2~ Les amis, vraiment pas pour moi !

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- On a appris que tu allais déménager.

En cette après-midi d'août, il faisait chaud à Vancouver. Très chaud. Mais malgré le temps, Lucy gardait sa veste en jeans et ses Doc Marten's, comme s'ils étaient un collier pour chien, une adresse ; son identité.

- Hum.
- Et c'est loin ?
- Hum.

Ariès et Léo, ses amis, se regardèrent. Encore une fois, Lucy avait décidé de se renfermer sur elle-même. À nouveau, une bulle les séparait, créée spécialement par elle. La blonde ne souhaitait pas qu'ils la comprenne, que quiconque la comprenne. De toute façon, personne ne savait ce que c'était que de ne pas avoir de maison.

Léo essaya tout de même de continuer la conversation :

- Où vas-tu déménager ?
- À Montréal.

Ariès souffla :

- C'est loin !
- Oui, de l'autre côté du Canada, repris Lucy, avec un petit sourire, bien que amère.

Un silence désagréable s'installa. Lucy continuait de regarder les lacets usés de ses bottes, tandis que ses amis cherchaient des mots, des phrases pour continuer la conversation. À force de partir dans son petit monde, Léo et Ariès commençaient à en avoir assez. Ils étaient si ennuyant que ça ? Mais même en la traitant de tous les noms, ils ne pouvaient pas s'empêcher de garder la bouche fermée et de continuer à faire des efforts -efforts pour la percer à jour. Lucy était quelqu'un de bien, malgré tout. D'un commun accord par contact visuel, ils s'approchèrent de celle-ci pour la prendre dans leurs bras. À leur plus grande surprise, elle y répondit. Ils sourirent.

- Tu vas vraiment nous manquer.
- Vous aussi. Je vais me sentir seule, là-bas.

Lucy cligna plusieurs fois des yeux pour chasser les larmes. Elle n'était plus une enfant. Il y a longtemps qu'elle a commencé à penser comme une adulte, puisque qu'elle devait souvent s'occuper d'elle toute seule. Ironiquement, elle ne voulait plus être une enfant, mais elle ne voulait pas être une adulte non plus. Elle ne voulait pas finir comme ses parents, pour qui, seul le travail et l'honneur compte. Ils ne s'aiment même plus eux-même, tous les deux se trompant avec leur travail. Lucy avait peur de ne jamais aimer personne, de finir aussi froide que la neige (même si, d'une certaine manière, elle l'était déjà un peu...). Mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. Quitter les gens faisait trop mal. On finit toujours par s'attacher un peu. Ariès essuya ses larmes.

- Quand pars-tu ?

Lucy mordilla sa lèvre inférieur.

- Demain.
- Et tu ne nous a pas avertis plus tôt ?!
- Désolé, mais je n'étais pas capable.

Léo souffla, visiblement habitué que son amie lui cache des choses.

- Bha, de toute façon, on va tous se revoir, un jour.

Oh, s'il savait..., pensa Lucy. De tous les endroits qu'elle a été, de toutes les personnes qui lui ont dites cette promesse, aucuns ne l'a tenue. Aucuns n'a prie de nouvelles d'elle après deux mois, lorsqu'elle partait. Mais bon, c'était aussi de sa faute : elle ne les contactait plus, elle aussi.

- Non, Léo. C'est pas comme si je déménageais dans la ville à côté. Je pars à Montréal, à plus de trois mille kilomètres de vous. Je ne crois pas que nous allons nous revoir.

Ses mots étaient durs, mais la vie l'était tout aussi. Parfois, on ne doit pas tourner autour du pot, mais faire face à la réalité et de se défaire des illusions que l'on a tendance à créer. Lucy était une fille réaliste.

- On va se revoir, je te le dis, tentait de la convaincre Léo.
- Honnêtement, je ne sais pas.
- La vie n'est pas juste, murmura Ariès, en pleurant. Pourquoi se sont toujours les meilleurs personnes qui partent ?

Lucy baissa les yeux, visiblement à court de mots. Elle ne savait pas à quel point elle comptait pour Ariès. Et Léo. Du plus loin qu'elle se souvienne, elle ne leur a jamais dit "je vous aimes" ou "je vous apprécies", elle ne pense même leur avoir donné de marque d'affection. Cela lui faisait plaisir que, malgré ça, ils l'aiment comme elle est. C'est-à-dire, froide et peu ouverte aux autres.

- Tu trouves que je suis une bonne personne ? murmura Lucy. Pourtant, je ne penses pas avoir remplie correctement mon rôle d'amie.
- Oh, Lucy. Tu ne te souviens de rien ? Rien du tout ?
- Me souvenir de quoi ?
- Mais de tout ce que tu as fait pour moi ! Tu ne te souviens vraiment pas le nombre de fois que tu m'as aidée à l'école, puisque je suis une sombre imbécile dans toutes les matières ? Ou quand tu me donnais ton repas pour que je mange, lorsque j'oubliais le mien ? Tu as (presque) toujours été là pour moi.
- Vraiment ? Je ne m'en souviens pas, ria Lucy.

Ariès souffla.

- Tu devrais vraiment arrêter d'avoir peur, Lucy.
- Je n'ai pas peur.

Elle haussa une épaule.

- Si tu le dis. Mais je sais que tu te force à rester stoïque pour ne pas pleurer. Car pleurer, c'est de laisser couler la vérité.
- Je ne vais pas pleurer. Je ne suis plus un bébé...
- Ouais, ouais, on te crois, dit Léo, moqueur.

Il reprit, après une pause :

- N'oublie pas de te faire des amis, là-bas, okay ?
- Et si j'en ai pas envie ?
- Fais comme tu veux, souffla Léo. Mais tu dois te créer des souvenirs ; de bons souvenirs et des promesses.




Bientôt, il allait faire nuit.

Bientôt un voile noir recouvrira Vancouver, la baignant dans l'obscurité. Mais bientôt, des milliards d'étoiles s'illuminerons, observant la vie dans les rues d'asphalte.

Bientôt, Lucy va partir. Mais avant, avant d'aller dormir seulement quelques heures pour ensuite prendre un avion, elle devait absolument voir quelqu'un.

Ses pieds qui la menait s'arrêtèrent soudainement devant une petite bâtisse, tassée. Elle n'était pas spécialement chic ou ouverte aux touristes, mais elle était chaleureuse, à sa manière. Les lampions illuminaient l'enseigne : Chez Macarof's.

Lucy ouvra la porte et la petite cloche remplit la pièce d'un grand "Ding!".

Quelques habitués lui firent un signe de tête, avant de retourner dans leur conversation ou dans l'alcool pour oublier. Macarof fit un signe de la main en voyant sa protégée.

- Lucy !
- Bonjour, Macarof.
- Qu'est ce que je te sers ?
- La même chose que d'habitude, mais sans olive.

Macarof hocha la tête et prépara ses paninis. Lorsqu'il revint vers elle, deux jeunes de son âge était assis à ses côtés. Serait-ce...,pensa-t-il.

- Voilà, petite, tes paninis. Mais, dis-moi, qui sont ces gens ?
- Ce sont mes amis. Je t'avais promis de les amenés ici, il y a trois semaines. Tu t'en souviens ?

Pour toute réponse, les yeux de Macarof s'embuèrent et il lui sourit tendrement.

Dear LucyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant