onzième nuit

1.3K 189 125
                                    

Quatre heures du matin. Un jour avant mon départ. J'ai décidé de cuisiner et je me retrouve à couper des carottes avec un couteau à pain.

Au départ, je ne sens rien.
Puis, je vois. Le sang qui s'étend entre les morceaux et ma paume entrouverte, calice peint de rouge.
Et la douleur ; la panique que mes plans soient interrompus. J'attrape rapidement un chiffon et l'enroule autour de ma main ; onze minutes plus tard, je marche rapidement dans les rues illuminées de Paris, encore remplies de quelques gens qui hurle à la vie et moi qui entre dans l'hôpital.

« Bonsoir-heu, bonjour ? je sais plus trop ce que je dis, elle lève les yeux vers moi.

Bonjour, quel est votre problème ? »

Et c'est comme si mes oreilles s'étaient remplies de coton. J'observe le prénom Garance cousu sur sa blouse, je fixe ses yeux, puis ses lèvres et ses joues roses, roses, roses. Je m'imprègne de son visage. J'ai l'impression d'être dans un rêve, je ne contrôle plus rien, ni mes pieds, ni mes mains. Je trépigne, je transpire, je serre les poings, le sang goûte sur le sol.

« Elise ? et là, ses yeux s'écarquillent et je sais que j'ai vu juste.

C'est Garance, chuchote-t-elle telle un serpent, viens ici, elle ouvre la porte et me tire à l'intérieur.

Enfin, je te vois, je-je suis tellement heureux, j'ai attendu si longtemps, Elise...

Garance ! corrige-t-elle sans m'adresser un regard, c'est Garance, tu comprends, ça ? j'attrape son bras.

Oh, je t'aime, Elise, je t'aime tellement...

Arrête ça. Lâche-moi, elle secoue son membre emprisonnée dans ma main blessée, tu me salis.

Elise, embrasse-moi, embrasse-moi... Je t'en supplie. »

Elle s'écarte, les yeux noirs, le visage sombre.

« Ecoute-moi bien, Ken. Ces coups de téléphone, c'est pour arrondir mes fins de mois. Je t'apprécie mais il ne se passera jamais rien entre nous.

Elise, je sais que tu m'aimes. Moi aussi j'ai été timide pendant un temps, mais tu peux me l'avouer, je me moquerais jamais de toi... »

Il n'y a que ma voix qui résonne dans ma tête « Elise, Elise, Elise, Elise ». Elise et ses lèvres pâles. Elise et ses cheveux bouclés. Elise et ses yeux sombres. Elise et ses mains fines. Elise et longues jambes. Elise et sa voix, encore plus douce en vrai.
Elise et moi.

Moi tout seul, dehors.

Bandage sur la main.
Elle m'a laissé son numéro « Seulement en cas d'urgence. Et appelles-moi Garance. »

Lentement, je marche.

L'autre jour, j'avais attrapé mon marqueur et j'étais allé écrire nos prénoms sur la rambarde d'un pont ; je veux voir s'ils y sont toujours.
Alors je m'approche de cet endroit qui, auparavant, m'avait arraché un sourire et qui, aujourd'hui, m'arrache un sanglot. Les mains sur la barrière, je passe de l'autre côté.
Ils y sont.

« Monsieur ? »

Elise + Ken.
Je compose son numéro. Appareil collé à l'oreille gauche.
J'allume une clope.

« Allô, Ken ?

Salut Elise. »

« Je peux vous aider ? »

« C'est qui derrière toi ?

Il parle pas à moi. »

« Monsieur ! »

« T'es sûr ? On dirait des gens qui crient.

Ouais, ouais.

Pourquoi tu m'appelles ?

J'avance mon voyage d'un jour.

C'est vrai ? Tu vas où ? »

« Faîtes pas ça. »

« Par ci, par là.

Je te souhaite bon voyage alors Ken... »

« Revenez de l'autre côté, on peut vous aider, on est tous là pour vous aider. »

« Merci Elise. Je vais m'éclater. »

J'ai raccroché et je me suis laissé tomber.

l'Amour est mort en basOù les histoires vivent. Découvrez maintenant