Chan Yeol était alors un grand garçon de onze ans, vif, joyeux, ne comprenant pas le monde qui l'entourait. A cet âge, il ne contrôlait pas ses « voyages », comme il les appelle, à la perfection.
Il y avait ce petit garçon, Kang Dae, dans sa classe depuis la maternelle. Il était le genre de petit garçon que personne n'ose approcher, dont tout le monde se moque, celui qui porte des lunettes en cul de bouteille, un gilet trop grand pour lui et à qui on ne veut pas donner la main car elle est moite et sale.
Kang Dae a toujours intrigué Chan Yeol. Il a voulu être ami avec lui, jouer avec lui, partager son goûter avec lui, lui parler, pour lui dire que ceux qui se moquent de lui sont stupides, le rassurer.
Mais à cet âge, le courage était loin d'être dominant sur l'enfant qu'il était. Chan Yeol s'est alors dit que s'il ne trouvait pas le courage de se porter face à lui maintenant pour faire tout cela, il pourrait sûrement le faire face au Kang Dae âgé de quatre ans.
C'est ainsi qu'il a prit la décision de le retrouver, en 1996, dans la cours d'école maternelle, à l'écart de tout le monde. Il savait qu'il le trouverait au pied du marronnier, seul, les enfants jouant autour de lui sans lui porter la moindre attention, pendant que lui, jouerait avec les marrons tombés sur le sol quelques jours plus tôt.
Sauf qu'à la dernière seconde, son esprit a dérivé et il s'est retrouvé sur la ligne blanche d'une route traversant une montagne forestière, la nuit, à quelques mètres d'une voiture qui roulait plus vite qu'elle ne le devait. Quelques mètres, c'est le temps qu'elle a eu pour l'éviter. Il se rappelle encore des phares qui l'ont ébloui, de ses petites mains qui se sont automatiquement avancées vers la voiture qui lui fonçait dessus, comme si sa force enfantine allait pouvoir l'arrêter. Le conducteur a mit un violent coup de volant et est parti dans le fossé, a fait plusieurs tonneaux et le toit de la voiture a fini par s'écraser contre un arbre. En pleine panique, comprenant difficilement sa bêtise, il s'est concentré du mieux qu'il a pu et il est revenu en 2003, d'où il venait. Il a pu retrouver sa chambre, telle qu'il l'avait laissé, et il s'est couché, tremblant de la tête aux pieds, en réalisant ce qu'il venait de se passer. Il se disait qu'il avait probablement tué ou au mieux gravement blessé la ou les personnes présentes dans la voiture - peut-être une famille complète ? - et sans avoir accompli ce pourquoi il avait voyagé en 2003.
Ce n'est que le lendemain matin, à l'école, qu'il a réellement comprit. Kang Dae n'était pas assit à sa place. A vrai dire, il ne s'y était jamais assit et ne s'y assiéra jamais. Aucune table, aucune chaise, aucun cahier ou aucun stylo n'était prévu pour lui. La nuit passée, Chan Yeol avait voyagé du 12 août 2003 au 6 juillet 1996, et tué ses parents, sur le chemin de l'hôpital, dans lequel il était prévu qu'il vienne au monde.
Il a empêché Kang Dae de naître, de grandir, d'apprécier, de pleurer, de rire, de se disputer avec son père, de ne pas faire ses devoirs, de tomber amoureux : il l'a empêché de vivre. A ce moment, il s'est promis qu'il ne voyagerait jamais plus. Il se voyait comme un meurtrier, un assassin, un monstre, et ce pour plusieurs années.
Ce fut le cas jusqu'à ce qu'il renonce à sa promesse. « Les promesses, de toute façon, personne ne les tient. », comme il disait.
Chan Yeol était devenu quelqu'un de froid, solitaire, méchant. Il était, à vingt-quatre ans, le type que l'on voit passer dans le hall de son bâtiment, que l'on croise dans un supermarché, à qui on cède le passage piéton, mais dont on ne se souvient pas. Celui qui marche par de grandes enjambées, tête baissée, cachant ses cernes et ses yeux rouges, les mains cachées dans les manches de son pull. Chan Yeol était devenu, avec le temps, le monstre qu'il pensait être. Le mal ne lui faisait ni chaud ni froid, une guerre par ci, un meurtre par là, « L'humanité, quelle débauche. Elle n'est faite que pour se détruire elle-même. Encore, et encore. ». Plus rien ne l'atteignait.
Il se parlait souvent à lui-même, à sa télé, aux personnes passant sous son balcon, sans qu'ils ne l'entendent, préférant éviter tout contacte avec un être vivant. Même pas un chat, même pas un chien, même pas un poisson rouge, même pas une plante. Encore moins un être humain. « Ma seule activité sur cette terre, mon seul but, ma seule fin, c'est de mettre un terme à la vie. ». Chan Yeol s'était aussi mit à écrire, depuis quelques années. « Les feuilles sont déjà des arbres morts, je ne peux pas les tuer plus ». Il écrivait, ou plutôt racontait, la vie qu'il avait rêvé d'avoir. « J'aurais voulu tomber amoureux, au collège. », « J'aurais voulu supplier ma mère d'adopter un chien. Un petit caniche, noir. J'aurais voulu l'appeler Toben. L'emmener avec moi à l'école, le montrer à mes amis. Le montrer à Kang Dae. », « J'aurais voulu toucher, sentir le contacte humain, sans que rien d'anormal ne se passe. ».
Chan Yeol portait, depuis petit, des gants, d'abord en laine, puis, maintenant, de jolis gants noirs en cuir. « Quitte à porter des gants toute ma vie, autant en porter des classes. ».
Si la première partie de son don, voyager dans le passé, aurait pu paraître ''cool'' aux yeux de certaines personnes, ce qu'il engendrait, en quelques sortes, était épouvantable : un simple touché, le moindre contact avec Chan Yeol valait à n'importe quel être vivant un vieillissement précipité de son corps et de son âme, le moment du contacte. Un bourgeon de rose, une caresse de Chan Yeol, et c'est une rose fanée.
Si un simple touché engendrait une mort plus proche, que ferait un baiser ? « L'amour n'est pas fait pour moi » se répétait Chan Yeol. Cette phrase tournait en boucle dans sa tête. L'amour, dans tout les sens du terme, il n'y aura jamais droit. « Je ne saurais jamais ce que cela fait, d'aimer et d'être aimé en retour. »
Ce fut donc le cas, jusqu'à ce qu'il renonce à sa promesse, qu'il s'oublie quelques instants dans le passé, et que Baek Hyun soit placé sur son chemin, que Chan Yeol pensait ne pouvoir le mener nulle part. Chan Yeol était destiné à errer, hier et aujourd'hui, et Baek Hyun lui offrit un chemin nouveau, à l'encontre du temps.
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Hors du temps - bbh.pcy | NCHHDHS
Fanfiction|ChanBaek| « Mais c'est parce qu'avant, je ne t'avais pas. » Il soupira avant de poser sa tête contre le torse du grand brun. « Avant, je pensais devoir faire semblant d'aimer une femme, toute ma vie. Tout comme toi tu pensais avoir à suivre...