Les Oubliés

CHAPITRE SEPTIEME

- T'es sûre que tu veux déjà rentrer Sidney ? Tu sais que tu peux rester ici autant que tu veux hein ?

- Je sais Jessy, t'es une vraie mère pour moi !

- Je fais de mon mieux, mais tu me donnes du fil à retordre !

- Je dois vraiment rentrer, j'ai plein de boulot et je suis déjà à la bourre sur ce fichu dossier.

- Ça peut attendre un jour de plus non ? Je peux simuler une gastro pour esquiver le travail et on restera ici à se goinfrer d'œufs en chocolat !

Je lui souris en secouant la tête. Cette fille est géniale. Sans elle, je ne serais qu'une pauvre âme perdue. Elle continue à faire le singe en enlevant l'emballage en alu de mes chocolats préférés. Ce sont les moins chers du supermarché et ils contiennent probablement plus de trucs bizarres que de chocolat. Mais rien n'y fait, ce sont ceux que j'aime manger par dessus tout.

Je manque de m'étouffer en attrapant au vol un petit œuf qui atterrit directement sur ma langue et roule jusqu'à ma glotte.

- Ça va ? s'exclame Jessy sans retenir son rire.

- J'te jure, en ce moment je suis genre vaudoudiser ! J'ai l'impression que l'univers tout entier cherche à m'assassiner !

- Sois pas con ! Et au pire Chris l'hypothétique ange gardien  viendra te sauver !

Je grimace en entendant ce prénom.

- Désolée ! s'empresse d'ajouter Jessy la bouche pleine. C'est vrai, on a dit qu'on arrêtait d'en parler.

Ouais, enfin c'est surtout ma propre décision en fait. Après presque une nuit entière à essayer d'expliquer la présence de ce fantôme muet, en échafaudant des théories plus épiques les unes que les autres, j'ai obligé Jessy à jurer de ne plus en parler. Je crois que sa théorie selon laquelle mon vagin lui-même aurait invoqué cet esprit, m'a pas mal traumatisée.

- J'ai quand même envie d'en parler à ma grand-tante Graziella.

- Celle qui communique avec son mari décédé en utilisant son dentier ?

- Ouais !

- C'est écœurant...

- Mais ça lui fait du bien ! On s'en fout si c'est à gerber ! Et puis tu sais, c'est en parlant avec feu grand-tonton qu'elle a su que je planquais de l'herbe dans son grenier.

- C'est ce qu'elle dit pour te faire flipper, sois pas si naïve !

- Non je te jure ! Elle m'a sortie des détails hyper bizarres. Des trucs que personne n'aurait pu voir.

- Si tu le dis !

- Putain mais t'es pas croyable ! Tu trouves normal qu'un fantôme lise dans ton canapé, mais tu veux pas accorder le bénéfice du doute à tante Grazie ? C'est moche Sidney !

- Pas faux... Je suis désolée.

- Tu vas venir avec moi lui rendre visite alors ?

- Bien essayé ! Mais dans cette maison de retraite glauque, non merci ! Et puis je suis sûre qu'en arrêtant de me focaliser sur Chris, il va finir par disparaître de mon canapé.

Je me penche pour attacher mes lacets et au moment de me relever, une vive douleur m'oblige à me retourner en direction de mon amie.

- Qu'est-ce que tu fous Jess ? Pourquoi tu m'as tirée les cheveux ?!

- C'est pour Grazie ! Avec ça elle pourra faire ses trucs bizarres avec des os de poulets et la pisse de Wesley.

- Wesley ? C'est qui, son animal de compagnie ?