4. Sourire

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Les deux adolescents arrivèrent bien vite à l'extérieur de la ville. Cassia avait garé la voiture non loin du grand pont : ils marchaient maintenant tout deux dessus, foulant le trottoir de béton de leurs vieilles semelles.

Sasha avançait tête baissée : il n'aimait pas qu'on le regarde. Malgré tout ses efforts pour paraître le plus masculin possible, certains traits fins et délicats de son doux visage ne passaient pas inaperçus aux yeux des passants. Ceux-ci prenaient d'ailleurs un plaisir fou à le détailler de haut en bas avec un regard qui en disait long sur leur profond dégoût. Mais Sasha passait outre. Il était tard, ce soir là, et le pont était dépouillé de ses visiteurs quotidiens.

Cassia s'arrêta soudainement et s'emmitoufla dans sa veste en jean, grelottante. Elle regretta un instant de ne pas avoir mit un pantalon. Une chemise de nuit était bien trop légère pour une soirée de février aussi venteuse et fraîche que celle-ci. La brunette observa le fleuve qui s'écoulait paisiblement : le bruit des vaguelettes était agréable et apaisant. Elle ferma les yeux :

« Tu vois Sasha, j'aimerai être comme ce fleuve, dit-elle en souriant. Aller où ça me chante et voir du pays. »

Il l'écoutait, l'ombre d'un sourire sur les lèvres. Il aimait l'entendre parler de ses rêves fous de voyage et d'aventure. Cassia avait une imagination débordante et un talent incroyable pour raconter les histoires ce que Sasha n'avait malheureusement pas. Son esprit pessimiste le pénalisait souvent et l'empêchait de rêver...

Il soupira, se perdant à son tour dans la contemplation du fleuve : ses eaux noires semblaient inquiétantes et menaçantes dans la nuit.

« Je me meurs ici, fit Cassia en se tournant vers son ami, l'air grave. On meurt tous, à petit feu. Et le seul moyen de ne pas périr c'est de s'enfuir ! Cette ville et cette grisaille sont en train de détruire le peu d'âme qu'il nous reste !

- Tu veux vraiment partir, hein ? répondit Sasha en un souffle.

- Oui. Plus que tout. Pas toi ?

- Si. Tout ce que je veux c'est fuir les gens et me reconstruire une vie, loin.

- Alors pourquoi on le ferait pas ensemble ? » proposa Cassia avec un sourire.

Sasha plongea ses yeux dans les siens, tout d'abord perturbé par cette réponse inattendue et improbable. Puis il se mit à sourire un son tour :

« Et où on irait ? demanda t-il, curieux.

- N'importe où du moment qu'il y a des magasins et un garage.

- Je ne comprends toujours pas ton amour fou pour cette voiture, soupira Sasha, amusé.

- Ce n'est pas qu'une simple voiture ! s'exclama Cassia, faussement indignée. C'est mon issue de secours : si jamais quelque chose tournait mal je pourrais toujours rouler loin pour ne jamais revenir. Sans ma coccinelle je pourrirais ici...

- Je comprends... »

On ne pouvait séparer l'indomptable Cassia de sa coccinelle jaune vénérée : c'était un fait... Le jeune homme se mit à sourire de plus belle avant de rompre le silence qui s'était installé :

« Et on partirait quand ?

- Dans une semaine, annonça la brunette, sans même réfléchir.

- Si tôt ?

- Eh bien oui. Plus tôt on choisi de ce que l'on veut faire de notre vie, plus vite le bonheur nous tend les bras !

- Je serais ravi de m'enfuir avec toi dans ta coccinelle Cassia, » fit Sasha son éternel sourire figé aux lèvres, ses yeux azur fixant les remous des eaux du fleuve.

Il pouvait sentir le regard malicieux de son amie posé sur lui. Sasha mourrait d'envie de se retourner mais se retînt. Il y eut un silence. Long et troublant. Interminable. Jusqu'à ce que Cassia murmure soudain dans la nuit :

« Et moi je suis ravie que tu réalises ce rêve avec moi. On a qu'à dire que c'est notre rêve ? Okay ?

- Okay.»

Demain, on s'en foutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant