Mes muscles me brûlent, mes poumons me lancent et mes poings rougis se retourneraient bien volontiers contre moi s'ils le pouvaient. Je viens de leur infliger près de trois ans d'entraînement en une seule soirée. Mais merde, ça fait du bien.
Le dos appuyé contre le mur du salon, mon souffle n'est pas encore revenu à la normal.
Comme le reste, de toute façon.
Il n'y aura plus cette normalité qui s'était installée en moi la première fois que Jamie m'a prise dans ses bras. Et aujourd'hui, elle semble bien plus hors de portée que jamais, alors que mes yeux se posent sur mon canapé.
— Pourquoi tu fais ça... je murmure d'une voix faible. Pourquoi tu m'ignores comme ça...
Je ne sais pas ce qui me prend de lui demander ça, ni pourquoi il semble tellement tenir ma stabilité entre ses doigts.
— Laisse tomber, je grommelle en me relevant et en éteignant la lumière du salon.
Je ne traîne pas dans la salle de bain et me couche immédiatement. Je m'endors sans avoir pu refouler les larmes qui me sont montées, mais en ayant tout de même réussi à trouver le sommeil sans lutter. Sans me perdre dans des pensées qui surgissent toujours quand la nuit est tombée.
Pas un seul cauchemar ne vient s'en prendre à moi et je me réveille calmée. Je décide d'ignorer Chris, aussi bien chez moi que dans ma voiture. C'est plus dur que je ne veux bien me l'admettre mais je dois essayer. Je dois me préserver de ce qu'il m'inspire chaque jour plus.
Le sac de frappe continue à recevoir mes attaques, fidèle allié de mes humeurs maussades. Lui seul sait tout ce qui fourmille en moi, témoin muet d'une époque heureuse et malheureuse.
Je sombre dans le sommeil moins facilement de nuits en nuits, et les cauchemars refont peu à peu surface. Ils sont si réels que la douleur me réveille. Et je ne m'en plains pas. Chaque cri que je pousse me ramène dans mon lit, me sauvant d'un souvenir que je veux plus que tout fuir.
Jusqu'à ce soir.
Je ferme les yeux, pas sûre de m'endormir aussi vite que les jours précédents, comme si je pressentais que cette nuit n'allait pas m'épargner. Comment le pourrait-elle ? Dans une semaine à peine, la réalité reviendra s'en prendre à moi et mes poings bandés n'y pourront rien. Elle me tombera dessus avec cette même force contre laquelle je n'ai jamais su lutter. Contre laquelle seule la vodka anesthésie un peu ma souffrance.
Le visage de Jamie apparaît sous mes paupières closes et je les sers plus fort pour rattraper certains détails qui tendent à s'effacer. Je n'oublierai jamais son visage, mais j'ai de plus en plus de mal à en redessiner complètement les détails. Comme si ces cinq années faisaient glisser sur lui un voile opaque.
— Jamie, je murmure entre mes lèvres tremblantes.
Je ne devrais pas faire ça, surtout pas avant de m'endormir. C'est comme invoquer une entité qu'on craint par-dessus tout. Mais c'est plus fort que moi, j'ai besoin de sentir son prénom glisser sur ma langue encore une fois.
Et il est déjà trop tard.
Avant d'avoir pu l'en empêcher, le sommeil s'abat sur moi, m'emprisonnant immédiatement dans ce rêve qui me hante encore et encore.
— Arrête de me reluquer ! je râle en frappant son épaule tatouée.
— Aie ! Désolée ma puce, c'est de ta faute ! Cette robe... merde, c'est un appel à la mauvaise conduite !
— Oui eh bien, en parlant de conduite, regarde un peu la route, tu veux ! On est déjà en retard et tu roules tellement doucement qu'on n'arrivera jamais à temps !
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Les Oubliés
ParanormalIl est resté assis à coté de moi pendant des semaines, sans même me parler. Jour après jour, il m'a accompagnée partout où j'allais, sans même me regarder. Je n'avais aucune idée de qui il était et de ce qu'il faisait assis là, sur la banquette ar...