Jusqu'au bout du monde

53 8 2
                                    

     Je fus projetée dans les airs. Je suis retombée lourdement sur le bitume.

     J'étais encore consciente. J'avais mal partout et je ne pouvais bouger aucun de mes membres. Je restais là, étendue sur le dos. Les yeux ouverts, je ne réussissais à percevoir que les couleurs car les larmes brouillaient tout. La puissance du choc avait chassé tout l'air de mes poumons et, la bouche demie close, j'essayais de reprendre une respiration normale. Je suffoquais, je cherchais l'air, j'allais mourir c'était sûr. Inspire, expire, inspire, expire... Je n'y arrivais pas, je m'affolais. Des gens hurlaient. J'essayais d'appeler au secours, mais aucun son ne voulait sortir de ma bouche. J'ai fermé les yeux, je ne sentais plus rien, j'étais légère. Je crois que du monde à afflué autour de moi. J'entendais les sirènes des pompiers, des policiers. Les couleurs des gyrophares tournaient autour de ma tête.

     Puis le trou noir.

    Quand je me suis réveillée, j'étais à l'hôpital.

     Je sursaute une nouvelle fois. Je reprends mes esprits. Une infirmière venait d'entrer dans ma chambre. J'avais dû appuyer sur le bouton d'appel sans faire exprès. Elle passe un gant d'eau froide sur mon front silencieusement, son silence est apaisant. Je referme les yeux. Je sens ses mains glacées me caresser le visage et je l'entends murmurer des paroles réconfortantes. Je tourne la tête lentement vers la droite et regarde l'heure. 4h00. Je pousse un soupir d'exaspération. Je me laisse glisser entre les mains de mon ange gardien. Je m'endors.

     Ce matin, je suis réveillée par un docteur. Il a une barbe blanche assez courte et il porte une grande blouse blanche,(comme je pense la plupart des docteurs). Il est accompagné d'une infirmière, tous deux regardent mes cicatrices.

     Je ne sais pas ce que les opérations ont donné. Je ne sais pas si je pourrais un jour remarcher. Ce que je sais c'est que le haut de mon corps, du haut de mes cuisses jusqu'à la pointe de mes cheveux, fonctionne. Dans deux semaines je pourrais peut être sortir de ce trou à rat. Pour moi, ici, c'est comme une fourmilière, tout le monde s'affaire et s'occupe. Les gens sont bruyants, certains cris, d'autres pleurs, mais aucuns ne sourit.

     Aujourd'hui on va m'annoncer que mon état s'est amélioré, c'est sûr on va alors me changer de chambre et donc d'étage. Je vais laisser la place à quelqu'un de plus malade que moi.

     Mais un docteur arrive dans ma chambre, la mine grave. Il tient dans sa main ce que je pense être mes résultats d'analyse. Et je ne me trompe pas. Il pose le dossier noir sur ma table de chevet et s'assoit auprès de moi, sur un petit tabouret.

-J'ai quelque chose d'important à te dire...commence-t-il. Les résultats de ton dernier examen ne sont pas bons.

     Il prend une grande inspiration, ouvre la bouche, hésite...Et se lance.

-Écoute... tu ne retrouvera jamais l'usage de tes jambes. Nous n'avons rien pu faire... Je suis désolé...

     Je ne réponds rien. Mon sang ne fait qu'un tour. Je reste figée. Je ferme les yeux dans l'espoir de me réveiller. J'ai l'impression de me noyer ou d'assister à la mort d'un de mes proches. Impuissante. Seule. Toute ma vie tombe en mille morceaux, elle n'est  plus que poussière. Ce petit espoir qui luit encore au fond de moi me pousse à penser que tout cela n'est qu'un cauchemar. Je vais me réveiller. Tout cela sera fini. Une infirmière viendra me parler doucement en me passant un gant d'eau froide sur le front et je me rendormirais et rêverais de courir dans le jardin et me rouler dans l'herbe. Je prends mon courage à demain et puis , j'ouvre les yeux.

Rien n'a changé.

Jusqu'au bout du monde.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant