3. Emilie

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 — Émilie ! Émilie je t'en prie, réponds-moi. Émilie, petite sœur, reste avec moi, ne me fais pas ça !

Ce sont les dernières paroles que prononce ma sœur avant de se rendre compte que je suis morte.

Sandra est ma grande sœur, mon amie, ma confidente. J'aime me tourner vers elle lorsque j'ai besoin de conseils sur les garçons ou de cacher une bêtise aux parents. On se ressemble beaucoup, mais elle est aussi blonde que je suis brune. Excepté cette différence, nous avons les mêmes yeux verts, le même visage rond de poupon et les mêmes fossettes lorsque nous sourions ; nous sommes toutes les deux grandes et pas vraiment filiformes. On nous prend souvent pour des jumelles, bien que nous ayons trois ans de différence. Elle déprime souvent à l'idée d'approcher de la trentaine, mais je lui réponds qu'elle est aussi belle qu'il y a dix ans et qu'elle a encore le temps de s'inquiéter de l'avenir, ce à quoi elle réplique que je suis encore jeune, et que lorsque j'aurai son âge je penserai la même chose. Mais ça, je ne le saurai jamais.

Je suis décédée à l'âge de 24 ans, d'une mauvaise chute de cheval, pendant une balade dans les montagnes avec ma sœur.

Quelques heures plus tôt

Mes parents habitent un petit village près de Menton, dans le sud de la France. Avec ma sœur, nous avons quitté le cocon familial depuis quelques années. Moi, j'ai le goût de l'aventure, je suis montée à la capitale pour mes études, alors que Sandra est restée à Menton, dans le centre-ville. Nous sommes encore étudiantes, ma sœur est en pleine préparation du concours de recrutement de professeur des écoles, quant à moi, je suis en double cursus à la fac, en droit et en histoire de l'art. J'espère devenir commissaire-priseur à la fin de mes études.

J'adore le village de mon enfance, mais je suis plutôt rat des villes que rat des champs. J'essaye tout de même de rentrer le plus souvent possible à la maison, pendant les longs week-ends ou les vacances scolaires ; être loin de ma famille est trop difficile pour moi.

Ce que j'aime ici, c'est que nous pouvons profiter aussi bien de la mer que de la montagne. Le contraste entre les monts enneigés des hauts sommets et les plages ensoleillées est saisissant. C'est peut-être à cela que ressemble le paradis.

Mes parents vivent dans une charmante maison en pierre, au milieu des montagnes, sans vis-à-vis. L'intérieur est simple, l'ensemble du mobilier est en bois et une immense cheminée trône dans le salon ; ce que je préfère, c'est la vue que j'ai depuis ma chambre. J'ai la chance d'avoir une petite terrasse attenante, sur laquelle j'ai installé une chaise longue et un hamac afin d'admirer le paysage. Je pourrais rester là pendant des heures, été comme hiver, à contempler les montagnes qui s'étendent à perte de vue. Les saisons font varier leurs couleurs ; elles sont vertes en été, fleuries au printemps, couleur feu en automne, et d'un blanc pur en hiver. Pour moi, c'est ce qu'il y a de plus beau au monde.

Sandra et moi préparons cette balade depuis plusieurs jours. Nos parents n'approuvent pas du tout le fait de nous laisser partir seules à l'aventure, ils sont effrayés à l'idée qu'il puisse nous arriver quelque chose. Selon eux, la montagne est dangereuse et imprévisible, mais pour nous, elle ne représente qu'un immense terrain de jeu depuis notre plus tendre enfance. Notre enthousiasme et notre excitation ont fini par prendre le dessus sur leur inquiétude, mais pour les rassurer, nous leur promettons de les appeler toutes les deux heures.

Nous avons deux chevaux, que Sandra et moi avions sauvés de l'abattoir il y a quelques années. Celui de ma sœur s'appelle Storm, pour sa vivacité, son intrépidité et son imprévisibilité. Ma jument s'appelle Osiris, en hommage à ma passion pour l'Égypte antique lorsque j'étais plus jeune.

Liés corps et âmes (Sous contrat d'édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant