assez fait moi-même, à me sentir coupable de tout. En classe, je reste seule. Dans la cour, je reste seule. A la cafétéria, je reste seule. Ça ne me dérange pas particulièrement. J'aimerais juste qu'ils arrêtent de parler de moi. J'entends leurs voix qui résonnent dans ma tête. « Bizarre, anormale, pas sociable... » Je veux qu'ils arrêtent. Au moins ça.

Le pire de tous, c'était lui... « Si t'étais pas aussi bizarre... » Stop !

Je me réveille, en sursaut. Des cauchemars. Encore. Toujours. Mais surtout, toujours eux.

Combien de fois ai-je dû partir pour leur échapper ? Je ne peux pas leur faire face. Je ne peux que les fuir. Mais ils me détruiront. Ils me détruisent. Ils m'ont d'ores et déjà détruite.

On est tous un peu « cassés », j'imagine. Je ne pense pas être la plus à plaindre. Je suis sûrement un cas parmi tant d'autres. Je ne me suis jamais sentie particulière. Nous sommes sept milliards sur cette foutue planète de toute manière. Une personne de plus ou de moins, qu'est-ce que ça peut changer ?

Lorsqu'ils ont diagnostiqué mon cas, j'avais juste envie de leur dire de ne pas perdre leur temps, qu'ils ne pouvaient rien pour moi. Selon ma mère, ce n'était qu'un argument supplémentaire en faveur de mon état mental quelque peu anormal. Je n'ai jamais senti qu'il y avait un problème. Je ne me sentais pas malade où quoi que ce soit dans le genre. J'avais tout faux, apparemment. Je souffre d'un trouble de la personnalité évitante ainsi que d'une dépression majeure. Au fil des thérapies et autres consultations inutiles, elle a presque été diagnostiquée psychotique.

Qu'est-ce qu'un trouble de la personnalité évitante ? Vous n'aurez peut-être pas le réflexe d'aller chercher par vous-même alors je vais vous ressortir les mots de ma psy. Ce serait un mode général de blocage social, de sentiments de ne pas être à la hauteur et d'hypersensibilité au jugement négatif d'autrui. Dans mon cas, je craindrais notamment d'être rejetée par les autres, serais réticente à m'engager dans toutes sortes de relations à moins d'être sûre d'être aimée, à prendre des risques personnels, j'éviterais les activités et interactions sociales par crainte de ne pas être à la hauteur et me verrai comme socialement incompétente et sans attrait particulier.

Je ne dirais pas que c'est faux, loin de là. En tout cas, je n'ai jamais considéré ça comme un problème.

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