IV- "Les utopies ne sont souvent que des vérités prématurées"Lamartine

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Cette lettre, reçu en main propre quelques heures plus tôt, l'avait complètement chamboulée. Et l'action qu'elle se préparait à commettre la dégouttait d'elle-même.

Vingt heures. La nuit attrapait par morceaux les arrondissements de NéoParis. Les fenêtres de la plupart des appartements bourgeois étaient encore allumées, et le bruit continu des machines à vapeur se mêlait aux tintements des couverts en argent. Une bâtisse plus majestueuse, plus grande, ressortait au milieu des nombreuses autres habitations. À l'intérieur, une femme mangeait seule. Autour de la grande table où elle était attablée, trois autres couverts étaient dressés mais les chaises restaient vides.

"Bon appétit..."

L'horloge sonna onze fois. Toute la demeure devait être endormie. Alena chercha à tâtons, depuis son lit, l'interrupteur de sa lampe de chevet avant de sortir, discrètement, de dessous les doux draps de soie. Il était temps. Elle enleva sa longue chemise nuit avant de se vêtir de vêtements beaucoup plus confortable. Une jeune femme éduquée ne devrait pas porter de pantalon mais la situation était différente, elle avait pris l'habitude d'en porter pendant ses activités nocturnes, les jupons l'empêchant de bien se mouvoir. Finissant d'accrocher ses armes au lourd ceinturon caché derrière son long manteau, qui lui permettait d'effacer ses formes, elle s'approcha de la fenêtre de sa chambre, se trouvant au premier étage. Donnant sur les jardins de la propriété, un arbre cachait cette fenêtre aidant ainsi la jeune femme à s'accrocher sans aucun mal aux branches, pour se laisser tomber au sol. Il lui suffisait, après, de simplement ouvrir le portillon pour sortir de chez elle. Discret, rapide, efficace : sortir par le chemin conventionnel réveillerait toute la maisonnée. Cette fois-ci, encore, elle réitéra ses actions, pour se retrouver sur le trottoir longeant la longue avenue où vivait l'élite de la ville. Encapuchonné, personne ne la remarquerait.

Juste une ombre, juste une vague illusion que pouvaient apercevoir les quelques personnes encore dans les rues à cette heure plutôt tardives. Elle n'était plus que cela, une ombre, un être immatériel courant sans un bruit à travers l'obscurité. Ce fantôme vivant, se dirigeait vers le petit palais du père de sa prochaine victime. À cette heure si, les lumières étaient toujours allumées dans le bureau du vieil homme, qui devait encore travailler.

Alena toqua à la porte sans hésiter une seconde, peut-être que les employés de maison encore présent trouveront ça étrange, de la voir à cette heure si, mais le Duc saurait comment justifier sa présence. Quant à Edward, elle était quasiment sûr qu'il ne se trouvait pas là, son père n'aurait pas remis la lettre à la demoiselle Van Eck s'il était encore dans la demeure familiale.

Après quelques secondes d'attente, elle pût voir, à travers la porte s'entrouvrant, la même petite servante aux cheveux ébouriffés qui lui avaient ouvert plus tôt dans la journée.

"- Oh ! , s'exclama la jeune fille, l'air étonné, vous voulez voir Monsieur. J-je ne sais pas s'il voudra bien vous accueillir, il est un peu tard pour une visite, si je puis me permettre.


- Et bien, non, vous ne pouvez pas vous permettre, prévenez votre patron que je veux le voir immédiatement.

- Oh... Excusez mon impertinence
", répondit-elle avant de s'éclipser rapidement en direction de l'une des seules pièces encore bien éclairées.

Quelques minutes plus tard, la riche jeune femme se trouvait, debout, devant le bureau d'Aberline, ce dernier n'ayant même pas dénié lever la tête de ses papiers.

"-Hum, hum, se raclât-elle la gorge dans l'espoir d'attirer son attention, c'est à mon tour d'avoir besoin d'explication.

- Comment cela ? , répondit-il en levant enfin la tête, vous parlez du billet que je vous ai remis ? Pour les explications, passez votre chemin : j'espère que vous n'avez pas oublié les termes de ce contrat."  

  Alena serra les dents, bien sûr qu'elle n'avait pas oublié, comment le pourrait-elle ?

"-Et si vous êtes ici, à cette heure tardive, je suppose que c'est parce que vous vouliez le trouver cette nuit, pour en finir au plus vite, non. Alors, sachez qu'il prend un dirigeable vers deux heures pour arriver au petit matin à Londinium "  

Il avait tout juste. Elle voulait en finir au plus vite avec cette macabre histoire. Ce monstre lui avait donné toutes les informations pour faire disparaître son fils. Elle allait monter sur ce dirigeable, elle allait remplir sa part du contrat et elle espérait que tout sera finis après cela. Mais ce n'était qu'une utopie.

  Quand elle sortit de la maison, elle n'était plus droite, mais voûtée, la tête basse, honteuse du meurtre qu'elle n'avait pas encore commis.

Sur le chemin du retour, toujours cachée sous son long manteau, elle n'était plus cette furtive ombre, mais un fantôme errant cherchant en vain le paradis.

Minuit passé. Après être rentrée dans sa chambre de la même façon qu'elle était sortie, elle prit une feuille et un stylo et laissa glisser l'encre sur le papier, dans cette lettre s'adressant à sa mère .

Prenant un peu de son argent, elle repartit aussi vite qu'elle était venue, cette fois-ci, en direction de l'embarcadère : un énorme dirigeable était déjà là, il venait du sud et malgré le fait que son escale à NeoParis était en pleine nuit, beauc...

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Prenant un peu de son argent, elle repartit aussi vite qu'elle était venue, cette fois-ci, en direction de l'embarcadère : un énorme dirigeable était déjà là, il venait du sud et malgré le fait que son escale à NeoParis était en pleine nuit, beaucoup de personnes montaient et descendaient du ballon. Les voyageurs étaient de toutes origines, de tous milieux, de tout âges, tous montaient ici pour aller en un même point : Londinium, là où encore quelques rayons de soleil passaient à travers la fumée.

  Après avoir acheté son billet, ce n'était pas extrêmement cher, en particulier pour elle. Penser ne pas se faire repérer par les contrôleurs en fraudent était complètement invraisemblable. Elle se faufila ensuite dans la horde de voyageurs, cherchant des yeux son ancien amant. Introuvable.

Arriver dans la Grande Salle, là où se rassemblait tout le monde, elle aperçut un chapeau haut de forme, d'où sortaient quelques mèches noires, un peu folles. Elle l'aurait reconnue entre milles : Edward ! Il se dirigeait vers le pont ! Poussant le plus délicatement possible les personnes sur sa route, elle se dépêcha de le suivre. Légèrement essoufflée, arrivée à l'entrée de la salle, elle le vit, regardant le ciel.  

  "-C'est beau, les étoiles, on dirait des fées de lumières dansant dans le ciel. J'adorerais les voir du sol, sans le constant brouillard", dit-elle

Le fils Aberline, se retourna, une expression de stupeur sur son doux visage, ne s'attendant pas à entendre cette voix ici.

"Bonsoir, Edward."  

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