VI. « No more let live divide what death can join together. »

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– Victor Frankenstein


Les nuits qui ont suivi, l'Homme-Loup venait souvent rendre visite à la Mère du Mal. La hache de guerre avait été enterrée avec les vieux démons, laissant place au pardon. Ils passaient des heures à discuter autour d'un whiskey, rattrapant le temps perdu, se dévoilant leurs doutes, leurs craintes, les côtés encore noirs de leurs cœurs.

Par moment, les mots n'étaient plus suffisants, trop fades pour exprimer leurs pensées, leurs sentiments. Dans ses moments là, l'Homme-Loup et la Mère du Mal s'embrassaient, s'aimaient. Dans ces moments là, ils ne voyaient plus l'ombre de Lucifer planer au dessus d'eux, bien trop préoccupés par le sablier qui avait bientôt fini de s'écouler. Le présent n'était devenu qu'un mélange du passé pardonné et du futur incertain.

Leur rapprochement n'était pas passé inaperçu par Dracula. Il voyait leurs regards complices, leurs mains parfois se frôler. Il observé l'Homme-Loup et la Mère du Mal dans l'ombre, comme il l'avait déjà fait temps de fois, guettant le moment où il pourrait à nouveau briller dans les yeux de la Mère du Mal.

☽ ♱ ☾

Alexander avait abusé de l'hospitalité du Dr. Seward pendant quelques jours avant de partager avec nous la clé de la chute de Lucifer. Sir Malcolm était à présent à bout de nerfs devant la nonchalance feinte d'Alexander. Catriona avait passé les derniers jours à questionner Alexander sur toutes les vies qu'il avait vécue, après tout, il était un spécimen vivant de ses recherches. Quant à Seward, elle écoutait sans rien dire leurs échanges historiques. Je la soupçonne d'être autant fasciné par Alexander que peut l'être Catriona. Pour ce qui est d'Ethan, à aucun moment il ne cachait son mépris pour le nouveau venu. Il l'évité autant que possible, mais il arrivait à contenir sa rage lorsque nous étions obligé de l'écouter, comme à présent.

— Bien, il est temps de parler secrets de famille, si je ne m'abuse. Pour commencer, sachez que venir à bout de Lucifer ne sera pas mince affaire. Certain d'entre vous pourrez très bien y laisser la vie, dit Alexander en sondant chaque personne du regard.

— Venez-en aux faits, je vous prie, s'impatienta Seward.

— Très bien. Pour commencer il va nous falloir du sang. Beaucoup de sang.

— Ça ne devrait pas être bien compliqué à trouver. Vous savez où nous en procurer, Sir Malcolm ? Dit calmement Ethan les bras croisés, en retrait.

— On ne peut pas prendre n'importe quel sang, s'indigna Alexander, reportant ensuite son regard sur moi. Il nous faut celui de Vanessa.

Un lourd silence tomba dans la pièce. Tout le monde était sur ses gardes, pensant à un piège de la part d'Alexander. Celui-ci ne s'en formalisa pas et tenta d'éclaircir ses propos.

— Ne tirez pas de conclusions trop hâtives, je vous prie. Le sang ne sera pas pour mon usage. Vanessa n'est pas une personne comme les autres, elle est spéciale. Pour Lucifer, avoir en lui le sang de Vanessa à dose raisonnable peu lui donner plus de pouvoir sur terre. Mais en trop grande quantité, le véhicule humain se retrouvera en surcharge de forces et s'affaiblira, dit Alexander sur un ton d'évidence.

— Et comment allons-nous convaincre Lucifer d'ingurgiter autant de sang s'il sait que ça peut va le rendre faible ? Vous-y avez pensé à cela ? S'énerva Ethan.

— Pendant que vous retenez les démons de Lucifer - parce qu'il y en aura, croyez-moi – je me chargerai d'immobiliser Lucifer et Vanessa n'aura plus qu'a s'entailler son ravissant poignet pour faire boire la bête. Une fois affaibli, je pourrais exorciser son âme avec une puissante incantation en Verbis Diablo. J'en sortirai affaibli pendant quelques temps, mais vous pourrez ensuite vivre heureux, que quoi ceci ne dépend cette fois que de vous. Expliqua Alexander d'un air las.

— Je croyais que le Verbis Diablo était une langue morte uniquement parlée par les sorcières averties et Lucifer, qu'est-ce qui nous prouve que ce n'est pas, encore une fois, un piège ? Demanda Ethan, provocant Alexander.

— Je suppose que l'on peut appeler ça un langage de famille ? Et puis, au cas où cette éventualité ne vous aurez pas effleurée l'esprit, Lucifer ne peut être éliminer que par son égal, donc par définition : moi. Et j'ai toutes les raisons du monde à vouloir éradiquer mon cher frère. À commencer par le fait qu'il désire Vanessa tout autant que moi, et je ne suis pas très partageur.

Alexander lança un regard chargé de sous-entendus à Ethan. Les deux hommes s'affronte du regard un instant. Sentant la tension monter dangereusement, je décide de rapporter leur attention sur le sujet avant qu'ils ne se sautent à la gorge.

— Et si tout ne se passe pas comme prévu ? Que pourrons-nous faire ? Demandais-je, rapportant l'attention d'Alexander sur moi.

Il me fixa intensément, pesant ses mots avant de les prononcer. Son regard me faisait comprendre que l'échec n'était tout simplement pas envisageable.

« Je suis le seul à pouvoir te sauver.» Je sentais à présent le « mais » qui se cachait dans cette affirmation. Une ombre planait aussi au dessus de cette phrase. Je me rends compte qu'Alexander n'est pas si différent d'Ethan. Tous deux sont des créatures de la nuit, l'un répondant à l'appel du sang, l'autre à l'appel de la Lune. Tous deux souhaitaient m'avoir à leur côté, me protéger, m'aimer.

J'aime Ethan, mais je suis obligée d'admettre que j'aime Alexander, ou du moins, j'ai aimé l'homme qu'il était. Je pense qu'il m'a laissé voir l'homme au dessus de la bête. L'homme blessé qui a été chassé de chez lui, voilà maintenant bien des années.

— Si nous échouons, dit prudemment Alexander, fuyait aussi vite que possible. Il ne faut surtout pas que tu laisses Lucifer te posséder Vanessa, tu me comprends ? Ajouta-t-il d'un air grave.

Oui, je comprenais. Si Lucifer parvenait à me posséder, ce serait la fin de tout. Il n'y aurait plus rien à faire, plus personne ne pourra être sauvée. Nous allons bientôt boucher notre but. La fin est aussi proche qu'incertaine. Je regarde les personnes autour de moi. Sir Malcolm, Catriona, le Dr. Seward, Ethan et Alexander. Oui, il de forte chance pour que ne n'en sortions pas tous vivant.

Je repense à Joan Clayton, la Cut-Wife. Elle m'a enseigné beaucoup de chose, ma mise en garde contre le danger. Cette femme avait vécue bien des vies. Elle avait choisi d'arrêter de servir Lucifer, lui rendant sa jeunesse éternelle et une partie de son pouvoir pour mener une vie de paria parmi les humains. Son choix avait fini par la conduire à sa perte. Trahie par ses anciennes sœurs, elle avait été brulée vive sous mes yeux pendant que je me faisais marquer au fer rouge du signe de Dieu.

Je repense à cette phrase qu'elle m'avait dit un jour : « Quand Lucifer tombe, il ne tombe jamais seul. ».

Si cela est vrai, tout ce que je souhaite, c'est que Lucifer tombe en entrainant toutes les créatures de la nuit avec lui dans sa chute, ne laissant ainsi place qu'à la lumière.

PENNY DREADFUL - LE SANG DU SCORPIONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant