PENNY DREADFUL - LE SANG DU SCORPION

I. « To be beautiful is to be almost dead, isn't it ? » - Vanessa Ives

Pour le meilleur et pour le pire, le moment était venu que le mal prenne fin. Les créatures de la nuit faisaient dorénavant régner le chaos dans Londres. Alors que la mort et la désolation faisaient rage au-delà des murs, ils étaient là. L'homme et la femme, seuls, face à face au centre de la pièce ronde illuminée de bougies.

— Pitié, fait que cela cesse, dit la Mère du Mal.

Face son regard incrédule, la femme prit le révolver fixé à la ceinture de l'homme, le braquant contre elle.

— Avec un baiser.

— Avec un baiser et mon amour, ajouta le Loup Protecteur.

— Et mon amour, finit-elle d'une voie brisée.

L'homme et la femme échangèrent un ultime baiser teinté de tristesse, mêlant les larmes de leur peine. À la fin d'un « notre mère », le coup de feu retenti dans la pièce vide. La Mère du Mal tomba à terre, sa robe blanche se maculant de rouge.

— Oh Ethan... Je vois... Notre Seigneur...

L'homme sentit la vie quitter le corps de la femme qu'il avait juré de protéger. En même temps que la flamme de vie de la femme s'éteignait, le soleil illuminait peut à peut Londres à nouveaux.

Tout était enfin fini.

☽ ♱ ☾

Seigneur, suis-je maintenant à tes côtés ? M'as-tu enfin laissée entrer dans ta lumière ? Est-ce que tout le mal dont j'ai pu être le malheureux témoin n'est plus qu'un mauvais souvenir ? M'as-tu enfin sauvée des tourments de Lucifer et des griffes de Dracula ? Dis-moi Seigneur, vais-je enfin connaître la paix ? Mon âme peut-elle encore espérer une quelconque rédemption ?

Je n'osais pas ouvrir les yeux, ce que je sentais autour de moi me paraissait irréel. J'étais morte et je savais que le Paradis n'avait pas de place pour une âme damnée comme la mienne, pourtant, l'atmosphère qui régnait autour de moi n'avait rien d'hostile ou de malfaisant. En bougeant mes bras, je sentis que j'étais allongée dans des draps de soie. Une douce chaleur emplit la pièce et je me sentis comme sortie d'un sommeil paisible comme je n'en n'avais pas connu depuis des années. Depuis la disparition de Mina.

Mina. Ma douce Mina. Sommes-nous maintenant réunies en enfer ? Si l'on en croit les écrits de Dante, un long chemin nous y attend, mais comment se fait-il que je ressente ce sentiment de sérénité au plus profond de mon être ? Mon âme s'est-elle perdue dans les limbes, en attente du jugement dernier, là où ni l'Enfer, ni le Paradis n'aurait à s'en soucier ? Je me sens étrange tout à coup, comme si quelque chose n'allait pas.

J'osai enfin ouvrir les yeux pour observer ce qui m'entourait. J'étais allongée dans un lit baldaquin, la chambre était richement meublée et avait même une cheminée, mais aucun détail ne pouvait m'indiquer où je me trouvais. De l'autre côté de la pièce, les rideaux entrouverts me laissaient brièvement entrevoir l'extérieur. Je mis quelques minutes à pleinement retrouver l'usage de mon corps toujours en état de sommeil. Mes sens reprirent peu à peu leurs repères.

Je me sentais comme tout juste sortie d'un sommeil éternel. Un sommeil sans rêve, où seules les ténèbres semblaient avoir régné.

Arrivée devant la fenêtre, je fus éblouie d'une lumière blanche.

Blanche immaculée.

De la neige.

Oui, il neige.

Je ne me souvenais que du chaos qui régnait à Londres. De la Mort qui fauchait toutes les âmes sur son passage. La honte me gagna lorsque je repensai à ma faiblesse. Je me étais donnée à Dracula, le laissant me faire sienne, laissant ainsi le mal s'abattre sur le monde. Etait-ce donc le dessein que Dieu avait envisagé pour moi ? Mes prières avaient-elles donc été toutes vaines malgré ma foi ? Dieu ne m'avait-il en réalité jamais soutenue ou même écoutée ?