II.

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3 Septembre 1939

Le soleil était déjà haut dans le ciel lorsqu'Eleanor, Jake et leurs parents sortirent de la messe dominicale. Le père Jean avait consacré son homélie aux futurs combattants et soldats qui allaient partir à la guerre, c'est d'ailleurs pour cela que presque la totalité du village s'étaient rendu à cette célébration divine. La plupart des jeunes hommes du village s'étaient enrôlés et le départ était imminent. On la sentait. Cette tension. La peur transpirait par les pores de la peau, les mères préparaient les vivres de leurs fils, les retraits des uniformes et des armes étaient planifiés. Chacun s'affairait à sa tâche pour rendre le départ le moins pénible possible. Seule Eleanor semblait se contrefaire de cette guerre. Elle voulait juste que Jake reste auprès d'elle. Elle se savait égoïste de penser cela et que Dieu la punisse, mais elle n'en avait rien à faire. Jake ne devait pas partir.

Le concerné tourna son regard vers Eleanor qui continuait à marcher près de lui et de ses parents. Il avait une irrésistible envie de lui prendre la main et de la rassurer en lui murmurant des mots doux à l'oreille, mais il ne pouvait pas, du moins pas de tout de suite.
La famille suivait la route pavée en silence, sans un mot. Ils descendirent les quelques marches qui leur permettaient de rejoindre un chemin gravilloné et prirent la direction de la maison familiale, tout en passant près du presbytère du village. L'allée était bordée d'herbe et ils avançaient lentement profitant de l'air frais que la pluie avait ammener quelques heures plus tôt. 

Mireille, la mère des deux jeunes, était pensive : elle venait d'apprendre que son fils s'en allait, et elle savait que cela ne présageait rien de bon, elle avait vu son père mourir sur le front. Son dernier souhait était que son fils subisse les mêmes horreurs. Elle sentit soudain toutes les forces de son corps la quitter à l'évocation de cette simple pensée et la mère de famille n'eut pas le courage d'aller à la boulangerie, chargeant de ce fait sa fille d'y passer.

Jake leva ses yeux, abandonnant la vision qu'il avait de ses chaussures. Le jeune homme voulait parler avec sa sœur, cependant il redoutait aussi ce moment. Il redoutait de lui dire ou plutôt de lui avouer qu'il se sentait un peu comme privilégié de participer à un événement comme celui qu'est la guerre. Il y avait cette sorte d'adrénaline et d'excitation qui lui retournait l'estomac et lui procurait des frissons. Oh oui, il avait terriblement envie de partir combattre, sentir l'air érafler ses joues et son cœur bondir lorsqu'il décollerait vers le ciel. Et puis avouons-le, il voulait défendre son pays et le patriotisme coulait le long de ses veines. C'est alors qu'il prévint ses parents qu'il accompagnait la jeune brune, et celui-ci vit les épaules de sa cadette se tendre. Ne pouvait-il pas attendre qu'elle rentre au lieu de vouloir tout précipiter ? Eleanor avait juste besoin d'un peu d'air et d'un d'espace, le temps de digérer la nouvelle. Et c'était, sans aucune ambiguïté - à bon entendeur- , qu'Andrew et Mireille acceptèrent et empruntèrent le chemin du retour.

Eleanor fit demi-tour pour rejoindre la boulangerie qui se trouvait à quelques centaines de mètres de l'église, quelque peu agacée par le comportement du garçon qui habituellement la rendait folle de joie. Jake marchait lentement, dans le but de garder une certaine distance avec sa sœur. Il ne voulait pas qu'elle pense qu'il la surveillait ou que se soit d'autre. Cependant celle-ci s'arrêta pour l'attendre, ne supportant pas l'idée d'être loin de lui. Jake sourit faiblement et passa ses doigts dans ses cheveux indisciplinés, dont il n'avait même pas pris le soin de coiffer pour venir à la messe, puis, il rangea ses mains dans les poches de son pantalon de costume noir. Eleanor le trouvait d'ailleurs particulièrement éblouissant, comme à son habitude, avec sa chemise blanche et sa veste noire. Lorsqu'ils furent au même niveau, Eleanor passa son bras gauche autour de celui de son amoureux et ils marchèrent doucement jusqu'à la petite boutique. En soi, leur position n'était pas étrange ou douteuse, ils semblaient juste se soutenir durant cette épreuve difficile. Ils pénétrèrent ensemble à l'intérieur de la petite échoppe et patientèrent quelques minutes, le temps qu'une vendeuse se libère. Pendant ce temps, Jake croisa l'un de ses amis, Louis, qui avait lui aussi décidé de s'enrôler. Eleanor l'appréciait d'ailleurs énormément. Elle trouvait qu'à eux deux, ils formaient plutôt une bonne équipe et cela la rassurait que Jake ne soit pas seul à partir. Pendant que les deux garçons discutaient, Eleanor en profita pour commander une baguette de pain ainsi que quelques pâtisseries.

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