Rose Rouge & Blanche Neige

Chapitre 2 - Sept Âmes

Badum. Badum. Badum.

Le cœur de Rose Rouge battait dans sa poitrine comme des tambours de guerre. Le rythme ne faisait que monter crescendo à mesure que les lames entaillaient la protection végétale entourant la clairière. Ses jambes étaient coupées. Accroupie, abritée par le cercueil de sa sœur, la jeune femme était confuse. Personne ne venait jamais ici. Personne. Cette zone de la montagne était isolée. Il n'y avait pas âme qui vive à des kilomètres de marche. Et la sylve avait la mauvaise réputation d'être hantée et de porter malheur, ce qui éloignait considérablement les curieux et les aventuriers.

Depuis des années, en dehors des habitants résidants dans le village le plus proche, la rousse n'avait jamais croisé ni homme ni femme. D'ailleurs, il lui semblait que les derniers intrus à avoir franchi l'orée de la forêt demeuraient bel et bien le prince et son escorte. Il y avait quatre ans. Quatre longues années de solitude et de rancœur.

Un nouveau hurlement déformé des bois l'informa qu'une barrière d'aubépine était tombée. Instinctivement, ses doigts se resserrèrent sur le manche de son couteau de chasse. Ses jointures blanchirent.

_Il y a vraiment quelque chose ! s'égosilla un homme. Ça ressemble a... a...

Avant que le groupe n'ait le temps de trop s'approcher, Rose Rouge rassembla son courage à deux mains. Avec une expiration profonde, venant du tréfonds de ses entrailles, elle se redressa subitement pour leur faire face, dague en avant.

_Reculez ! cria-t-elle. Reculez !

L'adrénaline floutait sa vue et faisait souffrir ses articulations. Elle tenta d'ignorer les tremblements de ses bras et l'expression de colère mêlée à une crainte sourde qui devait se dessiner sur ses traits.

Elle papillonna des yeux.

En face d'elle se tenaient non pas quatre individus comme elle l'avait cru au début, mais sept. Sept hommes. Sept hommes minuscules. Guère plus grands que des enfants, sans pourtant en posséder les traits poupins et les joues rondes. Bien au contraire. Certains arboraient même d'épaisses barbes blondes, brunes ou rousses, tressées ou non. Leurs visages renfrognés, parfois balafrés et les traits durs de leurs fronts et de leurs mâchoires étaient ceux d'hommes et non pas de petits garçons égarés.

De surprise, autant du côté de Rose Rouge que de ses attaquants, tous lâchèrent un bégaiement doublé d'un glapissement de terreur qui vint faire écho contre les troncs noueux.

La jeune femme recula de quelques pas, ignorant ses genoux qui s'entrechoquaient et serrant les dents pour éviter de les faire grincer.

Les intrus la regardèrent avec de grands yeux ébahis et après un instant de flottement, certains se mirent en tête de s'enfuir. Le petit groupe fut bientôt ravagé par le chaos alors que les premiers de la file tentèrent de faire demi-tour, écrasant sur leurs passages pieds, manteaux et trébuchant les uns sur les autres. Des râles de mécontentement et de peur résonnèrent tandis que la chasseuse restait là, abasourdie par la scène. N'était-ce pas elle qui était sensée avoir peur ? Était-elle si effrayante que cela ? Impossible.

_Q-Qui êtes-vous ? demanda-t-elle d'une voix dure sans baisser sa garde.

Le son de sa voix paralysa le petit groupe dont certains lui retournèrent un regard stupéfait. Dans le tumulte, certains s'étaient arrêtés dans des positions plus ou moins grotesques, rivalisant de souplesse et d'ingéniosité pour se frayer un chemin jusqu'aux profondeurs des bois. Pourtant, un homme, certainement la tête de l'équipée, ne semblait pas le moins du monde épouvanté par Rose Rouge.