Jusqu'au bout du monde

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     Une larme froide et salée coule le long de ma joue. Et puis je pense à mes parents. Est-ce-qu'ils le savent déjà? Comment réagiront-ils ? Je ne sais même pas pourquoi je pleure. J'aurais voulu m'enfuir, mais je ne peux pas...

     Je ne pourrai plus marcher, courir, sauter, sautiller, m'accroupir...

     Le docteur s'en va, me laissant avec les infirmières déjà occupées à déménager toutes mes affaires on me change de chambre. Elles débloquent les roues de mon lit et je me laisse porter hors de la chambre. Les couloirs sont d'un blanc immaculé, seulement quelques cadres parfois. L'ascenseur a une odeur de produit d'entretien. Je suis assise, ma peluche entre les mains, le regard vide. Je ne vois même pas que j'arrive dans ma nouvelle chambre. Le lit s'arrête net. Je reprends mes esprits.

     Je regarde autour de moi. Un meuble en bois clair se trouve en face de mon lit. Celui-ci est collé au mur. Une fenêtre, beaucoup plus grande que la dernière, laisse passer une telle lumière que j'en suis éblouie. A ma grande satisfaction les murs ne sont pas blancs. Ils sont d'un jaune pâle, ce que rend la pièce beaucoup plus chaleureuse. Quelques tableaux aux couleurs vivent sont disposés de part et d'autre de la pièce. Un détail m'interpelle. La chambre est trop grande pour une personne. Je tourne la tête vers ma gauche, un rideau blanc sépare la pièce en deux parties distinctes. Je réalise alors que je ne serais pas seule dans cette chambre.

     Je m'imagine toutes sortes de personne avec qui je devrais partager mes journées. Un vieillard pervers, une maman dépressive, un homme avec les bars ou les jambes coupées, une jeune fille beaucoup trop jeune pour lier une amitié. Un garçon ou une fille de mon âge serait la meilleure des choses.

     Les infirmières ouvrent le rideau et s'en vont. Je tourne la tête en direction du rideau. Là, se trouve assise sur son lit, une jeune fille de dix ans environ. Ses cheveux ondulés, blonds, lui tombent aux fesses. Ses yeux bleus ressortent sur son visage pâle. Elle me dévisage, je la dévisage. Un silence qui semble durer une éternité. Aucune de nous deux ne voulaient faire le premier pas. Je remarque que ses yeux sont rouges. Des larmes ont coulé récemment sur ses joues. Elle ressemble à un ange dans son pyjama blanc.

     -Bonjour. Moi c'est Allison. Dis-je d'un ton peu assuré.

     Elle baisse la tête vers un dossier noir, qu'elle porte sur ses genoux. Je le reconnais. C'est le même dossier qui m'a annoncé la perte de mes jambes une heure plus tôt. Je comprends immédiatement. Une mauvaise nouvelle. Je ne sais pas laquelle. Je l'ignore. Mais j'aimerais la rassurer la prendre dans mes bras. Elle est trop jeune, beaucoup trop jeune pour être seule à assumer cette mauvaise nouvelle, soutenir ce fardeau.

     -Je connais ce dossier... Je baisse la tête prends une inspiration et chuchote. Il y a une heure on m'en a apporté un tout pareil, m'annonçant que j'avais perdu l'usage de mes jambes...

     Elle relève la tête. Dans ses yeux, la compassion et la tristesse se mélangeaient.

Jusqu'au bout du monde.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant