Chapitre 4

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Yoan attendait, à l'heure convenue. Il chercha du regard Evan dans la foule, se demandant s'il allait venir vraiment. Il consulta sa montre, 15h43...

Il repensa à la veille, du moment où ils s'étaient « percutés » jusqu'à celui où ils s'étaient donné rendez-vous. Il se remémora leurs conversations à propos des livres anciens, des histoires et autres mystères qu'ils recelaient. Ces simples souvenirs le rendaient impatient.

- Bonjour ! Dit une voix derrière lui.

Yoan sursauta un peu, pris encore dans ses pensées. Il se retourna et vit Evan. Il fut encore une fois surpris par l'extraordinaire couleur de ses yeux... Ils étaient d'une couleur brun tirant vers le jaune, ou plutôt, l'orange. En tout cas, il n'en avait jamais vu de semblables auparavant et il les trouvait vraiment magnifiques.

- B-bonjour !

- Je suis en retard ?

- Pas du tout.

- Allons-y !

- Je te suis ! Et je vais essayer de retenir le chemin !

Mais Evan les pilota de telle sorte que Yoan perdit à nouveau tout repère. Il eut beau regarder les noms des rues, les enseignes des boutiques, à chaque fois, il se faisait la même réflexion : « Je ne reconnais rien ! »

Ils arrivèrent finalement à l'Antre du Paradis et ils s'installèrent comme la veille, sur la mezzanine.

Le temps de commander un chocolat chaud et ils se mirent à feuilleter quelques livres.

Evan observa son compagnon à la dérobée. Yoan paraissait moins abattu que la veille. Son regard n'était presque plus cerné et il souriait plus souvent. Hochant la tête de satisfaction, Evan se replongea dans sa lecture.

- Je peux te poser une question ? Demanda soudain Yoan.

- Oui.

- On a parlé de beaucoup de choses hier, sans toucher au personnel, et, ... je voulais juste savoir si tu es du coin ?

- Pourquoi cette question ?

- Je ... suis désolé, ... je ne voulais pas être indiscret, ...

- Non, ce n'est pas ce que je voulais dire ... je, ... je viens de loin. Je suis de passage et je fais un peu de tourisme dans la région.

- D'accord ... tu es en voyage d'agrément, en sorte...

- On peut dire ça. J'ai pris une année sabbatique et je profite un peu de tout ça ... répondit Evan en montrant les étagères de la main.

- Je vois ...

- C'est un voyage pour me retrouver et en apprendre un peu plus sur la nature humaine, pour être plus précis. Evan avait vissé son regard dans le sien en disant cela et Yoan sut qu'il était sincère. Il ouvrit la bouche pour poser encore une question, puis s'abstint. Il ne sut comment se l'expliquer, mais il se sentait en confiance et il jugea bon de ne pas insister.

Quelque chose de particulier émanait de ce type, quelques chose de réconfortant de rassurant. Il était foncièrement gentil et attentionné. Et surtout, son regard ambré était hypnotisant, la voix envoutante, son sourire craquant. Il lui rappelait un peu Noah. Soudain, Yoan se sentit rattrapé par son mal être, et Evan le remarqua.

- Tu veux en parler ? Demanda-t-il simplement en refermant le livre qu'il lisait.

- Je ... je ne sais pas si, ... je ne veux pas t'ennuyer avec mes histoires ...

Evan eut un petit sourire encourageant, mais n'ajouta rien. Yoan se livra tout seul. Il parla longument, sans discontinuer. Comme si ce flot de paroles le soulageait. De temps à autre Evan posait une question, et Yoan reprenait de plus belle.

- C'est vraiment étrange, dit alors Yoan quand il eut terminé, c'est la première fois que je dis ce que j'ai sur le cœur aussi ... facilement, je veux dire, ...

- Avec les mots justes, ... termina Evan.

- Oui ... c'est ça... Souffla Yoan, le cœur battant à tout rompre. Il porta la main à sa poitrine comme si cela pouvait calmer les battements qui lui faisaient presque mal.

- C'est troublant et en même temps, c'est un soulagement n'est-ce pas ? Tu avais besoin de l'exprimer, c'est tout.

- C'est vrai ... j'avais tout enfoui et je pensais que ça irait mieux comme ça... mais non en fait.

- Un deuil est toujours difficile à surmonter. Il faut du temps pour cicatriser les plaies, même si elles ne disparaissent jamais, elles sont moins douloureuses. Dire les choses est libérateur, alors il faut le faire de temps en temps.

- Je comprends, mais, ... bizarrement, je n'avais pas envie de parler de cela avec ma tante et mon oncle. Ça me gêne, et j'ai l'impression qu'ils ne me comprennent pas.

- Je vois. Un inconnu ne juge pas, c'est ce que tu veux dire ?

- Oui.

Au moment où il prononça ce « oui », Yoan eut la très nette sensation de lâcher-prise. Evan le regardait toujours droit dans les yeux, et cela le réconfortait. Complétement sous le charme de leur couleur dorée, Yoan se détendit complétement. Une douce torpeur, pareille à celle qui vous prend avant l'endormissement, l'enveloppa et il s'abandonna, se calant en arrière sur sa chaise.

- Je me sens las ... murmura-t-il. J'ai l'impression de ne plus avoir d'énergie.

- C'est normal, avec tout ce que tu as « donné », dit Evan en mimant les guillemets avec ses deux index levés en l'air.

- Je te remercie. Dit Yoan.

- Je t'en prie, fit Evan avec un petit hochement de tête révérencieux.

Le jeune Mortel le regarda retourner à sa lecture, et il eut ainsi tout le loisir de le détailler. Evan semblait si calme, si sûr de lui, malgré tout, il n'en avait pas beaucoup dit sur lui, hormis son espèce de retraite. N'avait-il pas de petite amie ? Quelqu'un à qui il devait manquer et qui l'attendait certainement quelque part ?

Yoan remarqua qu'il était imberbe, comme lui. « Il a des gènes Indiens aussi ? » Se demanda-t-il. En ce qui le concernait c'était bel et bien le cas. D'ailleurs, son teint un peu mat, et ses yeux en amandes rappelaient ses origines lointaines. Mais ce qu'il ne s'expliquait pas, c'était pourquoi le hasard les avait fait se rencontrer. A court d'idées, il haussa les épaules en se disant que la plupart du temps, le hasard justement, faisait bien les choses ...

Ne m'oublie pas ...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant