CHAPITRE TROISIEME

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Le retour à la maison s'est fait dans le silence. Enfin, de mon côté. Parce que Jessy a profité du trajet pour me détailler sans complexes ses ébats passionnés avec Jeff. Heureusement pour moi, trop obnubilée par ma vision fantomatique de tout à l'heure, je n'ai retenu que quelques mots. Quatre pour tout dire. Sa.Queue.Est.Fabuleuse. Et je crois que ça suffit à résumer son long monologue.

- Ça va Sid ?

- Hum hum...

- T'es sûre ? Parce qu'en général, quand je prononce dans la même phrase orgasme et anulingus, tu fais un malaise vagal.

- J'ai un peu mal à la tête, c'est tout.

- Tu veux que je reste dormir chez toi ce soir ?

- Non non ça ira. De toute manière, il faut que je bosse sur ma chronique du samedi.

- C'est laquelle celle-ci ?

- Le samedi c'est Mode à Tous Prix. D'ailleurs demain matin j'irai faire un saut dans la nouvelle boutique qui a ouvert dans le centre ville. Je compte faire l'article sur eux.

- Tu parles de celle qui vend des sextoys en sucre ?

Je lui jette un regard ahuri.

- Euh... non. Juste de celle qui propose des reproductions de grands couturiers bon marché.

- Oh !

- Je ne veux pas savoir comment tu connais ce magasin.

- Ah non, tu ne veux pas ! elle répond en pouffant.

Jessy fait partie de ces filles qui vivent leurs vies sans trop se poser de questions. Je l'admire, l'envie parfois, d'être si libre et libérée. Je n'ai pas encore compris ce qu'elle peut bien trouver à une fille comme moi. Ennuyeuse à mourir, je n'ai vraiment rien de la meilleure amie rêvée ! Mais je n'ai pas toujours été comme ça. Il y a eu un temps où j'étais insouciante et toujours prête à tester de nouvelles choses. Qui sait, peut-être qu'un jour ma vie redeviendra incroyable. J'en doute, mais on ne sait jamais.

Je regarde les rues défiler et mes pensées dérivent à nouveau vers l'inconnu de ma chambre d'hôpital. C'est forcément un effet secondaire de mon choc à la tête. En tout cas, c'est ce dont je me convaincs pour ne pas psychoter plus longtemps. Dès que j'arrive chez moi, je vais foncer sur Google pour vérifier les conséquences potentielles d'un traumatisme crânien.

- T'es sûre que tu préfères pas que je dorme avec toi cette nuit ?

- Certaine Jessy, tu as déjà fait beaucoup ! Je t'adore.

- Je t'adore aussi Sidney.

Avant de sortir de la voiture elle m'enlace quelques secondes, m'offrant une vague de sentiments sincères. Je les laisse picoter sous ma peau pendant qu'elle m'accompagne jusque devant ma porte.

- Tu m'appelles si tu te sens bizarre ok ? Je serai pas loin de chez toi, Jeff habite juste à quelques rues d'ici.

- Encore lui ? Je croyais que tu ne puisais jamais au même puits ??

- Oh, mais ce puits-là est trèèèès profond ma douce ! elle s'écrie dans le couloir qui résonne, en haussant plusieurs fois des sourcils.

- Ah tu m'écœures ! Allez dégage !

- Je t'appelle demain !

Je lui fais un petit signe de la main et referme la porte à clé derrière moi. Enfin à la maison ! Je reste un instant le front appuyé contre le bois de ma porte d'entrée. Dans un coin de mon esprit, je pense encore à l'autre type. Spielberg à mes heures perdues, j'imagine déjà tout un scénario mental, mettant en scène sa présence chez moi. Mais quand je me retourne doucement, il n'est pas là. Et la vision de mon appartement familier et réconfortant éloigne enfin mon angoisse.

Les OubliésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant