Werewolf

Chapitre X

Davy ouvrit la porte. Nous nous retrouvâmes dans un grand vestibule, décoré à la manière des temples grecs. Un autel en bois surmonté d'une statue de la déesse agenouillée et brandissant un croissant de lune dans ses mains levées se tenait contre un mur, entouré de milliers de cierges . Un grand lustre en cristal projetait une lumière fantomatique dans la pièce plongée dans la pénombre. Je passai une grande porte ornée d'anneaux dorés, mon ami sur les talons. Nous nous trouvions à présent dans une grande pièce aux murs tapissés de velours noir. Au milieux, il y avait un cercle, composé de milliers de petites bougies fixées dans des pots roses, pareilles à celles que l'on achetait dans les supers marchés. Elles projetaient une faible lumière sur les chaises en bois sculpté qui les entouraient ainsi que sur plusieurs adolescents, presque tous en dernière année, qui riaient et discutaient calmement. Je notai qu'ils portaient tous une chaîne en argent, où pendait la fine silhouette de Nyx.

-Alena! Te voici!

Je reconnus le ton faux de Mia sur le champ. Elle portait une longue robe noire, incrustée de perles scintillantes et ses cheveux détachés l'enveloppaient comme un voile. A son cou, elle portait un collier identique à celui de Pandéia, mis à part qu'il était garni d'onyx et non de grenats.

-Davy, je te remercie d'avoir guidé Alena. Je prends le relais, annonça-t-elle.

-Non. Alena est mon amie, je reste avec elle, insista Davy.

-Ah oui? fit Mia en arquant les sourcils.

Elle posa une main manucurée sur l'avant bras de mon compagnon, les narines légèrement retroussées. Son visage, froid et figé me flanqua des frissons. Il baissa le regard, retira son bras et s'éloigna, penaud, après m'avoir adressé un sourire triste.

-Voilà qui est mieux! s'exclama-t-elle en posant ses mains sur ses hanches.

Son regard méprisant détailla ma tenue et elle esquissa une petite grimace. Elle soupira puis me fit signe de la suivre dans une annexe à l'écart. Là, elle attrapa une robe noire, ainsi qu'une paire de ballerines assorties.

-Il faut que tu dépêches! Le rituel commence dans dix minutes! Non mais, sérieux, tu aurais pas pu prendre une tenue de rechange? me réprimanda l'adolescente.

-Désolée, je n'ai pas un dressing portatif, dis-je en lui adressant mon sourire le plus hypocrite.

-Ha, ha, ha! Très drôle! Grouille toi au lieu de dire des conneries! lança-t-elle avant de sortir.

Je me déshabillai rapidement et enfilai la robe. Taillée dans un tissu doux et assez moulant, elle avait des manches trois-quart et un décolleté assez avantageux, ce qui me dérangeait un peu. De minuscules perles ornaient l'ourlet, qui m'arrivait aux pieds.  J'enfilai les ballerines, passai une main dans mes cheveux puis retournai dans la pièce. Au loin, je vis Davy me fixer, ébahi. Je sentis le rouge me monter rapidement aux joues, je détournai le regard vivement. Une fille me donna une petite tape sur l'épaule avant de sourire. Même si son sourire était hypocrite, elle au moins faisait l'effort de venir me parler. Ses cheveux corbeaux étaient retenus par une multitude d'épingles à cheveux et un anneau argent contrastait sur ses lèvres rouge sang. Son maquillage, totalement noir, faisait ressortir ses yeux clairs, aussi froid que de la glace.

Waouh, une gothique dans toute sa splendeur, souffla ma conscience, ironique.

J'éclatai de rire: pour une fois que j'étais d'accord avec elle! La fille me jeta un regard surpris, l'air de se demander si j'étais folle ou si je faisais exprès d'être aussi débile. Je réprimai mon rire pour le transformer en un simple sourire. Elle haussa les épaules et se dirigea à grands pas vers le buffet, situé quelques mètres plus loin.

-Au fait, je m'appelle Alone. Tu es Alena, c'est ça? demanda-t-elle en ralentissant la cadence, histoire que je puisse la suivre.

-Ouais, je suis arrivée il y a deux jours, marmonnai-je.

Elle me fit signe de ne pas aller plus loin en fronçant le front, ce qui plissa ses tatouages tribaux.

-Au pire, tu sais quoi? On s'en fout un peu. La seule à savoir ici, c'est que cette école est cool parce que moi et Mia sommes cools.

Ça alors! Parce qu'elle se la racontait en plus? Je serrai les poings, sentant mes ongles durs s'enfoncer dans mes chairs. J'inspirai profondément, avant de demander:

-Et sinon, c'est quoi ton pouvoir?

Alone esquissa un grand sourire, heureuse de pouvoir parler d'elle.

-Je peux me rendre invisible. Mia, elle, est une grande médium, annonça-t-elle.

Je ne dis plus rien. De toutes façons, qu'aurais-je pu ajouter, si ce n'est que ces dons étaient assez surprenants? Alone attrapa un verre à pieds, le remplit d'un liquide douteux, ajouta un peu de jus d'un citron et me le tendit. Je pris le verre: ça ne servait à rien de me la mettre à dos. Je bus une gorgée. Le liquide me brûla la gorge avant de se répandre dans mon corps entier. Je fus prise d'une horrible quinte de toux qui me secoua violemment.

-Déesse! C'est dégueulasse ce truc! C'est quoi? voulus-je savoir entre deux quintes.

-De la tequila.

-Quoi? C'est une blague j'espère?

Je scrutai son visage, à la recherche d'un indice qui aurait pu me montrer que c'était une blague, en vain. Son beau visage pâle resta impassible.

-Ho, ça va, détends toi! C'est rien! Et puis les profs savent même pas qu'on boit! Enfin, bref, tu as intérêt à  tenir ta langue, compris Sheldon? fit-elle, menaçante.

-J'aurais pas pu demander mieux, marmonnai-je, le regard visé au verre.

Je cherchai du regard un verre d'eau, pour me débarrasser de cet gout amer, mais je me rendis compte qu'il n'y avait que de l'alcool ici. Je soupirai: le rituel s'annonçait beaucoup plus long que prévu...Je pris une bière à la framboise, chose qui ne me ressemblait vraiment pas. Au moins, le gout amer avait enfin disparu. Je m'installai sur une chaise, les jambes en coton. Une musique tribal, la même que Pandéia avait utilisé, résonna dans la pièce. Les élèves encore debout s'assirent avec fracas. Alone se laissa tomber à côté de moi, une bouteille de tequila à la main. Mia entra dans le cercle, bientôt rejointe par cinq autres élèves. L'incantation, quoique recherchée, était une pâle copie de celle de Pandéia, mais je ressentis la même caresse lors de l'invocation de l'esprit. Je relevai les yeux et croisai le regard de Davy, qui se fit plus insistant cette fois. Je lui fis un petit signe de la main, un peu mal à l'aise et croisai les bras autour de ma poitrine, de façon à ce que les garçons de dernière année arrêtent de me lorgner. Je jetai un coup d'œil rapide à côté de moi. Étrange... Alone n'était plus à sa place.

"Elle doit être partie aux toilettes" pensai-je.

Un immense fracas résonna soudain. Je me couvris les oreilles l'espace d'un instant, afin de recouvrer mon ouïe petit à petit. Tous les élèves présent, y compris Mia, se ruèrent en direction du vestibule. Je me levain à mon tour difficilement. Je commençai à avoir la tête qui tournai et l'esprit embrumé. Je m'agrippai à une chaise en inspirant profondément puis me précipitai dans le vestibule. Je me frayai un chemin à travers les élèves hystériques, et poussai un cri horrifié en découvrant ce qu'observaient les adolescents: l'autel de la déesse avait était entièrement saccagé. Sa statue brisée gisait tristement au sol entourée de cire fondue. Sur le mur étaient tagués en rouge les mots suivants:

"ceci n'est qu'un début! Fuyez !"

Ma vue se brouilla. C'en était trop pour cette soirée. J'avais besoin de prendre l'air, et tout de suite. Je bousculai un groupe de filles en vacillant dangereusement. Les portes du bâtiment claquèrent derrière dans un bruit sourd. Je m'enfonçai dans la nuit, réprimant d'horribles haut-le-cœur. Je m'écroulai sur un banc du parc, un peu à l'écart de tous les autres, relevai mes cheveux tant bien que mal avant de vomir toutes mes tripes.