Un jour comme les autres

81 3 0
                                    


Une pluie morne et froide s'abattait sur les hauts immeubles lugubres de la ville de Gotham. La nuit allait bientôt tomber et il n'avait cessé de pleuvoir depuis tôt ce matin. Le déluge avait découragé bien des gens à sortir de chez eux, ainsi les rues n'étaient peuplées que de voitures éteintes, demeurant sur l'asphalte détrempé. Depuis la fenêtre de sa chambre, située au 12e étage d'un immeuble décrépit, Ella pouvait enfin voir la ville. Le soleil avait disparu à l'horizon et avec lui sa terrible lueur que la petite albinos ne pouvait regarder. Ainsi, chaque jour, elle attendait avec impatience l'heure à laquelle elle pouvait enfin voir le monde extérieur, si incroyable et mystérieux à ses yeux. Elle rêvait souvent de pouvoir sortir elle aussi, de sentir la foule, de se faire caresser le visage par les doux rayons de l'astre brûlant... Mais elle devait rester à l'abri, loin de cette foule et de ces rayons solaires qui pouvaient la brûler et la rendre aveugle. Plongée dans ses rêveries, Ella n'entendait plus les cris et les plaintes émanant de la cuisine. Elle avait toujours connu ce bruit de fond sinistre, les insultes et menaces de son père, les supplications de sa mère... Parfois des coups fusaient et des pleurs déchirant ébranlaient l'immeuble entier. Pourtant personne ne semblait pouvoir ou vouloir en prendre compte. Bien souvent, elle avait appelé à l'aide en silence, laissant des signes, attendant que quelqu'un, que quelque chose vienne la sauver. Mais personne n'était jamais venu et la petite fille blanchâtre vivait toujours dans le plus noir des désespoirs. À présent, elle avait 7 ans et déjà l'espoir était parti de son esprit. La violence, aussi bien que par les mots que par les gestes étaient devenus si banale qu'elle n'y prêtait plus attention. Les ecchymoses violets sur son visage albâtre lui semblaient tout naturel.

Cependant, il lui arrivait de rêver qu'elle partait loin, si loin que même les plus grands building de la ville paraissaient minuscules, que quelqu'un venait la chercher, quelqu'un qui n'empeste ni l'alcool fort ni le tabac froid. Un justicier sorti de la nuit, qui empêcherait son père de lui donner des coups. Mais évidemment, tout ceci n'étaient que des rêves vide de sens. Personne ne faisait attention à elle, elle qui n'était qu'un poids financier comme le lui faisait fréquemment remarquer son géniteur. Alors elle passait ses journées à attendre la nuit et ses nuits à regarder ce qu'elle pouvait voir du monde.

Ella, la tête entre les mains, regardait la pluie tomber tout en se demandait comment cela se faisait-il que la ville ne soit pas déjà submergé par les flots. Soudain, elle sursauta, surprise par le silence. Les cris avaient cessé et elle n'entendait plus que le fracas de la pluie sur la vitre de la fenêtre. Son maigre corps fut parcouru d'un terrible frisson. Quelque chose n'allait pas. N'osant sortir de sa petite chambre humide, elle entrouvrit légèrement la porte. Une sueur froide lui coulait le long de ses vertèbres. Là, dans le couloir, elle pouvait apercevoir son père tirant quelque chose qui paraissait lourd. Son visage rouge cramoisi laissait apparaitre un rictus de rage qui déformait celui-ci. Sa respiration haletante et putride lui donnait un air aussi bestial que pitoyable. Ella fut frappée d'horreur lorsqu'elle devina dans la pénombre le corps inanimé de sa mère, trainé par son époux. Elle voulu crier, hurler mais n'en fit rien. À quoi cela aurait-il servit? L'albinos se contenta de rester là, à regarder cette scène en respirant à peine, priant pour que son père ne la remarque pas. Elle le vit se placer au-dessus de sa génitrice un sourire malsain au lèvre, enlever son pantalon avec gaucherie puis effectuer des mouvements de va et vient, inlassablement pendant plusieurs minutes. Ella comprenait parfaitement ces gestes et des larmes lui montèrent aux yeux. Il était inconcevable que cet être immonde, que ce monstre répugnant puisse toucher ainsi à sa mère. Elle aurai pu l'aider, se jeter sur lui, le faire disparaitre à jamais! Mais la peur qui vivait en elle, tout au fond de son abdomen, l'en empêchait. Elle pouvait seulement attendre sur place, passive, et subir ce terrible spectacle. Et elle se sentait honteuse et lâche... Si honteuse! Et si lâche!






EllaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant