Nous voilà au tout début de ma dernière année-lycée. Le commencement de la fin comme on dit. Il est 7h37. J'étais censée me rendre à un entretien sans intérêt avec mon professeur principal à sept heures et quart, afin qu'on puisse discuter de mon état de santé. J'ai préféré passer outre, quitte à faire mauvaise impression. Je passe le portail, jetant un coup d'œil aux différentes infrastructures, traînant des pieds. Le lycée est presque vide à cette heure, la totalité des cours commençaient à 8h seulement. On pourrait se dire qu'après plus de vingt minutes de retard, l'intéressé serait déjà parti, mais en rendant à la salle du lieu de rendez-vous, j'assiste à la brusque ouverture d'une porte. Alors je commence à paniquer, me préparant mentalement à présenter une série interminable d'excuse, malgré le nœud qui s'installe au creux de ma gorge. Ou juste une phrase tout compte fait, j'imagine que ça suffira largement.
Pourtant, au lieu de voir surgir un adulte de la salle, comme je m'y attendais, je surprends la sortie d'un jeune homme, semblant avoir mon âge. Il jette un coup d'œil vers moi, n'affichant aucune émotion perceptible, tout en continuant son chemin. Cela me parait étrange, après avoir passé la quasi-totalité de ma scolarité avec les mêmes personnes, de ne pas voir cette expression de mépris sur le visage de ceux qui m'aperçoivent. Ne même pas discerner de sentiment particulier en est presque... agréable. Je me demande bien ce que faisait ce garçon ici.
Juste après, un homme qui semble être l'enseignant avec qui j'avais rendez-vous me fait signe. Je m'approche de celui-ci. « Mademoiselle ATMAYA, c'est bien cela ? » J'acquiesce. Il n'a pas l'air d'être en colère après moi, de m'en vouloir ou de ressentir quoi que ce soit de négatif. Il affiche même un sourire. Je considère plus cela comme de la pitié. Parce qu'il est au courant, lui. Je pense que s'il n'avait pas su, il m'aurait déjà passé un savon. « Vous m'excuserez... » débute-t-il. Pourquoi s'excuse-t-il ? Pourquoi devrait-il me présenter des excuses ? Je suis en retard. Je devrais m'excuser. C'est de la compassion, c'est ça ? Il me trouve si pitoyable que cela ? « J'ai laissé passer votre camarade en premier. Il était en avance et j'ai vu que vous n'arriviez pas. » Oh... Mais c'est tout de même ma faute, non ? «Je...Je vous prie d'excuser mon retard... » marmonné-je d'une voix quasi inaudible. Il me prie d'entrer dans la salle. Assise face au bureau, je baisse mes yeux sur la table.
« -Bien, nous allons parler de ton adaptation au sein de notre classe et de notre établissement.
-Vous... Vous voulez parler de mon... de mon état, de ma situation, n'est-ce pas ? » demandé-je, toujours aussi imperceptible. Il annonce alors, un peu gêné : «En partie, effectivement. »
Alors je ne m'étais pas trompée. C'était juste pour qu'on puisse prendre des mesures, pour me préserver de quelque chose dont je ne pâtis pas. Pourquoi ne peuvent-ils pas comprendre ? Je ne souffre de rien, d'aucun dommage, je ne suis pas malade. Et l'autre garçon alors ? Lui aussi on lui a fait croire qu'il était atteint ? Il est dans la même galère que moi ?
« -Et... Et le jeune homme... Il était là pour ça lui aussi ? Lui aussi, il a... un problème ?
-Non, non. Ton camarade est nouveau dans cet établissement et il est venu faire une mise au point, qu'on lui explique le fonctionnement de l'institution et pour remplir les derniers documents. Bien, continue-t-il, il nous reste très peu de temps alors nous allons passer au vif du sujet. Parle-moi de toi Sanaa. »
Parle-moi de toi Sanaa... J'ai l'impression d'entendre ma psy. Encore une mesure inutile, prise contre une chose inexistante. Tout cela est insensé.
«- Vous savez monsieur, je ne suis pas malade.
-Pourtant, tu vois une psychologue, non ?
- Oui, monsieur.
- Il est inscrit sur ton dossier que tu souffres de trouble de la personnalité.
-Personnalité évitante, oui, effectivement. Et de dépression majeure aussi. Mais je ne me sens pas malade, je vous assure.
- Pourrais-tu au moins m'expliquer ce que c'est ?
- C'est un mode général d'inhibition sociale, de sentiments de ne pas être à la hauteur et d'hypersensibilité au jugement négatif d'autrui. Les individus atteints de trouble de la personnalité évitante sont enclins à exagérer les dangers ou risques potentiels dans les situations ordinaires et une vie limitée peut résulter de leur besoin de certitude et de sécurité.
-Et toi, tu estimes que tu ne manifeste pas ce genre de comportement ?
-Eh bien, si... Mais je ne suis pas malade. Je ne suis pas différente des autres personnes, monsieur. J'ai juste un tempérament particulier.
-Je vois, je vois. Et est-ce que tu as autre chose à préciser ? En ce qui concerne tes relations avec les autres par exemple ? »
Un silence s'installe. Je ne fais pas vraiment confiance aux autres, en voici déjà un de problème.
« -Tu peux m'en parler Sanaa. Je suis là pour t'aider.
-Pour tout vous dire, je ressens énormément d'angoisse lors de certaines interactions sociales... Gorge nouée, douleurs thoraciques et dans les pires des cas, palpitations.
-Pourrais-tu me donner un exemple ?
-Je me rappelle, d'une fois en classe de seconde... Je ne pose pas souvent de questions, vous savez. J'ai tendance à attendre que les autres les posent. Mais bon, j'en avais vraiment besoin. Alors, avant même que je ne lève la main, je sens ma gorger se nouer. Ça, ça ne m'alertait pas. Ça m'arrivait presque à chaque fois que je prenais la parole. Alors, je lève la main. Et puis j'entends les autres parler, se moquer. Et je commence à sentir une douleur intense au niveau de mon torse. Je songe à baisser ma main, mais c'est trop tard. Le professeur m'avait déjà vu. Elle me dit, surprise que j'intervienne dans un de ses cours, que je peux poser ma question. J'ouvre ma bouche... Mais aucun son ne sort. Les moqueries redoublent. Le professeur n'entend qu'un brouhaha. Moi j'entendais toutes les phrases qu'ils m'adressaient. « Alors pleurnicharde, t'as perdu la langue ? » ou encore « Waouh, tellement à l'ouest qu'elle en oublie sa question ? » Je suis sortie de la salle.
-Tu te faisais harceler Sanaa ? »
J'en ai trop dit. Il n'était pas censé le savoir ça. Je me suis perdue dans mon développement. Mes yeux commencent à s'embuer.
-Si tu veux, tu peux disposer.
Je sors de la salle. Encore une fois.
~◘
J'ai longtemps hésiter à continuer cette fiction. Ensuite, j'ai hésité tout autant à poster cette partie. Et encore plus la suite. Mais la voici. Et la deuxième partie arrive bientôt.

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Broken
Ficțiune adolescențiJe les regarde. Ils sont tous là, à parler de moi, je le sais. Je ne supporte pas leurs chuchotements, leurs regards de travers. Ils me disent tous bonjour, au revoir, avec leurs voix niaises et leurs sourires ironiques, dans le seul but de moquer...