Wolves of Magic [Édité]

Chapitre 8

Son regard noir s'adoucit progressivement, tandis qu'il m'approche. L'espace d'un instant, je suis confuse. Encore jamais quelqu'un m'a regardé d'une telle façon. Avec tant de bienveillance. En même temps, ayant vécu quasiment l'intégralité de ma vie toute seule, personne n'en a jamais vraiment eu l'occasion.

— Comment vas-tu ? me murmure-t-il à travers les barreaux en métal.

Sa voix est timide et délicate, contrairement à sa posture imposante. C'est comme s'il avait peur que je puisse me briser en mille morceaux à chaque instant.

Il me tend sa main à travers les barreaux.  Je lui réponds lentement, tentant désespérément d'articuler au mieux malgré la douleur qui habite chaque parcelle de mon corps meurtri.

— Tu crois vraiment... que je vais... te faire... confiance... ma voix meurt dans ma gorge, ressemblant à un souffle.

Mon corps est secoué de quelques violents spasmes, à cause de mon état de santé qui se dégrade un peu plus chaque heure. Puis, je plisse les yeux pour l'observer. Cette situation tient tout d'un piège ! S'il croyait que j'allais répondre, il vient tout juste de découvrir que ce ne serait pas le cas.

Les cicatrices recouvrant son visage sont parfaitement blanches, contrastant avec sa peau bronzée. Certaines ont dû être mal soignées car elles sont plus gonflées que d'autres. Les amas de peau me déconcentrent l'espace d'un instant. Puis, je m'empresse de porter mon attention sur le regard obscur de mon interlocuteur. Je ne me ferais pas avoir par une telle comédie !

Il a l'air attristé par ma réponse et je me dépêche de l'approcher pour repousser sa main. Il se met à genoux de l'autre côté des barreaux pour arriver à ma hauteur.

Je n'ai plus la force de tenir sur mes jambes. Je pose brusquement ma tête contre les barreaux lorsque la douleur de mes côtes me revient. Je grimace et entoure mon corps de mes bras.

Mon cœur s'emballe lorsque je sens une main se poser sur mon épaule. Je n'ai plus la force de la repousser et serre les dents.

— Je te sortirai de là, je te le promets.

Ce sont les derniers mots que j'entends avant qu'un vaste brouillard ne s'empare de mon esprit. Une paire de bras semble m'envelopper, tout en me tirant dans l'inconscience. J'écoute la voix de ma mère me bercer et souris. Elle est là, elle me tient, elle me protège. Est-ce la mort qui s'avance vers moi ?

À mon doux réveil toute trace de Tristan a disparue, me laissant quoique un peu déçue malgré que je ne sache pas si je peux lui faire confiance. Il m'a dit qu'il me sortirait de là, confirmant qu'il est bel et bien l'allié du petit mot.

J'expire lentement, tout en toussant à plusieurs reprises. La poussière et l'humidité qui s'étaient trouvés confinés dans mon nez et ma bouche sont évacués par mon organisme. Il ne me faut pas longtemps avant de comprendre que j'ai dormi la bouche ouverte.

Tristan. Que me veux-tu ? Peut-être est-il prêt à créer sa propre armée et qu'il souhaite me recruter ? Je ferme les yeux, résistant à une migraine. Il me faut me servir de cet homme, avant de disparaître. Rester avec lui ne me semble pas une solution.

En cherchant Sally du regard, je remarque que la nuit ne tardera pas à tomber et que l'Alpha ne m'a pas rendu visite aujourd'hui, ce qui est très étrange. N'était-il pas d'humeur de me voir souffrir ou a-t-il été confronté à un problème ? Je croise les doigts pour que la seconde option soit la bonne.

Peut-être que Tristan l'a empêché d'une façon ou une autre de m'approcher, bien que cela me semblerait étrange. Ou peut-être que Jack a décidé de me laisser le temps de récupérer afin de préparer de nouveaux plans machiavéliques.

Je secoue lentement la tête. Non. Tristan n'est pas digne de confiance. Il doit se prouver avant que je puisse placer le moindre espoir en lui ou en ses actions. Toutefois, mon cerveau reste bloqué sur son nom malgré moi. Il est mon dernier et seul espoir, mais ce n'est pas parce qu'il a prétendu être gentil avec moi que je dois pour autant lui faire confiance. Il est un ennemi comme les autres et je dois me méfier de lui, même s'il a réussi à berner Sally. Ma chère colombe a transporté son message et j'ignore comment il a réussi à l'en convaincre.

Quelque part, je sais pertinemment que mon esprit ne parvient tout simplement pas à accepter l'idée que je puisse avoir un allié. Ce sont les murs protecteurs que j'ai forgés autour de mon esprit qui m'empêchent d'accorder ma confiance à quiconque. La solitude nous change.

Il faut gagner mon respect par des actes et non des mots. Car les paroles s'envolent au rythme du vent, tandis que les actions sont et resteront des cicatrices à jamais.

À ces pensées mes doigts caressent les futures cicatrices qui ornent fièrement mes jambes, mon dos et mon ventre. L'état de mes plaies me surprend au plus haut point. Elles ne sont ni infectées, ni gonflées. C'était comme si quelqu'un s'était occupé de les désinfecter.

Avec mon pouvoir de régénération, mon organisme l'aurait fait de lui-même, mais il a été rendu inutilisable.

Seul la blessure de ma cheville n'a pas guérie. Elle est bien trop profonde et a sûrement sectionné mes ligaments. Je passe mes doigts sales dessus, ce qui est quelque chose à éviter. Toutefois, j'ai besoin de sentir ce que Tristan m'a fait. L'incision est profonde et le petit trou créé par sa griffe traverse l'intégralité du membre, perforant mes os au passage. S'il est parvenu à me faire autant de mal sans le moindre scrupule, alors comment puis-je me fier à lui ? S'il joue un jeu malsain, je le découvrirai bientôt puisque je n'ai nulle part où aller.

Soudain, j'entends de lourds pas s'approcher de ma geôle, me faisant sursauter. Mon coeur bondit dans ma poitrine et une part de moi espère voir Tristan apparaître au milieu de l'obscurité naissante plutôt que Jack. Toutefois, l'aura surpuissante du nouveau venu me dévoile déjà son identité.

La seule chose que le dernier rayon du soleil tardif me dévoile est le visage sadique de l'Alpha suprême. La lumière du coucher du coucher de soleil a tourné au rouge. Un sourire satisfait orne ses lèvres et une lueur meurtrière brille au plus profond de son regard. Tout cela ne présage absolument rien de bon...