L'Arc-en-ciel de Maddie- Wendy Donella- Tous droits réservés.
Dix ans aujourd'hui...Cela fait dix ans jour pour jour qu'il est rentré dans ma vie. Ce jour de décembre où j'y ai sans le savoir, laissé entrer mon pire cauchemar. Les souvenirs qui nous unissent m'envoient directement voguer sur une vague scélérate qui déferle contre tout mon être. Elle aussi dévastatrice que l'idée de la mort en elle-même...
Pourtant, c'était un de ces beaux matins froid et ensoleillé. Il avait beaucoup neigé et le paysage avait troqué ses couleurs d'automne depuis peu contre un splendide manteau blanc. Alors que je me rendais au café du coin, j'ai bêtement glissée sur une plaque de verglas. C'est alors que Sany est apparu comme mon sauveur. Ce qui est un euphémisme, puis qu'aujourd'hui, il est celui qui creuse ma tombe jour après jour m'enfouissant de plus en plus vers les bas-fonds de ce monde sans âme !
Chaque coup, chaque humiliation, chaque insulte envers moi est un coup de pelle qu'il rajoute à ce trou dans lequel pourrissent les ténèbres. Ces forces maléfiques et hargneuses que j'entends ricaner au plus profond de mon être, s'alliant à lui dans l'intention me bouffer jusqu'à l'os ! Et je crois bien que ça y est, elles ont réussis à poser la main sur moi, je suis désormais leur prisonnière...
Maintenant c'est moi seule qui peut prendre la décision ultime, celle de les laisser s'accrocher à moi pour m'y faire tomber à l'intérieur ou si j'y saute de mon propre chef...
Dix ans aujourd'hui que l'arc-en-ciel représentant la vie a disparu. Le blanc de la justice, envolé à tire d'aile emportant avec lui l'illusion d'une certaine guérison à mon supplice. Le rouge de l'amour, il y a une éternité qu'il a disparu lui aussi. Mon cœur saigne tellement que rien ne suffirait pour éponger mon âme meurtris. J'ai connu par le passé, à un moment de ma vie bien lointain, cette couleur joviale, le jaune représentant le bonheur, mais je ne sais même plus ce que veut dire ce mot ! Et pour finir, le vert de l'espoir, ce dernier a été balayé violemment par toutes ces cicatrices laissées sur mon corps.
Il reste toutefois une couleur qui persiste et lutte à ne pas disparaître, elle aussi. C'est le rose, représentation de l'avenir. Et ce jour est arrivé, depuis plusieurs semaines, un événement est venu tout changer. Un petit être est venu se loger dans mon corps. Après tout ce que celui-ci avait subit, je ne pensais pas qu'il serait capable d'y accueillir la lumière. Pourtant, c'est bel et bien le cas, je suis enceinte de Sany.
Lorsqu'il l'a apprit, ce moment que j'ai tant redouté est arrivé. Je connaissais que trop bien son point de vue sur le fait que nous fondions une famille ensemble. Pour lui, il était hors de question que « Sa putain » comme il aime m'appeler porte sa progéniture ! La femme que je suis devenue n'est plus à la hauteur d'un monstre comme lui. Si je persiste à faire acte de présence dans ce semblant d'existence que représente ma vie, il y a longtemps que je n'existe plus à l'intérieur, au plus profond de moi. J'ai perdu toute identité de sur qui je suis, m'effaçant de plus en plus dans ce monde où les flemmes de l'enfer me brûlent les pieds. Sany est le diable incarné, il profite de chacune de mes faiblesses comme d'une arme contre moi, celle-ci est chargée contre ma tempe et le cliquetis du cran de sécurité a déjà retentit...
Malgré l'abîme qui m'habite, j'ai ce jour-là, continué d'encaisser coup après coup. Je n'ai pas hurlé, je ne me suis pas débattue. Je me suis contentée d'attendre. Plus j'étais docile, plus vite il en finirait et je prenais ainsi moins de risque pour mon bébé. Même lorsqu'il m'a arraché mes vêtements et qu'il m'a pénétré avec une telle rage que la douleur m'a pratiquement fait perdre connaissance, je n'ai rien dit. J'ai ravalé larmes après larmes et j'ai maudis la vie, encore et encore, attendant patiemment le son de la gâchette qui me délivrerai. J'ai tout bêtement cru que je pourrais me raccrocher à cette chance qui s'offrait à moi, mais ce n'était qu'illusion...
Lorsqu'une personne vous démunis de votre âme et qu'il ne vous reste plus que la coquille, c'est le gouffre qui s'ouvre sous vos pieds. Vous maudissez chaque seconde, chaque minute, chaque heure, chaque jour de cette putain de vie. Vous finissez par laisser le noir obscurcir l'arc-en-ciel et l'orage avoir raison de vous.
C'est ce qui est arrivé, je maudis encore plus mon existence aujourd'hui. Cette fois, je ne peux pas retenir le torrent de perles salées qui s'abat sur mes joues. Il y est arrivé, Sany m'a privé de mes dernières forces à survivre. J'ai pourtant tout fait pour que cela n'arrive pas. À chaque fois qu'il entrait dans une pièce où je me trouvais, j'arrêtais de respirer. J'ai tout fait pour ne pas provoquer sa colère, je me suis laissé souiller sans broncher ! Malgré ça, j'ai perdu, je n'y suis pas arrivée.
Je m'en veux tellement d'être tombé malade, mais faut croire que le sort persiste à s'acharner sur moi. Cette fièvre qui m'a affaiblie était une pierre de plus à mon tonneau. Comment j'ai pu imaginer une seule seconde que je méritais cet enfant ? Je dois être plus stupide que je ne l'imaginais !
Lorsque Sany a découvert que je n'avais pas eu la force d'accomplir toutes les tâches ménagères, j'ai compris au son de sa voix que c'était fini. Le seul but qui contribuait à me garder ici venait de s'éteindre. Ses poings se sont acharnés avec une telle force sur mon ventre qu'il n'y avait aucune issue pour ce bébé. Lorsqu'il en a eu fini avec moi, il m'a souhaité pourrir en enfer. C'était là, depuis dix ans, sa première marque d'amour envers moi. Parce que l'enfer après ce que je venais de vivre, c'était le paradis! Les mots du médecin qui confirme la mort de mon bébé résonne en moi déchaînant de plus belle ces charognards sous mes pieds ! J'ai pris conscience qu'il y avait une souffrance bien plus dévastatrice que celle provoqué par Sany. Celle que je ressentais après la perte de mon enfant était bien plus douloureuse que tout ce qu'il avait pu me faire subir.
Aujourd'hui, je saute...Je dis adieu à toute cette mélancolie qui est venue bercer ma vie. Je me résigne à devenir encore plus lâche que je ne l'étais, je choisis la solution des faibles, je rejoins les ténèbres avant que ce ne soit elles qui m'engouffrent...
Je lâche la lame aussi aiguisée que les seraient les griffes de ces bêtes démoniques qui me harcèlent tout en regardant une dernière fois l'eau de la baignoire ensanglantée. Mais je n'y vois aucune trace d'amour censé représenter le rouge, au contraire. Je n'y vois là que souffrance et injustice pour cette jeune femme au regard limpide que je représentais autrefois. Je ferme les yeux, et dans un dernier souffle, je laisse tout le poids de ma souffrance m'emporter. Je m'appelais Maddie et je pensais être ici pour une bonne raison, mais sûrement pas pour devenir le jouet d'un homme dont les délires sont tellement fous qu'ils sont croyez-moi inavouables.
J'abandonne derrière moi la noirceur de ce monde merdique pour enfin brûler en enfer.
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Plus Jamais !
PoetryLes auteurs sortent leurs plumes pour poser des mots sur les maux d'un fléau toujours en vague ... Plus jamais ! Sera le thème ... Chaque auteur et non-auteur, ont écrit un texte sur ce fléau qui touche de nombreuses femmes chaque jour ... Sur ce...