first call

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« Rafael, c'est moi. »

Sa voix se brisa jusqu'à en devenir un faible murmure dans le combiné du téléphone. Anna sentait ses mains moites sur l'appareil et le discours qu'elle avait fièrement répété devant son miroir dix minutes auparavant s'évanouir dans sa gorge.

« J'ai merdé, je sais. J'ai essayé toute la semaine de ne pas m'en vouloir mais toute cette histoire me ronge. La première chose à laquelle je pense en me couchant chaque soir, c'est à la place vide à côté de la mienne. Notre lit est froid, la maison silencieuse et je me demande chaque matin si je vais réussir à me lever tant la douleur habite chacun de mes membres. J'ai mal à l'âme, Raf'. Mon corps entier tremble, j'ai le coeur en vrac. Ils me disent tous que je ne ris plus.

J'ai constamment besoin d'entendre ta voix, de sentir tes lèvres sur mon cou, tes mains sur mon corps. »

Elle sourit faiblement à travers ses larmes. Anna se trouvait ridicule et ne se reconnaissait pas. Elle qui avait pour habitude de garder tout ses sentiments et chacune de ses pensées pour elle se mettait à nu. Ses mots étaient maladroits, teintés de tristesse. La douleur parlait pour elle, la douleur vivait en elle. Anna n'était que douleur depuis que Rafael l'avait quittée.

« Quand les nuits sont trop longues et ton absence trop présente, il m'arrive de ressortir nos vieux albums. Une partie de moi, la plus raisonnable peut-être, me dit d'arrêter, que je me fais trop mal. Mais l'autre, la plus blessée, en a besoin. J'ai besoin de revoir nos sourires capturés par l'appareil photo que tu trimbalais tout le temps. J'ai besoin de revoir les clichés de ces paysages, ces plages et ces forêts qui abritent nos moments les plus heureux.»

Elle attrapa une photo cornée sur le meuble de la cuisine et la contempla un temps, les lèvres tremblantes.

« J'ai passé l'après-midi à me remémorer l'été de notre rencontre. Il y a cinq ans, c'est fou ce que le temps passe vite, non ? Je me souviens en détail de tes cheveux bouclés en bataille, de la chaleur écrasante dans les rues de Paris et de nos mains qui se sont timidement entrelacées. Je me dis souvent que les jours qui ont suivi ont été les plus heureux de mon existence. Tu te rappelles de nos virées au beau milieu de la nuit, à courir sans but sur les pavés parisiens ? Nos après-midi à faire l'amour, nos promesses chuchotées au creux de l'oreille, de ces papillons qui se cognaient contre toutes les parois de nos corps ?

Je m'en souviens comme si c'était hier. Et j'aimerais me dire que ça reviendra pareil demain. On a été heureux, Raf. On vivait à l'envers, on s'aimait à s'en sentir vivant. Ca me fait tellement mal de parler de nous au passé. On s'était un promis un « nous » intemporel, pourtant. Et cinq ans plus tard, me voilà à t'envoyer un stupide message sur ta boîte vocale que tu n'écoutes jamais. »

RafaelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant