Burning Inside

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Cela faisait quelques mois que Mme. Carter, domiciliée dans l'Ancien Gotham, avait effectué le grand saut depuis son balcon devant les yeux de sa fille. L'enquête qui avait suivit fut bâclé, comme pour n'importe quelle affaire "bénigne" dans la ville de Gotham. La police de cette cité, rongée par la pourriture jusqu'à la moelle, n'avait cure de ces petites histoires insignifiantes de misère humaine issues de la plèbe. M. Carter reçu une seule fois la visite de policiers, lorsque qu'ils vinrent ramasser le corps de sa femme, débris rougeâtre éclatés sur les pavés devant l'immeuble. Évidemment, ils n'avaient pas pris la peine d'interroger la petite morveuse de la maison: en état de choque, tout ce qu'elle racontait n'était qu'un tissu d'invention sorti d'un esprit profondément traumatisé. L'affaire fut rapidement classée et oubliée, le dossier rangé dans une vieille salle poussiéreuse du commissariat de secteur, tout au fond d'un carton jaunis. Plus personne ne le sortit jamais.

Ella était à présent seule face à son paternel. Dorénavant, elle subissait les coups que sa mère subissait, s'occupait de la maison comme elle le pouvait. La petite albinos sortait à présent bien plus qu'avant le trépas de sa génitrice, ce qui lui conférait une plus grande liberté. Malgré cela, Ella n'était toujours pas heureuse. Comment le pouvait-elle?  L'argent que lui donnait son père pour acheter ce dont il avait besoin ne laissait pas la possibilité à la jeune fille de subvenir à ses propres besoin. Durant cette période, elle maigrit très rapidement, se laissant dépérir, mangeant les reste que son père laissait derrière lui, jusqu'à ce qu'elle  se rende à l'évidence. Voler était la seule solution pour avoir le ventre plein. D'abord peu assurer de ses mouvements, elle apprit vite à ses dépends comment procéder. En premier lieu, il ne fallait pas avoir l'air trop misérable, ni trop propre. Ensuite, si il s'agissait de voler de la nourriture à un stand de hotdog ambulant, il ne fallait pas prendre un air trop intéressé pour la marchandise. Ella faisait souvent mine d'attendre quelqu'un, regardant une vieille montre bracelet appartenant à son père. Enfin, il fallait créer une diversion pour détourner l'attention du vendeur et focaliser son esprit sur quelque chose. En théorie, c'est un jeu d'enfant, mais la mise en pratique était beaucoup moins évidente qu'on ne pourrait le croire. Le vol est un art à part entière et il ne faut négliger aucune variable. Après de multiples essaies, aboutissant plus souvent à des échecs qu'à des réussites, Ella devint experte dans le domaine, réussissant à devenir quasiment invisible dans ses mouvements, capable d'extirper un portefeuille de n'importe quelle poche de manteau.

Ce matin là, elle était sortie très tôt de chez elle, couverte le plus possible pour ne pas trop exposer sa peau aux rayons ardents du soleil. Bien que le jour venait de pointer, elle sentait déjà l'astre diurne picoter sa nuque. Dans la poche de sa veste répugnante se trouvait les dollars qui servaient à acheter l'alcool de son père. Ce dernier avait fini tout le stock la nuit d'avant et réclamait déjà une demi-douzaine de bouteille. Ella n'avait d'autre choix que de lui obéir au doigt et à l'oeil, au risque d'être gravement puni. Elle marchait d'un pas vif vers l'épicerie située au coin du boulevard désolé où seulement quelques clochards étaient déjà éveillés. La jeune fille en salua certains qu'elle connaissait bien puis repris sa route. Alors qu'elle était presque arrivée à destination, une drôle d'impression la fit s'arrêter. Elle se sentait épiée, comme si des yeux perçants transpercaient son corps pour scruter son âme. Ella se retourna d'un mouvement rapide, brandissant la lame du couteau qu'elle gardait toujours sur elle comme le lui avait conseillé Bernie, un sans abris avec lequel elle avait sympathisé,  au cas où... Un homme se tenait derrière elle, ne la quittant pas des yeux. Le coeur de l'albinos battait fort dans sa poitrine, sentant d'instinct un danger imminant. Le visage de l'homme abordait un sourire tordu sous une moustache bien taillée. Ella recula d'un pas, prête à décamper au moindre geste louche.
《Allons allons jeune fille, commença l'homme étrange, C'est quoi ce couteau? C'est un délit d'en avoir un sur soit comme ça tu sais?》
Ella ne répondit rien, le fixant de ses yeux rouges pâles.
《Tu vas me suivre gentiment ma belle, reprit-il, Fais pas d'histoire et je serai sympa...  Je vais pas t'emmener au poste, ne t'inquiète pas...》
Un sourire malsain apparu sur sa face et il s' avança. Ella fit un bond en arrière et laissa tomber son arme au sol, une sueur froide lui parcourant le dos. L'homme était un policier, il portait l'uniforme et devait être armé. De toutes les rencontres dangereuses que l'ont pouvait faire dans ce quartier de Gotham, un flic pourri était au moins l'une des plus redoutable. La jeune fille fit volte-face et commença à courir aussi vite que ses jambes le pouvait. Elle n'osa regarder en arrière, de peur de découvrir le policier courant à ses trousses. Dépassant l'épicerie, elle tourna  à gauche pour arriver dans une ruelle étroite et humide, jonchée de débris ménagers, priant pour que son assaillant la perde de vue. Continuant sa course folle, Ella emprunta ainsi plusieurs petite rue et passage pour finalement arriver devant le grand bloc où elle et son père vivait. Ouvrant la porte commune avec fracas, elle monta les escaliers quatre à quatre jusqu'au 12e étage, l'ascenseur ayant été depuis toujours en panne technique. Elle déboula dans le couloir de son étage et tambourina avec force à Mais porte de l'appartement où elle logeait. La porte s'ouvrit après une minute et Ella s'engouffra dans l'entrée, essoufflée, le front coulant de sueur. Elle n'eut pas le temps de reprendre son souffle que déjà quelque chose la traina puis la balança contre le vaisselier de la petite cuisine. Son père se tenait devant elle, le visage déformé par la colère, bavant légèrement. Il empestait l'alcool.
《Alors sale petite garce! hurla-t-il, C'est à cette heure que tu réveille ton vieux père?!》
《Je... je suis désolé, répondit Ella d'une voix tremblante》
《Ah oui vraiment? Tu es désolé? Qu'est-ce que j'en ai à foutre moi que tu sois désolé ? J'espère pour toi que t'as ce que j'ai demandé! 》
《J'ai... J'ai pas pu acheter les bouteilles. Ce... c'était fermé, le magasin》
《Fermé? FERMÉ?  Et tu crois que je vais avaler ça? Sale petite pute! C'est grâce à moi que t'as un toit et de la bouffe et c'est comme ça que tu me remercie? Bonne à rien! T'es juste une traînée, comme ta mère!》
《Je suis désolé...》
《Ça me fait une belle jambe tiens! T'as juste aucun respect pour ton vieux père oui!》
《Mais si... Te fâche pas... Me fait pas de mal!》
《Ferme ta sale gueule un peu. J'vais t'apprendre le respect moi! 》
À ces mots, son paternel la leva par ses cheveux et la plaqua contre la table. Ella se recroquevilla sur elle-même, n'osant même pas pleurer ni hurler, tétanisée par son père. Celui-ci enleva sa ceinture avec maladresse et donna un grand coup sur le dos de l'albinos. Un crie de douleur resta coincé dans sa gorge, ce qui lui fit émettre un gargouillis pitoyable.
《Alors?! Alors tu l'aime ton vieux père hein? Tu l'aime?!》
Un autre coup fusa.
《Ou... oui!》
《Je t'ai tout donné moi! J'ai bossé dur pour que tu vive aussi bien! Tu le sais ça n'est-ce pas?》
《Oui... oui!》
Un autre coup.
《Je veux te l'entendre dire! Dit le que tu l'aime, ton vieux père! 》
《Je... je t'aime papa.》
Son géniteur baissa le bras, souriant d'un air méchant. Il se mit au dessus du petit corps de Ella et lui chuchota à l'oreille.
《C'est bien, très bien. Moi aussi je t'aime ma fille. Et je vais te montrer comment moi je t'aime!》
La plaquant fermement de ses grosses mains, il lécha la joue de Ella et poussa un léger grognement de satisfaction. La jeune fille sentit alors en elle la plus horrible sensation qu'elle n'avait jamais eu à ressentir. Elle avait l'impression qu'une immense chaleur lui brûlait avec force les entrailles, et que ce feu intérieur allait la dévorer tout entièrement. Ella serra les dents et, avec toute la force qui lui restait, donna un coup de genoux dans l'entre-jambe de son père. Ce dernier lacha prise et se plia en deux en hurlant toute sa douleur. Profitant de ce moment de répit, la jeune albinos s'empara d'une chaise en bois et la cogna avec force sur le crâne nu de l'homme répugnant qu'elle appelait père. Il tomba alors à la renverse, les yeux révulsés, la langue pendante, puis s'écroula lourdement sur le sol, inerte. Se précipitant vers le tiroir renfermant les couverts, Ella sorti un couteau destiné à découper d'épais morceaux de viande et d'un bond se plaça au-dessus de son père. Elle resta ainsi quelques instants, prête à planter l'arme dans le ventre de son bourreau. Une minute passa et elle dû se rendre à l'évidence: elle était bien incapable de tuer cet homme. Poussant un soupir de frustration, elle jeta au loin le couteau de cuisine et des larmes commencèrent à couler le long de ses joue albâtre. Elle savait qu'à présent, elle devait disparaître pour sa propre sécurité.  La jeune fille se dirigea vers sa chambre délabrée, pris un sac et y engouffra le peu d'argent qu'elle possédait, son couteau de rechange caché sous son matelas ainsi qu'une vieille photo de sa mère qu'elle avait réussi à préserver. Elle jeta un dernier regard à son père et sorti de l'appartement, sachant qu'elle ne pourrait jamais y revenir sous peine de mort. La rue lui paraissait un endroit mille fois plus sûre. Ella Carter respira à fond l'air frais de ce matin d'automne, puis disparue dans une petite rue sombre, bien décider à s'éloigner le plus possible de cet endroit épouvantable.

EllaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant