Chapitre 9

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L'Alpha suprême s'avance lentement vers moi, laissant la porte de ma geôle grande ouverte derrière lui. Il sait aussi bien que moi que je suis incapable de me relever à cause de ma cheville perforée. Et puis, je n'ai plus assez de ressources pour pouvoir l'affronter.

Sa démarche souple et lente, ressemblant à celle d'un félin prêt à attaquer une proie, ne me rassure guère. Elle me fait frissonner de la tête aux pieds. Ma bouche sèche a de la peine à rester fermée.

Ma poitrine se soulève et baisse à une vitesse incroyablement nerveuse, reflétant ma respiration saccadée. J'ai peur. Oui, j'ai peur de ce qui va se passer, de ce qu'il va faire, qu'il va me faire. Ses yeux, devenus plus sombres que la nuit qui nous entoure, sont envahis par ses pupilles dilatées et menaçantes. Il me scrute sous tous les angles, prêt à débuter son plan diabolique.

Ce que j'ai en face de moi en ce moment même sont rien de moins que ses yeux de loup !  Ma respiration se coupe soudainement, arrêtant la suite de petits nuages qu'en produit la chaleur permanente dans l'air. Je n'ai encore jamais fait face à un loup-garou sous sa forme animale, mais quelque chose me dit que je m'apprête à y être confrontée !
Mes ongles cassés et crasseux tentent de se frayer un chemin dans le sol afin de s'y ancrer. Tétanisée, je sens l'aura de Jack m'atteindre telle une flèche empoisonnée. Faible comme je suis, je n'y résisterai pas longtemps !

Les plaies dans le cou de mon adversaire se sont entièrement refermées et débutent leur cicatrisation. Les miennes n'en sont malheureusement pas encore là. Comment a-t-il pu guérir aussi rapidement ? Peu importe. Disons que j'ai d'autres problèmes à la tête. Tout ce que j'espère en ce moment est juste que quelqu'un vienne me chercher pour m'arracher aux bras de ce monstre qui a l'air plus coriace que jamais. Il croise les bras en me souriant.

Je recule instinctivement, traînant mes jambes à travers la saleté de la cellule. Je finis par heurter le mur d'un coup assez violent et incontrolé. C'est la limite de l'espace qui m'a été attribué, le seul et unique qu'il me reste à présent. Je ne peux pas en sortir.

Je me retrouve entre le mur glacial et visqueux de ma geole et l'Alpha qui ne cesse de guetter le moindre de mes mouvements maladroits. Depuis tout à l'heure il évalue mon épuisement, alors que je tente d'attirer le moins d'attention possible sur ce point. Je sais pertinemment que cela se voit que je ne tiendrais plus longtemps.

Un interminable frisson me parcourt de nouveau l'échine, me rendant encore plus vulnérable. Une tension insupportable s'installe au sein de la pièce sale et obscure.

Je n'en peux plus. Je me sens atteindre le bord de l'évanouissement, mais une gifle monumentale me réveille complètement. Du sang gicle par terre, provenant de mon nez ou ma machoire, je ne le sais pas, je ne le sais plus. Mon organisme ne parvient plus à distinguer les différentes douleurs qui transpercent mon corps martelé et je ne m'attarde pas plus longtemps sur ce détail. Mes yeux s'ouvrent grand et mes pupilles se dilatent, cherchant à trouver un point d'encrage dans cet espace. Malheureusement pour moi, mon environnement ne cesse de s'obscurcir, recouvert d'un voile de flou. C'était comme si je ne me trouvais plus dans cet univers.

— Quelqu'un a libéré ton satané oiseau ! me crie-t-on.

Je pose mes mains contre le mur, tout en grattant la pierre. Il me faut sortir de là à tout prix ! Il va me tuer !

Mon agresseur attrape mes poignets qu'il serre horriblement fort entre ses doigts. Il tire dessus jusqu'à ce que sois debout face à lui.

La peau de mon dos est écorchée contre le mur rugueux, me faisant bondir de douleur. Je retiens péniblement un cri, tout en ayant l'impression de suffoquer. Il dévoile ses crocs comme pour m'impressionner. Je baisse les yeux, trop fatiguée pour jouer à ce jeu.

— Qui t'aide, sorcière ?!

Il me crache dessus.
Sorcière. C'est le pire du disrespect qu'on peut avoir envers une mage.

Je ne réponds pas. N'a t-il pas encore compris qu'il n'aura pas de réponse tant que je serai dans cet état ?

Je secoue la tête, tout en laissant échapper un début de rire qui finit par mourir dans ma gorge. Est-il bête à ce point ? Je n'ai pas conscience de l'identité de mon allié. Ce pourrait être Tristan, mais je n'en ai aucune confirmation.

Il souffle pour montrer son mécontentement, avant de m'attraper le visage. Il serre ma mâchoire entre ses griffes, y laissant des marques semblables aux cicatrices qui ornaient les joues de Tristan.

— Au moins, je sais à présent que tu ne m'est plus utile. susurre-t-il tel un serpent.

Puis, il m'oblige à lever mes yeux vers les siens. L'espace d'un instant, je crois y apercevoir des pupilles longiligne, mais cette illusion finit aussitôt par s'estomper.

— Tu ne sers à plus rien !

Il éclate de rire, tout en s'approchant de mon visage. J'écarquille les yeux. Plus rien ? Alors, il va me tuer cette fois-ci ! Ma respiration devient plus pénible, alors que les idées fusent dans ma tête.

Un autre mage a trahi notre espèce ! Il a fait ce que j'aurais dû faire pour me sauver la peau: accepter le marché de Jack. Des larmes me montent aux yeux. J'essaye de donner des coups de genou pour qu'il s'éloigne, mais ne parviens même pas à lever mes jambes.

— Ça t'étonne ? Personne ne connaît ton existence.

La torture à laquelle je m'attendais était bien loin de celle-ci. Cet individu utilise mon mental et ma conscience pour me briser.

Tout à coup, il m'empoigne l'épaule gauche et me mordille le cou de facon agressive.

— Ce qui veut dire que je peux faire de toi ce que je veux ! s'exclame-t-il avec la bouche plein de sang.

Prise par surprise, je pousse un gémissement que je regrette aussitôt, car l'Alpha suprême en profite pour planter ses griffes de loup dans mes bras. Du sang chaud coule le long de mes bras. Comme anesthésiée, je me sens glisser dans l'inconscience. Mes membres ressemblent à des cordes molles. J'ai perdu bien trop d'hémoglobine ces derniers jours !

Tout à coup, une ombre se jette sur mon pire ennemi, s'engageant dans un combat féroce et possiblement mortel. Je glisse le long du mur, m'écrasant dans une flaque de sang. Les yeux à moitié ouverts, je tente de contempler la bataille qui se déroule devant mes yeux. Je cherche à distinguer en vain mon sauveur miraculeux.

D'immenses grognements résonnent un peu partout dans la pièce, créant des échos dans ma tête. Je manque de plonger dans les méandres du sommeil, mais parviens tout juste à garder les yeux ouverts pour contempler le combat qui est livré devant mes yeux.

Je laisse mes yeux se fermer, entourée de cris de colère et de douleur. Finalement, cela ne devient qu'un lointain souvenir, emporté par les méandres de mes pires frayeurs.

Wolves of Magic [Édité]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant