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Je viens d'arriver à l'association, pétillante. Je croise la même femme qu'hier, celle qui m'avait guidée jusqu'au bureau du directeur. La bonne humeur ressentie depuis mon réveil m'amène à la saluer gaiement.

— Bonjour, me répond-elle. Vous allez avoir affaire à Evan, pas vrai ?

— Oui, c'est exact.

— Il ne vous a pas donné le cas le plus simple, grimace-t-elle, même s'il s'agit d'un bon garçon, au fond. Il vient ici depuis des années. Il est simplement très difficile à cerner. La preuve : je n'y suis pas encore totalement parvenue !

J'acquiesce lentement. J'avais déjà conscience que la tâche serait compliquée. Mais, je vais tout donner pour que ces entrevues se passent au mieux. Je peux croire en quelque chose aujourd'hui et je vais m'y atteler. De toutes mes forces.

— Accrochez-vous, me sourit-elle en posant sa main sur mon épaule, comme si elle lisait dans mes pensées. Il dit préférer être seul sauf qu'il vient ici pour trouver de la compagnie, justement. C'est une personne complexe. À mon avis, il faut faire preuve de beaucoup de patience.

— Je tâcherai de m'en souvenir. Merci, Madame... ?

— Oh, pardon ! Je m'appelle Hélène. Je n'ai même pas pensé à me présenter, s'excuse-t-elle. Et puis, pourquoi m'appelles-tu Madame ? Nous devons avoir le même âge ! Tutoyons-nous plutôt, rit-elle.

— Désolée, l'habitude, expliqué-je, gênée.

Surtout la perte d'habitude, oui... Je réprime une grimace désabusée, préférant lui sourire légèrement.

— Il n'y a pas de problème, me rassure-t-elle.

Elle s'efface afin de me permettre d'avancer. Je relève l'anse de mon sac qui menaçait de tomber depuis un certain temps, puis me mets à chercher Evan. Je commence par la pièce où nous nous sommes rencontrés la veille. Il ne s'y trouve pas. Je passe dans un autre couloir avant de l'apercevoir dans la salle commune avec d'autres garçons de son âge. J'inspire, comme pour me donner du courage. Je n'aime pas m'imposer dans un groupe. Déjà que j'ai du mal à aller vers une seule personne, mais lorsqu'ils sont plusieurs, c'est encore pire.

Je m'avance vers eux ; il ne m'a pas vue. Il ne risque pas de m'entendre, non plus... Je pose doucement ma main sur son épaule, le faisant sursauter. Je la retire de suite, incertaine. Il me dévisage longuement, si bien que j'ai peur qu'il ne me reconnaisse pas. Il finit par détourner le regard, et, du menton, me désigne la seule chaise libre, à l'écart. Je m'y assois tout en la rapprochant discrètement.

Il se comporte comme si je n'étais pas là, jouant à un jeu avec ses amis. Je les observe agir, sans rien dire ni faire. Alors, c'est ça ? Je vais passer mon après-midi à les regarder s'amuser avec des cartes ? Frustrée, je croise mes bras et me mets à détailler le plafond. Une fois que j'ai fini de compter le nombre de carreaux – soit un temps certain –, je lâche un petit soupir.

Mon regard se baisse à nouveau lorsque je vois qu'ils commencent à bouger. L'un deux mélange le tas de cartes. Ils ont probablement terminé leur partie.

— Alors, Evan ? On a trouvé une copine ?

— Tu ne nous présentes pas ? s'enquiert un autre.

— T'as de bons goûts, elle est bonne. Tu l'as baisée ou pas encore ? plaisante l'un d'eux.

Evan ne réagit pas. Au contraire, un sourire moqueur trouve sa place au coin de ses lèvres. Je le fixe avec des yeux éberlués. Il accepte cela, sérieusement ? Je sais bien que nous ne sommes rien l'un pour l'autre sauf qu'il n'a pas à les laisser parler de moi en ces termes. Je n'ai rien fait qui les autorise à m'humilier de la sorte. Au contraire, depuis tout à l'heure, j'attends patiemment qu'Evan daigne m'accorder un minimum de son temps. À aucun moment, je ne les ai interrompus ni même dérangés, si ?

L'amoureux silencieux (Sous contrat d'édition)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant