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Café Celtill, Clermont-Ferrand. La terrasse est presque pleine quand j'arrive, et je vois une blonde avec un chemisier rouge me faire de grands gestes. N'ayant jamais mis les pieds dans cette ville auparavant, je me demande bien ce qu'elle me veut et je tourne les talons pour appeler Eléna et lui demander de se bouger. J'ai à peine le temps de rejoindre la rue qu'une main se pose sur mon épaule, m'intimant de me retourner.

_ Hé, je t'ai fait coucou, t'es aveugle ou quoi ? me lance Jessica, presque essoufflée.

Je lève un sourcil et l'analyse. A part ses cheveux, rien n'a changé chez elle : toujours cette classe naturelle et ce regard si pétillant.

_ Je ne t'avais pas reconnu, je bredouille médiocrement alors qu'elle roule des yeux.

_ Oui merci, la tornade de vent qui m'a secouée me l'a bien fait comprendre ! s'exclame-t-elle, faussement fâchée contre moi. Bon, maintenant suis-moi parce que mon café ne va pas se boire tout seul !

Avec un sourire, j'obtempère et la suis à la trace jusqu'à sa table, où nous prenons place en silence.

_ Ah ! dit-elle en portant son café à sa joue. J'ai cru te perdre pour toujours.

Les yeux écarquillés, je la regarde frotter sa tasse contre sa peau, les paupières fermées. Cette femme ne s'arrange donc pas avec le temps...

_ Je vois qu'Eléna et les horaires, c'est toujours pas ça, observe Jessica en regardant l'heure sur son téléphone.

Je me mets à rire en repensant à la galère que c'était de la réveiller pour les conférences lors de notre séjour en Italie. Il n'était pas rare que l'on retrouve Jessica et Mike à la table du petit-déjeuner et qu'elle ait encore la trace de son oreiller. Toutes les crises de nerfs qu'elle a pu me faire à son réveil !

_ En attendant, si tu en profitais pour me dire pourquoi tu t'es faite blonde ? je demande après qu'une serveuse soit passée amener ma commande.

_ Les blondes se vendent mieux, répond-elle en haussant les épaules. Et si t'es blonde ET que t'aimes les femmes, mais alors là tu touches le jackpot.

Je manque de recracher mon café, les yeux grands ouverts de surprise, et me mets à tousser jusqu'à parvenir à reprendre mon souffle.

_ Euh, je vends pas mon corps, hein, clarifie-t-elle. Je veux juste dire que ça fait parler les gens et fantasmer certaines personnes, alors c'est tout bénef' pour ma boîte.

Je hoche lentement la tête, comprenant mieux ce qu'elle a voulu dire par là. Il n'empêche, je reste assez déstabilisée par l'image qui m'a précédemment traversé l'esprit et en frissonne de dégoût.

_ Arrête de faire ta prude, tu aurais été ma plus grande cliente, ajoute Jessica tandis que je lève les yeux au ciel.

_ Cliente de quoi ?

Je sursaute alors qu'Eléna tire la chaise à côté de moi pour s'y installer. Elle regarde patiemment Jessica en attendant la réponse à sa question. Son visage angélique me trouble instantanément. Je fais les gros yeux à Jess pour qu'elle garde sa bouche fermée mais il est déjà trop tard puisque je l'entends répondre d'un air nonchalant :

_ Cliente si j'avais fait dans la prostitution.

_ Oh.

Eléna me jette un regard ahuri auquel je réponds par un air blasé. Un sourire nait aussitôt sur ses lèvres mais je me rends compte que sa voix tremble un peu lorsqu'elle hèle un serveur pour passer commande.

_ Stressée ? je demande.

_ Un chouïa, répond-elle en montrant un faible espace entre son pouce et son index et en tirant la grimace.

Pour t'avoir laissée partirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant