Chapitre 8

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Léandre se pencha et ramassa la boule de papier qu'il venait de jeter de rage. Quatre fois, cela faisait quatre fois qu'il essayait d'écrire cette lettre, mais les mots lui manquaient ou étaient faux. Il enrageait. Près de dix jours à présent qu'il n'avait aucune nouvelles de Yoan. Ce dossier était incompréhensible, il y manquait bien trop d'éléments. Léandre l'avait appelé sur son portable, envoyé des emails, rien n'y faisait, il n'obtenait aucune réponse. Il était même passé chez lui plusieurs fois le soir, et il n'était jamais là.

Mais au-delà de cette histoire de dossier, la vérité était que Yoan lui manquait.

Léandre le connaissait depuis un an et demi seulement, depuis son arrivée dans la société en fait. Dès le premier jour, il avait trouvé Yoan sympathique, un type sans prétentions, et sans prise de tête. Il s'était attaché à lui tout simplement, et c'était plus fort que lui. Mais Yoan n'était pas sur cette longueur d'onde, il semblait vouer un culte à son frère, ils étaient si proches, si complémentaires, ils ne faisaient qu'un. A croire qu'il n'y avait pas de place pour quelqu'un d'autre et Léandre aurait donné n'importe quoi pour être son ami, mais il s'en accommodait.

Sa fiancée, Sophie, lui reprochait souvent son manque d'attention à son égard. Ils devaient se marier dans l'année et il avait des réactions bizarres. Elle devait lui rappeler sans cesse les rendez-vous, chez le traiteur, le fleuriste, le caviste. Il manquait à tous ses devoirs selon elle.

-Tu t'en fous ou quoi ? C'était-elle énervée un soir.

Non, il ne s'en foutait pas du tout, il adorait Sophie, et il aimait beaucoup Yoan, il était juste complétement déstabilisé par tous ces sentiments qu'il ne maîtrisait pas.

Et un matin, pendant une réunion, alors que justement Yoan et lui présentaient un nouveau projet, le jeune homme s'était soudain effondré, se tordant de douleur, il avait prononcé un nom dans un souffle, juste avant de s'évanouir : Noah.

On comprit plus tard que son frère jumeau venait d'avoir un terrible accident en voiture et qu'il n'avait pas survécu.

Quand il revint à lui, Yoan n'était plus qu'une plaie béante que rien ni personne ne semblait pouvoir apaiser.

Aujourd'hui, Léandre sentait que quelque chose n'allait pas, et il était réellement inquiet.

                             ******

Novah attendit qu'Evanescence parle. Il le connaissait par cœur et le harceler ne servirait à rien sinon le braquer.

Ils se dévisagèrent un long moment puis Evanescence se lança :

-Tu sais tout. Dois-je ajouter quelque chose ?

-Préfères-tu que je te pose des questions ?

Evanescence baissa ses paupières en signe d'assentiment :

-Tu sais que tu risques beaucoup, énormément même ?

-Oui... je crois que oui ...

-Que ressens-tu en ce moment ?

Evanescence entre-ouvrit les lèvres pour répondre, mais aucun son ne les franchit. A cet instant précis, il avait le cœur serré.

-Tu as mal n'est-ce pas ? Ton cœur te fait souffrir ?

-Oui, souffla avec peine le jeune Ange, il avait porté une main tremblante à sa poitrine, les battements de son cœur étaient si forts qu'il avait envie de vomir.

-Tu sais que cette douleur va s'amplifier au point de ...

-Oui ! Oui je le sais ! S'exclama Evanescence soudainement. Je le sais, mais ... j'y suis préparé !

-Préparé ? Que dis-tu pauvre âme égarée ! Que dis-tu là ?

-Je ... je l'aime. Gémit Evanescence. Il regarda l'Ange Premier et répéta :

-Je l'aime de tout mon être ... et je n'y peux rien ...

L'Ange Premier s'avança et posa ses mains sur les épaules d'Evanescence.

-Tu vas mourir si tu persistes, et ça, je ne le permettrai jamais !

-C'est trop tard ...

Evanescence recula et se libéra de ses mains. Dans son regard, L'Ange Premier y lut de la détermination, mais elle était dangereuse. Soudain il comprit.

-Trop tard ... tu veux dire que ...

-Oui. Nous nous sommes unis.

-Je ne peux pas te laisser faire ! Tonna soudain la voix de Novah.

-Et donc ?

-Je suis navré mais, tu ne me laisse pas le choix ...

L'Ange Premier leva une main et murmura:

- Munio is ire munivi munitum...

-Non ! NON ! cria Evanescence avant de glisser au sol inanimé.

                            ******

-Tem, tu m'entends ?

Prudence posa une main sur le bras de Tempérance. Absorbé par ses pensées, l'Ange ne lui répondit pas tout de suite. Il réfléchissait à toute cette histoire.

- Tem ! Père l'a fait, il a protégé Evanescence !

- Quoi ? ... Mais quand ?

- Là, juste maintenant ...

Tempérance se redressa et ses ailes se déployèrent.

-Allons-y !

Au Temple, Novah et trois Sages du Temps tenaient un conseil.

-Pourquoi en être arrivé à cette extrémité ? Demanda l'un des sages. N'aurait-il pas plutôt fallut le convaincre de tout arrêter au lieu de le protéger ainsi ?

-Il le fallait, je ne pouvais pas permettre qu'il mette sa vie en danger. Répliqua Novah sur la défensive. Il est encore jeune, il me pardonnera,...

- Cette mesure est sensée être prise en dernier recours. Remarqua l'un des Sages.

- Vous l'avez prise sans nous en parler. Le Grand Conseil vous en tiendra rigueur.

- Oui j'en ai bien conscience, mais, je ne voyais pas comment le raisonner. Il n'était plus capable de prendre le recul suffisant pour n'être que le Gardien. Ses émotions ont pris le dessus et il n'est plus à même de mener à bien sa tâche.

Novah ne précisa pas qu'Evan avait franchi la ligne interdite, il craignait que les Sages du Temps ne soient encore plus sévères. Il suffisait déjà que l'Ange doive faire face à son destin, aussi terrible soit-il, sans encore en rajouter.

Prudence et Tempérance arrivèrent et leur Père soupira voyant leur regards désapprobateurs.

- Ne vous en faites pas, il va bien ... La mesure est draconienne mais nécessaire, vous me comprenez j'espère.

Les deux Anges se regardèrent. Ils auraient voulu que cela n'arrive pas, en effet, mais il est vrai qu'Evan était en danger.

- Et le Mortel ? Que va-t-il se passer pour lui maintenant qu'Evanescence est protégé ? Demanda Prudence aux Sages.

- Nous devons décider de son sort après en avoir référé au Grand Conseil. Tout dépendra de son implication émotionnelle, dit l'un des Sages du Temps.

Tempérance et Prudence eurent un regard entendu : l'implication émotionnelle de Yoan était sans commune mesure.

Ne m'oublie pas ...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant