Une rencontre houleuse
Shay
Alors que la voiture s'éloignait, emportant ma petite sœur Élise vers son nouveau foyer, je lançai un dernier regard à travers la vitre. Elle ne se retourna pas pour me regarder. Une douloureuse vérité s'imposait : elle me détestait. Sans doute, avait-elle raison.
- Dans quelle sorte de famille vais-je atterrir ? murmurai-je à moi-même, le doute m'envahissant quant à la qualité de mon nouveau chez-moi. J'avais peur de tomber sur un foyer encore plus dysfonctionnel que le mien.
- Tu vas aller chez une mère et son fils, elle s'appelle Caroline et son fils, Thomas, a ton âge, je crois, répondit l'assistante sociale. Caroline est très gentille, elle a divorcé de son mari il y a trois ans. Il vit aux États-Unis maintenant, mais il revient chaque vacances pour voir son fils. Caroline lui laisse la chambre d'ami. Cependant, son fils est... Comment dire ? Compliqué.
Je ne pus que répondre par un vague "Hm." À vrai dire, je ne savais pas comment réagir.
"Compliqué" signifiait-il insolent ? Sans doute un gosse privilégié, avec des parents engagés, une vie stable, et qui se plaignait de choses futiles. J'étais déjà agacé par l'idée de partager un toit avec lui, bien que je ne l'ai jamais rencontré.
Une dizaine de minutes plus tard, la voiture s'arrêta devant une maison de taille moyenne. Cette fois, personne ne nous attendait. L'assistante sociale semblait pressée, et elle me fit sortir de la voiture précipitamment, me laissant seul sur le trottoir, tenant ma valise.
- Ah, super, je suppose que je vais me débrouiller tout seul ! Bravo, l'assistante sociale. Ça valait vraiment le déplacement, marmonnai-je avec agacement.
Mes nerfs étaient à vif. J'angoissais à l'idée de me retrouver seul dans une famille totalement étrangère.
Je m'approchai de la porte d'entrée, prêt à toquer, lorsque celle-ci s'ouvrit brusquement. Une femme brune aux yeux marron, vêtue d'un tailleur, m'accueillit chaleureusement.
- Oh, tu dois être Shay, je t'en prie, entre ! s'exclama-t-elle.
Je posai ma valise et mon sac par terre, puis me tournai vers la femme qui m'accueillait.
- Bonjour, vous devez être Caroline. Je suis ravi de vous rencontrer et je voulais vous remercier pour l'accueil. J'espère que...
Elle me coupa net.
- Désolée, je n'ai vraiment pas le temps pour les formalités. On m'a appelée au travail, je vais probablement rentrer très tard. Bien sûr, fais comme chez toi, tu peux visiter n'importe quelle pièce, on n'a rien à cacher. Si tu veux t'installer, Thomas est à l'étage, je t'ai laissé un mot sur la table. Bref, je dois y aller. À plus !
La rapidité de ses paroles m'avait laissé étourdi, et avant que je puisse réagir, elle claqua la porte, me laissant seul au milieu du hall.
Charmant pensai-je ironiquement, alors que je me sentais submergé par une vague d'inquiétude et de solitude.
Je me dirigeai vers la cuisine et découvris un mot posé à côté d'une boîte. Je le pris et le lus : "Bonjour Shay, je ne sais pas à quelle heure tu arriveras, alors je te laisse un mot au cas où... On m'a dit que tu avais une petite sœur, mais que vous avez été séparés, alors j'ai pensé que ça te plairait. Caroline."
J'ouvris la boîte et y découvris un téléphone neuf, accompagné d'un post-it disant : "C'est un cadeau, alors ne le refuse pas et sers-t'en."
Un sourire se dessina sur mon visage à la vue du téléphone offert par Caroline, un geste attentionné qui m'avait touché, surtout quand j'imaginais qu'elle l'avait choisi en pensant à Élise. Rempli d'une pointe d'espoir, je décidai de monter les escaliers pour enfin faire connaissance avec ce fameux Thomas. Peut-être avais-je mal interprété le terme "compliqué". Il était temps de le découvrir par moi-même.
Je ramassai ma valise et me dirigeai vers l'escalier. Le doute s'insinuait en moi, mais il n'y avait qu'une seule façon de le savoir. Grimpant les marches, j'atteignis un couloir qui donnait sur trois portes. Toquant à la première, je n'obtins aucune réponse, ce qui m'amena à une salle de bain. La seconde porte semblait mener à une chambre inoccupée. Enfin, je me décidai à toquer à la troisième porte.
Aucune réponse.
J'ouvris la porte avec précaution. Elle grinça légèrement, alertant ma présence.
Mes yeux balayèrent la pièce, et je fus soudain fixé sur un garçon assis sur une chaise en face de la porte, me scrutant de la tête aux pieds à plusieurs reprises. Son regard me donna des frissons, et je ne pus m'empêcher de l'examiner en retour. Il était grand, musclé, le teint pâle, des cheveux noirs et des yeux bleu-gris qui semblaient percer mon âme. Un sourire moqueur était cloué à son visage. Il portait une tenue élégante, pantalon noir ajusté et chemise grise, alors que je me trouvais là dans un vieux t-shirt Harry Potter et un jean usé. Sa prestance me fit presque honte.
- Visiblement, tu ne comprends rien à rien, me lâcha-t-il sèchement, son sourire provocateur inchangé.
- Quoi ? répondis-je, cherchant désespérément ce que j'avais bien pu faire de mal.
- À quoi ça sert de toquer si tu te permets d'entrer sans être invité ? me lança-t-il, sur le même ton qu'auparavant.
- Et à quoi ça sert de me faire la morale alors que n'importe qui aurait fait pareil ? continuai-je, adoptant son propre ton.
Il me répliqua, froidement cette fois, sans sourire
- Et bien, tu n'as pas froid aux yeux pour me tenir tête, alors que tu n'es qu'un petit squatteur qui ne connaît même pas le respect !
- Et c'est celui qui me traite sans même connaître mon nom qui dit ça ?! ripostai-je, ne m'arrêtant pas pour autant. Dommage qu'il n'y ait pas d'endroit pour que les gens débiles puissent se cultiver... Ah, mais si, ça existe, ça s'appelle l'école ! Tu devrais peut-être y faire un tour !
Son regard, naguère provocateur, se teinta d'une haine palpable. Il était évident que les gens s'inclinaient souvent devant lui.
- Dommage qu'il n'y ait personne pour apprendre le respect à ceux qui ont recours à la violence... Ah, mais si, ça existe, ça s'appelle la famille ! Sauf que tu n'en as plus ! riposta-t-il, un sourire malicieux étirant ses lèvres, fier de sa réplique.
Le défi dans son regard me poussa à bout. Je le saisis par le col de sa chemise, prêt à lui asséner un coup.
- Tout de suite... la violence... l'entendis-je ricaner, bien qu'il eût du mal à respirer sous ma prise.
Finalement, je le reposai, sachant que le frapper me causerait des ennuis. Les bagarres étaient mon lot quotidien au lycée, et il était clair qu'il avait l'habitude de voir les gens s'incliner devant lui. Il me regarda avec un sourire provocateur, ce qui eut pour effet de m'agacer davantage.
Je récupérai ma valise et m'apprêtai à quitter la pièce pour me rendre dans la chambre d'en face quand sa main saisit mon poignet. Je m'apprêtai à le repousser, mais il articula :
- Où vas-tu ? En face, c'est la chambre de mon père. Toi, tu dormiras ici.
C'est une blague, j'espère ! pensai-je, abasourdi. Je ne vais pas partager la même chambre qu'un imbécile pareil !
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Enchaînement
RomanceJe ne pensais pas que les événements s'enchaineraient de cette manière. J'ai juste voulu fuir mes problèmes familiaux. On a donc placés ma petite soeur et moi dans des foyers différents et sur toutes les personnes sur qui j'aurais pu tomber il a fal...