Succombe-moi (Sous contrat d'édition chez Shingfoo et Ito Editions)

Chapitre 2

Point de vue de Matt

Oh bon sang ! C'était l'échange le plus étrange de toute ma vie. Habituellement, on me traite de connard seulement après une partie de baise, lorsque ma conquête espère obtenir plus d'engagement de ma petite personne, que je refuse catégoriquement – bien entendu.

Caressant ma joue parfaitement rasée, je me lève et jette un bref regard dans le couloir pour admirer son déhanchement chaloupé, dû à un énervement à peine contenu.

Ça lui va plutôt bien !

Je referme la porte et laisse échapper un éclat de rire incrédule. C'est dans cet état que me découvre mon ami quelques minutes plus tard. Il faut avouer que je ne m'en remets toujours pas.

– Qu'y a-t-il de si drôle ? me questionne-t-il d'un air préoccupé.

Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de lui révéler mon altercation avec sa cliente.

– Ton entretien ne s'est pas bien passé ? éludé-je.

– Pas vraiment, il me demande de gérer de plus gros dossiers. Il me tanne pour que je fasse mes preuves et que j'accède à un poste haut placé. Bordel ! Je n'en ai aucune envie.

– Tu lui as dit ?

– Ouais, et il n'en a rien à foutre donc, moi aussi.

J'éclate de rire.

– Bon, tu as eu le temps de te faire une idée ? me coupe-t-il dans mon hilarité.

– À quel propos ?

Interloqué face à mon air faussement innocent, il me scrute quelques secondes afin de me sonder.

– Le dossier Julia Stroms.

– Ah oui ! C'est une affaire qui tient la route et la propriétaire semble savoir ce qu'elle veut. Tu as raison, elle est plutôt déterminée comme nana.

Intrigué, il se laisse choir dans son siège tandis que je m'assieds sur un coin de son bureau en dégageant la place d'un revers de la main.

– Comment ça, déterminée... Tu l'as rencontrée ?

– On peut dire ça. Et tu as intérêt à te remuer les fesses parce qu'elle est partie furax.

Il consulte l'écran de son ordinateur, puis pianote sur le clavier avant de cogner le plat de sa main contre son front.

– Merde ! J'ai confondu les jours. J'ai cru que c'était demain !

– Je m'en étais rendu compte, pouffé-je. Au fait, elle revient demain à la même heure.

Il croise les bras sur sa poitrine et plisse les yeux de suspicion, comme si j'étais coupable de quelque chose.

– Il s'est passé quoi au juste ?

– Pas grand-chose.

– Pourquoi tu ne l'as pas fait patienter ?

– Elle avait un autre rendez-vous.

– J'ai à peine dix minutes de retard. Elle n'aurait pas dû repartir si vite... Bon, explique-moi ce que j'ai raté.

J'essaye de ne pas tenir compte du sarcasme qui teinte sa voix. Il me connaît trop bien pour que je puisse le berner, je lui raconte donc mon entrevue foireuse et, contre toute attente, il explose de rire.

– Une femme qui a tenu tête à l'irrésistible Matt Evans ! Bon sang ! Je vais la chouchouter cette nana. Ça va, toi ? Tu vas t'en remettre ?

– Tu me connais mieux que ça. Je n'ai pas dit mon dernier mot.