Bilton city

Prologue

Les rideaux se tiraient, les poutres grinçaient sous la menace du lourd vent d'hiver, plongés dans l'obscurité de la plus haute chambre du manoir.

Le visage pâle d'une fille, très jeune, et mince comme une tige de lavande séchée, se retrouvait baigné par le clair de lune qui perçait à travers la vieille fenêtre.

Avec une grimace, la jeune fille, allongée sur le sol, serra les poings en tentant de s'agripper à la rambarde de la cette grande fenêtre de chêne, qui surplombait l'immense jardin du château en contrebas.

Derrière elle, les bruits de pas qui résonnaient dans l'escalier s'intensifiaient. Quelqu'un semblait les grimper quatre à quatre avec une précipitation effrénée.

Les épaules tremblantes de la jeune femme semblaient penner à supporter le poids de son corps. Ses lèvres, desséchées, frémirent sous ses dents alors qu'elle s'armait d'un courage désespéré, tentant sans succès de parvenir à se tenir debout.

Dans un léger bruit mat, elle s'écroula une nouvelle fois sur le parquet gelé.
Paniquée, elle balaya la pièce du regard, comme sur le qui-vive d'un danger imminent.

Le faible carré de lumière blanche que distinguaient ses yeux plissés ne parvenait pas éclairer le reste de la chambre, plongée dans l'obscurité.

La jeune femme se mordit de nouveau les lèvres avant de se relever avec peine. Tout paraissait si lourd...
Combien de temps un somnifère faisait-il effet ?

Elle rejeta faiblement ses cheveux bruns derrière ses oreilles et poussa sur ses cuisses.
Lentement, elle parvint à enjamber une premiere fois la petite rambarde de la fenêtre.
S'agrippant aux volets de la fenêtre, elle fit passer sa deuxième jambe, qui rejoignit la première sur la pierre froide de la balustrade, à quelque centimètres du vide.

En bas, les arbres du jardin qui parsemaient l'herbe folle de la propriété ressemblaient à des fantômes. 
Tout autour, les champs s'étendaient à perdre de vue dans cet océan de nature sauvage.
Le ciel était calme.

Les râles hoquetant qui agitaient la poitrine de cette jeune fille frêle perçaient en échos solitaires dans le silence nocturne.
Les mains fermement agrippées aux durs volets de chêne, elle pleurait, tentant avec véhémence d'adoucir le bruit de sa respiration.

Inspiration. Expiration.

Elle n'avait pas d'autre solution.
Ses pieds nus caressaient l'air sauvage du soir. Son corps balançait dangereusement sur la maigre balustrade suspendue.

Derrière elle, quelqu'un cognait fermement du poing sur la porte de la pièce.
La poignée s'ouvrît d'un seul coup, dans un fracas effrayant.

Il entra.

Dans sa gorge, elle sentit soudain l'air froid passer abruptement, comme des milliers d'aiguille.

-  "Tu ne me laisses pas d'autres choix." souffla-t-elle avant qu'il n'ai eu le temps de parler.

L'homme se précipita avec violence vers elle, les mains tendues. Sur son visage s'exprimait un mélange singulier de haine et de peur.

La jeune femme s'agrippa une dernière fois contre les volets. Ses doigts crissèrent contre le bois.

Elle savait ce qui allait suivre. Elle l'avait toujours su.

Ses yeux fixaient le ciel avec un calme déconcertant.
Lentement, son dos bascula dans le vide.

La chute était plus longue qu'elle ne s'y attendait. Ses longs cheveux bruns s'unissaient en tourbillons au dessus d'elle, comme une dernière tentative de vie.

Puis, sans prévenir, le noir.

L'homme hésita un instant avant de se pencher sur la petite fenêtre du manoir.

Quelque mètres plus bas, une petite robe de chambre légère brillait, immaculée au milieu de l'herbe obscure.