Anna semblait voir trouble. Sa respiration devenait de plus en plus irrégulière, jusqu'à en avoir l'impression de ne plus respirer. Ses jambes puis son corps entier tremblèrent, elle aurait même pu jurer que son âme hurlait de douleur. Elle tenta de se raisonner, de se dire que ce n'était rien, que ses angoisses n'allaient plus jamais prendre le dessus. Mais Anna le savait, il était la seule à pouvoir la calmer face à ces crises. Par simple réflexe, elle attrapa son téléphone coincé dans la poche arrière de son jean et composa son numéro. Quatre sonneries passèrent tandis qu'elle essayait de ravaler ses larmes.« C'est Anna, c'est moi, je.. Je ne sais même plus pourquoi je t'appelle, en fait. Je me suis habituée à entendre le message automatique de ta messagerie, à ton silence sans fin et à mes monologues qui le sont aussi. Je suis seule à la maison, mes angoisses ont recommencé. T'es la première personne à qui j'ai pensé. Et je voulais entendre ta voix, aussi. »
Elle prit quelques secondes pour se remettre de ses émotions.
« T'es la première personne à qui je pense parce que t'es la seule personne capable de me faire du bien. Il me suffit de clore les yeux, de m'imaginer ta main dans mes cheveux, ta voix et ton souffle chaud qui s'écrase contre ma joue. Il me suffit de penser à tes paroles rassurantes pendant les nuits où mes crises faisaient surface pour me dire que c'est bon, je peux y arriver.
T'as toujours été le premier à m'encourager, dans tout ce que je faisais. J'ai l'impression que l'équilibre qui a mis tant de temps à se mettre en place est en train de se casser la gueule depuis que tu es parti. J'en suis arrivée à un stade où.. j'en peux plus, Rafael. J'ai l'impression que l'étau se resserre chaque jour, que je vais finir noyée par ces foutus angoisses, par cette solitude.
J'ai repensé à ma première crise d'angoisse toute à l'heure. Elle s'est passée juste après l'enterrement de ma mère, tu te rappelles de ça ? J'ai eu l'impression de mourir, je ne voyais plus rien autour de moi. Sauf toi. Tu me tenais la main en murmurant mon prénom, tes lèvres s'entrouvraient presque au ralenti et tes pupilles noisettes brillaient d'inquiétude. Tu étais là, à caresser mon visage, la douceur de tes mains me ramenait peu à peu à la réalité.
Et ce jour-là, allongée sur ce canapé, le souffle coupé et les yeux humides, je me suis mise à penser à toi. J'ancrais chaque détail de ton visage dans ma mémoire, ton nez retroussé, tes tâches de rousseur. J'avais beau vivre l'épreuve la plus difficile de ma vie, ta main dans la mienne apaisait cette douleur. Je crois que j'aurais pu tout perdre, voir le monde s'écrouler autour de moi, je n'aurais pas cillé. Je t'aimais trop pour voir autre chose que tout ce que tu m'apportais. »