-Partie 2-

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Pyram Adhafi c’était son nom. La seule chose a laquelle son bon ange s’agrippait comme un naufragé. Naufragé ? C’est ce qu’il est vraiment. Son âme se noyait dans le vortex magique d’une vulgaire bouteille qui grignotait le peu de sa lucidité. Il était né sur  cette île, son père ayant possédé la plus  grosse entreprise d’exportation de produit textile à Port-au-Prince.  Il habitait le Grand Boulevard, ayant grandi dans le secteur du commerce, il n’avait jamais eu à souffrir pour de l’argent. Personne n’aurait jamais pensé qu’un jour qu’il finirait ainsi, tombé du plus bas de l’échelle. Devenant ces hommes qui pullulent les rues vivant en marge de la société. Ce fut arrivé soudainement. Le malheur a des moyens détournés de frapper. Rusé, direct et précis. Un soir, il avait apprit la nouvelle machiavélique qui allait lui injecter cette haine du genre humain. Non, que dit-il, du genre haïtien. Oui, parfois dans ses cogitations après avoir cuvé des litres de rhum, il se demandait pourquoi son père avait eu l’idée de s’installer sur ce bout terre perdu dans l’immensité du monde. Il haïssait tout ce qui appartenait a cette race, il ne s’était jamais considéré comme un fils de cette patrie, son cœur battait avec véhémence pour le grand cèdre du Liban. Oui, il était originaire de là-bas. Cette nouvelle fut le commencement de sa longue errance en tant qu’épave humaine. Son père fut trouvé mort, dans sa voiture, deux balles logées de fort belle manière dans sa cage thoracique et une autre qui lui mettait un troisième œil dans la tête.
Le déclin est arrivé par le biais de ces hommes sans noms circulant dans les rues en motocyclette, traquant des vies à exposant riches. Son père malheureusement avait rempli la longue liste de leurs méfaits restés impunis. Sortant d’une banque après avoir fait le retrait d’une exorbitante somme, il était concentré sur la circulation dense et tortueuse de l’autoroute de Delmas, il n’avait pas vu arrivé la mort qui chevauchait une motocyclette, la mort qui lui a foutu trois balles, la mort qui était de mèche avec la cupidité de ces hommes sans nom ni identité.
Depuis ce temps Hamab vivait dans les quartiers bidonvillisés, faisant la pêche pour pourvoir s'offrir le pain quotidien et baiser des putes à deux sous. Il avait perdu sa notoriété, il avait perdu l’amour de Vava. Ce délicieux marabout qu’il filait depuis des jours. Heureusement qu’il avait déjà croqué dans son fruit défendu si longtemps gardé par des principes moraux, sinon il aurait vécu toute sa vie dans un fantasme dans lequel il croulerait sous une tonne d’orgasme dont le nom de Vava serait une éternelle litanie.
L’enfer, il avait  connu cette vision dantesque dans ce pays.   Il s'est vu faire de basse besogne consistant tous les jours, à lustrer à grand renfort de toile et de brosse des souliers ayant perdu leurs éclats sous une couche de poussière. Cela ne lui a pas suffit pour répondre a ses besoins financiers. Il avait abandonné un beau jour, maugréant contre son sort tandis qu’il prenait le chemin de la mer, il avait entendu dire que les pécheurs jouissaient des trésors de cette immensité. Un jeune pécheur de bonne volonté nommé Altidor lui avait appris les rudiments de la pêche et lui même Pyram Adhafi, amant des libertés, apprit à aimer la mer mais pas le métier. Ce métier de rien du tout lui avait rapporté quelques thunes sans pour autant le satisfaire pleinement, il aspirait plus haut, il faisait des rêves en or et des visions en dollar. Le soleil en pleine mer n'était pas si supportable, ça brulait la peau. Ses yeux se sont injectés de sang pour avoir trop bu pour oublier la misère qui lui collait comme de la poussière sur ses souliers éculés. Et à entendre des gens dire que tout va changer dans cette île de merde, ils déconnent tous. Lui il est avec ce poète qui a clairement avouer que tout allait pour le pire, et tout restera tel qu'il est. Mais pour lui tout avait changé, après la mort de son père. Il n’avait plus personne sinon son rhum, son refuge de tous les soirs pour oublier pour un temps ce qu’il fut. Les nuits où il n’avait pas la main sur la bouteille, il les avait sur la hampe de son pendule ou dans les cuisses ouvertes d’une de ces demoiselles qui donnaient sans peine ni tracas à  chien et à  chat.
Un soir, étant dans un bar du coin pour cuver sa peine en se saoulant il avait fait la rencontre d'un type mystérieux. Il était dans un coin du bar, un grand chapeau dont les larges bords projetaient de l'ombre sur son visage, un manteau sombre le faisant coïncider avec les acteurs d'Hollywood des films mafieux. Il buvait sa bière tranquillement, le dos face au mur, le regard embrassant tout le restaurant. Pyram avait la désagréable impression que l'homme le fixait sous son chapeau. Deux yeux luisaient comme des rubis dans l’ombre projeté par son large bord. Cela lui dérangeait amplement, ce regard le mettait mal à l’aise au point qu’il se mit aussitôt sur ses gardes. De l'autre côté un couple amoureux se bécotait sans retenue sous la lumière tamisée du bar. Pyram avait terminé sa première bouteille rhum. Ca lui brulait l’estomac, il se gratta la poitrine comme pour soulager sa douleur intérieure. Un de ces jours, ses excès auront raison de lui, et lui, récidiviste de surcroît, se laissera faire sans résister. D’ailleurs pourquoi résister quand on a tout perdu, même son identité ? Il n’arrivait plus à se reconnaitre, même derrière un miroir, il reste ce qu’il reste de lui seulement parce-que le soir lors de ces dérives oniriques, il s’en remet à cette folie de grandeur perdue, de rêve violemment fracassé sous les rochers d’un système impitoyable et chimérique. Non, il ne se reconnaissait plus, avec cette face brune d’où se dessinaient des lèvres noires et charnues, un nez mal ajusté, des yeux de jais perdus dans le trou des orbites. Il n’avait pas été favorisé par la clémence de Mère Nature et Dieu n’était pas dans son meilleur jour lors de sa conception.

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Choix... Horreur et Odeur d'ÉgoutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant