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Je tente de me concentrer sur le dessin devant moi, en vain. Ces messages semblent défiler dans ma tête. C'est l'horreur. Elle appelle mon fiancé « bébé ». Sérieusement je suis partagée entre le dégoût, le stress et la tristesse. Je ne comprends pas. 

S'il ne m'aimait plus, ou encore s'il est malheureux de la vie qu'il mène à mes côtés, pourquoi reste-t-il avec moi ?

Un long soupire m'échappe. Je n'ai encore rien dessiné, mais au moins j'ai arrêté de pleurer. Un bref regard sur l'horloge m'apprend qu'il est quinze heures. Dans maximum une heure, il sera là.
Je vais faire comme si de rien n'était, c'est mieux. Je ne sais pas... Je ne me sens pas vraiment prête à le confronter. Et puis, qui dit que si je lui en parle, il ne va pas me quitter ? C'est ça qui me fiche la trouille. Qu'il me lâche pour elle, que ma famille se déchire. Je suis une gosse de parents divorcés, je sais bien à quel point les enfants souffrent de ça. Il est hors de question que Nicolas vive cela.
Non, on ne peut pas briser son petit cœur de bébé, je ne peux pas faire ça à notre fils.

J'inspire une goulée d'air en fermant les yeux. Je veux savoir s'il n'y a qu'avec elle. Imaginons qu'il y en ait plusieurs ? Est-ce que je peux moi aussi le faire craquer sur le net ?
Du coin de l'œil, je lorgne sur l'ordinateur. J'hésite. Si je le fais, si j'arrive à le piéger, il retiendra la leçon. C'est tout. Et moi... On s'en fiche de moi, on verra ça plus tard. 
La tentation est trop forte, elle me rend folle. Je me lève de ma chaise, saisis l'ordinateur et m'installe dans le canapé.

Je l'allume, attends.
Et s'il me quittait ? On a acheté cet endroit ensemble, c'est moi qui ai peint les murs, c'est lui qui a insisté pour garder celui aux briques apparentes. On y a investi tout ce qu'on avait pour en faire un véritable cocon d'amour.
Cet endroit... C'est mon refuge. Ces murs, ce parquet et ces meubles portent encore les stigmates de mes coups de nerfs. 

C'est ça aussi d'être celle que je suis.

Quand je suis dans mes épisodes maniaques, j'ai des crises de nerfs. Tout peut partir en vrille. La dernière, qui remonte à deux mois a été terrible. Alexis a dû amener Nicolas chez ses parents. J'aurais pu blesser mon propre enfant. 

Le pire ? C'est que ma colère se porte généralement sur mon fiancé, tout simplement parce que c'est lui qui est toujours présent pendant celles-ci.

Je suis suivie, bien sûr. Mon psychiatre hausse souvent les épaules quand je lui dis que je n'en peux plus. Il dit me comprendre, que malheureusement les traitements ne sont pas des potions magiques. Ces cachets m'aident seulement à espacer les crises, à ce que mon état dépressif ne me mène pas au suicide.
Mais je n'en suis pas encore là et je compte bien vivre encore des années, rien que pour voir mon fils grandir.

Je cligne plusieurs fois des yeux en tapant le nom du site dans la barre de recherche Google.

« 2Gether ».

Une page aux couleurs vives apparait sur l'écran. Je clique sur « faire connaissance » mais il faut que je m'inscrive avant de naviguer sur le forum.

Mon cœur bat à du cent à l'heure alors que je suis en train de remplir les champs obligatoires. J'ai l'impression d'être une enfant en train de faire une énorme bêtise. 

Quand je confirme mon inscription, je sens la sueur perler sur mes cils. Je ne sais pas ce que je fais. C'est prendre des risques mais en même temps il faut que je sache... Je sais comment parler à Alexis pour le séduire, je sais comment je peux l'attirer dans mon piège. Il aime les voitures, les motos, il aime le cinéma aussi, et les films d'actions. Et les baskets.

Je soupire. A force de le faire, je devrais bientôt manquer d'air je pense.

Merde. Il faut une photo de profil. Je regarde sur le moteur de recherche. Il est hors de question que j'en mette une de moi, même de dos, sinon mon plan tombe à l'eau. Je sélectionne la première qui me tape dans l'œil. Un décolleté sexy et vertigineux. Alexis adore les belles poitrines, je suis certaine que rien qu'avec ce choix, je vais facilement rentrer en contact avec lui. Une fois tout ça fait, j'ai accès à ce qu'ils appellent « mon profil ». Un peu comme sur Facebook. En plus détaillé.

T'aimer à m'en perdreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant