S A L U T

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Assise au pied du lit, dans la pénombre de sa chambre, enroulée d'une couverture, une jeune fille d'environ quinze ans contemplait, pensive, le mur face à elle, de ses grands yeux verts, émeraudes ciselées illuminant son visage. Songeuse, ses traits fins s'étaient composés en une expression délicate, posée, réfléchie, mais également froide, isolée du monde extérieur, tandis que la lumière bleutée de son téléphone, qu'elle serrait entre ses mains aux doigts fins et délicats, rehaussait les ombres. Sa peau d'ivoire poli la faisait ressembler à une jolie poupée de porcelaine aux joues subtilement rosies par le vent qui s'invitait par la fenêtre, et sa silhouette se découpait sur le mur, vêtue d'un simple short noir et d'un ample tee-shirt blanc, avec une tête de chat. Un cadeau, son cadeau, qu'il lui avait offert, un jour, sans raison particulière sinon celle de lui faire plaisir, et qu'elle aimait parsemer de quelques gouttes d'eau parfumée, à la fragrance semblable à celle de ses étreintes. Ainsi, où qu'ils soient, elle pouvait fermer les yeux et s'imaginer en sécurité dans ses bras, rieuse, tandis qu'ils discutaient en chuchotant. Ils avaient tant de souvenirs qu'elle adorait, et qu'elle revivait en pensées, quand la nuit l'entourait de silence et que les douces notes de violon, de piano ou de violoncelle qui étaient ses musiques de prédilection s'élevaient entre ses quatre murs... Bien trop pour tous les nommer, qui suffisaient à la faire rire aux éclats, esquisser un sourire ou retenir ses larmes, tandis qu'elle écrivait, rangeait son violon ou commençait un livre, un épisode de série ou un dessin.

Mais ce soir-là, aucune mélodie n'était perceptible de l'autre côté du battant de bois qu'elle avait repoussé pour s'enfermer dans un cocon, et elle restait au sol, observant quelque chose que nul autre, semblait-il, ne pouvait distinguer, hésitante. Jouant avec le ruban tressé et orné de breloques qui décorait son téléphone, elle composa un numéro, qu'elle connaissait par coeur, sans vouloir chercher dans ses contacts, et son index se suspendit quelques secondes au-dessus de l'icône qui indiquait, en petites lettres calligraphiées et colorées, le mot "Appeler". Elle baissa les paupières un instant, ses cils sombres couvrant son regard lumineux, enchanté, puis les rouvrit et eut un sourire discret, à peine esquissé, pour elle-même, serrant contre elle son ours en peluche. Puis elle appuya, et la sonnerie se fit entendre une première fois, deux fois, trois fois. Pas de réponse. Elle voulait simplement entendre sa voix, qu'il réponde ou pas... Le message préenregistré se mit en route, et elle revit le visage de son ami se dessiner dans sa tête, avec une précision parfaite répondant aux photos qui lui souriaient depuis les étagères et sa table de chevet. Puis le signal se fit entendre, et elle décida, posément, de laisser, elle aussi, un message. Comme avant. Sa voix s'éleva, caresse dans le silence, très douce mélodie, tandis qu'une perle scintillante roulait sur sa joue, larme échappée. Elle s'était pourtant promis de ne pas pleurer...

« Salut. »

If you ever loved me... Say it like you're going to come back. - Doctor Who

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