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19 septembre 1990, Seoul.

Il y a des choses que Chan Yeol sait ne pas être pour lui. Il ne sentira jamais le frisson sur la peau de quelqu'un grisé par sa main. Il ne devinera pas sa timidité en sentant sa paume devenir moite contre la sienne. Il ne pourra jamais vivre son premier baiser parce qu'il serait probablement le dernier pour l'être aimé. Il ne connaîtra pas les plaisirs de la chaire puisque cela ferait de lui, une fois de plus, un assassin. Est-ce qu'il y a pire perspective ? Pour être honnête, il ne croit pas. C'est pour ça qu'il se pardonne. D'être jaloux. D'être envieux. Il pourrait penser qu'il peut avoir tout ça, en prenant mille précautions savamment pensées. Mais un ersatz de tendresse, c'est douloureux, cruel et égoïste. Mieux vaut apprendre à s'en passer.


Les parents de Chan Yeol étaient un couple comme il en existe beaucoup. Une femme, un homme, qui se sont aimés, qui étaient fous l'un de l'autre, puis qui ont vu cet amour mourir, et qui ont fini par se détester. Chan Yeol a toujours vu ses parents jurer sur l'autre, se battre, tant par les mots qu'avec les mains. Il s'était toujours demandé si ses parents s'étaient réellement aimés un jour. Comment agir de la sorte avec un être dont vous avez un jour été fou amoureux ? « Dans ce cas, peut-être que ne pas connaître l'amour n'est pas si malheureux que ça. »

Chan Yeol, au début par curiosité puis par habitude, se rendait régulièrement en 1990, dans le café dont lui avait parlé sa mère, celui dans lequel ses parents se retrouvaient tous les mercredis à quinze heures, au début de leur relation. Il vivait, depuis quelques mois déjà, des émotions qu'il n'éprouvait pas. Cela lui donnait l'illusion de ne plus être différent. Il n'était encore même pas né et, là, assit à quelques tables d'eux, un fils regardait ses parents tomber amoureux. S'il n'avait jamais connu l'amour par lui-même, alors il se contenterait de celui de ses parents. Il ne prêtait aucune attention à ce qui se trouvait autour de lui, seul ses parents importaient, sur le moment. Ils s'installaient toujours près de la fenêtre, dans l'angle, au fond du café, en face du comptoir. Leur fils s'installait lui aussi près de la fenêtre, de sorte à sentir la fraîcheur de la vitre lorsqu'il s'y appuyait.

Sa mère était coiffée comme sur toutes les anciennes photos qu'il avait pu voir dans les albums ou dans les quelques cadres posés sur les commodes du couloir par lequel il passait pour aller dans sa chambre, plus jeune. Des cheveux noirs, lisses qui retombaient en une boucle au niveau de ses épaules, une frange pas beaucoup garnit. Elle portait le plus souvent des chemisiers, généralement blancs mais parfois à motifs, avec une jupe qui lui descendait jusqu'aux genoux. Elle accordait toujours quelques bijoux à sa tenue. Chan Yeol la trouvait resplendissante et comprenait l'amour de son père pour elle. Quant à son père, il trouvait qu'ils se ressemblaient beaucoup. La taille, les cheveux, les yeux, le nez, les oreilles, le sourire, tout cela était identique chez les deux hommes.

Hors du temps - bbh.pcy | NCHHDHSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant