Chapitre 1

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Mon mentor en impose par son silence. Mais aucune chance qu'il me déstabilise. Depuis six ans que je travaille pour lui, je suis rodé à l'exercice. Il me dévisage avec un intérêt calculé.

– Sacré boulot, déclare-t-il enfin.

Bordel, que c'est bon !

Jouissif même.

Stan Hools est l'associé senior de Graham & Carlson, une boîte située en plein cœur de New York, pour laquelle je bosse comme consultant. Ces deux infimes mots sortis de sa bouche avec une fierté dans la voix rendent ma victoire d'autant plus savoureuse. Je ne veux pas faire partie des meilleurs, je veux être le meilleur.

– Austin, veuillez nous laisser, ajoute-t-il.

Je n'accorde plus aucune attention à mon collègue. Il sait tout aussi bien que moi que je suis indétrônable dans le domaine. C'est peut-être un excellent consultant qui ne compte pas ses heures, mais il manque d'audace, alors que moi, j'en ai à revendre. Mon séjour à Portland en est la preuve.

Le silence s'invite à son départ. Tout se joue sous l'œil aguerri de mon patron qui me scrute avec une vivacité qui provoque mon large sourire empli de satisfaction. Je l'ai surpris et j'adore ça.

– Nedlex... intéressant, me révèle-t-il en se rencognant dans son fauteuil.

– Je dirais même une incroyable opportunité pour la future fusion de Jones & Parker. Nedlex leur permettrait d'augmenter leur force de vente dans le domaine des télécommunications sur toute la côte Est des États-Unis. Et en contrepartie, il fait son entrée en bourse pour financer sa croissance.

– Comment avez-vous obtenu cette information ?

J'ai piqué sa curiosité, effet plutôt rare, alors j'abats ma carte maîtresse.

– Par Richard Byrne du bureau Gresham Technology. Il demande 10 % de la transaction finale.Il acquiesce d'un signe du menton et d'un air songeur, jette un dernier regard sur mon dossier, puis ses doigts pianotent dessus tout en me déclarant :

– Bien. Nous avons rendez-vous avec Arold Parker fin de semaine, faites une contre-expertise du bilan financier de Nedlex afin que le projet soit béton.

– Vous l'aurez.

Il glisse l'affaire sur son bureau, sans lâcher son aura autoritaire.

– Je la veux pour demain soir au plus tard.

– Vous l'aurez, lui réponds-je avec assurance.

D'un geste calme, je m'en empare alors que mon cœur pulse furieusement dans ma poitrine. Je vais être le bras droit de mon mentor pour un de nos plus grands clients !

Son téléphone en main, il compose un numéro. Une fois contre son oreille, il est temps pour moi de tirer ma révérence. Dès que la porte claque derrière mon dos, je suis comme un roi conquérant.

J'exulte ! 

Je prends l'ascenseur et monte jusqu'au vingt-troisième étage, direction le service financier pour retrouver mon comparse depuis que je bosse dans cette boîte. Je frappe contre le battant en bois, puis entre dès l'accord de Brian. Je le découvre, affalé sur son bureau, les yeux encore rivés sur son écran d'ordinateur. Il coule un coup d'œil vers moi et marmonne à mon intention :

– Je suis à toi dans une petite minute.

– À ton aise. 

Mon ami est un surdoué des chiffres. Il est habile pour analyser une affaire en cours en un temps record, tout en détaillant sa conclusion par des modèles mathématiques financiers complexes. Je dois avouer qu'à chaque fois que j'ai fait appel à ses services, j'ai toujours obtenu satisfaction. Il pourrait sans aucun doute faire partie des banquiers d'affaires les plus influents, mais il préfère s'occuper des dossiers simples, ceux qui demandent un minimum d'investissement de sa part.

Succombe-moi (Sous contrat d'édition chez Shingfoo et Ito Editions)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant