Chapitre XXVIII

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Pandéia sortit de l'ombre s'avança jusqu'à l'arbre. Les rares élèves qui étaient restés- et dont j'avais totalement oublié la présence- s'empressèrent de saluer la prêtresse. Depuis combien de temps nous observait-elle, tapie dans l'ombre? Son regard se posa sur Mia, qui blêmit et commençait à suffoquer.

-Pandéia? Que faites-vous là? demanda-t-elle d'une voix étranglée.

-Quelqu'un m'a prévenue, voilà tout, répartit la prêtresse d'une voix aussi douce que cassante.

Son regard bleuté dériva sur le groupe d'adolescents, qui retinrent tous leur souffle. On aurait dit qu'elle cherchait quelqu'un en particulier, mais qui? A cet instant, une adolescente, le visage dissimulé sous sa cape, s'avança d'un pas nerveux, et leva la main. Elle repoussa ensuite sa cape, qui tomba au sol avec un bruit feutré.

-C'est moi qui aie prévenu Pandéia, Mia, annonça-t-elle.

Elle pivota légèrement sur le côté. Je crus que ma mâchoire allait se décrocher, tant la surprise était grande. Il s'agissait d'Alone. Alors, tout s'assembla dans mon esprit: voilà pourquoi elle était si nerveuse!

-Je savais très bien que cela faisait des années que Mia n'avait pas invoqué d'esprits. Mais jamais je n'aurais pensé à ça, continua la jeune fille.

Le cri strident de Mia déchira la nuit. Elle pointa un doigt rageur sur son amie et dit:

-Comment as-tu osé? Je croyais que tu étais mon amie! Je vais t'arracher les yeux, et te les faire avaler!

Elle se rua sur Alone, mais avant qu'elle n'ait pu faire quoi que ce soit, la prêtresse leva un bras autoritaire et Mia se stoppa, comme si elle avait heurté un mur en béton armé.

-Assez, Mlle Miller! Calmez-vous immédiatement! ordonna Pandéia.

La jeune fille frémit doucement mais obéit. Elle baissa la tête, vaincue, les poings serrés.

-Je suis aussi responsable que toi de ce qui s'est passé cette nuit, continua-t-elle. Depuis longtemps, j'ai conscience de ton égoïsme, mais j'ai fermé les yeux, pensant que l'enseignement et l'influence de Nyx te guideraient. J'ai eu plus que tort. Mia, je te démets officiellement de ta fonction de dirigeante des Enfants de l'Obscurité. Par conséquent, tu es aussi exclue de la formation de prêtresse. A partir de cette nuit, tu n'es qu'une simple élève. Rien de plus.

D'un geste rapide, Pandéia attrapa le collier d'onyx qui pendait entre les seins de Mia et l'arracha. Celle-ci ne dit pas un mot, les lèvres pincées, le visage blême, fixant la prêtresse d'un regard vide. Lui tournant le dos, Pandéia s'approcha de moi, un sourire aux lèvres.

-J'ai su que tu étais unique le jour-même de ton arrivée ici.

Elle me sourit de plus belle et releva mes cheveux, afin d'observer mes tatouages.

-Extraordinaire..., souffla-t-elle. Aujourd'hui, tu nous as prouvé que Nyx a fait preuve de grande sagesse en t'offrant l'Esprit. Grâce à ce don, et à ta compassion, tu as mérité la place de dirigeante des Enfants de l'Obscurité, et de prêtresse en formation.

Pandéia m'accrocha le lourd collier autour du cou et murmura:

-Je suis sûre que tu en feras meilleur usage que celle qui t'as précédée.

Puis elle me fit avancer jusqu'à l'arbre et n'annonça d'une voix joyeuse:

-Veuillez accueillir comme il se doit la nouvelle dirigeante des Enfants de l'Obscurité!

Elle fit alors un geste incroyable: Pandéia, prêtresse de Nyx, me salua, le poing sur le cœur, la tête doucement inclinée. Tout le monde l'imita, sauf Mia, bien sûr. Des larmes de joie brouillèrent ma vue lorsque mes amis s'inclinèrent à leur tour et me sourirent.

-Retourne à l'école, je m'occupe de tout, dit Pandéia en me serrant dans ses bras. Je suis fière de toi.

Je fendis l'attroupement d'élèves et mes amis me serrèrent dans leurs bras à m'étouffer. J'eus l'impression d'être emportée par une vague de rires et de félicitations. J'avais beau sourire à tous mes nouveaux "amis", je n'étais pas dupe. Ils avaient approuvé tout ce que disait Mia à peine une heure plus tôt. Il faudrait du temps pour changer tout ceci.  Lorsque nous arrivâmes à l'orée de la forêt, je leur fis signe de me devancer. Quand vin enfin le tour d'Ewa, Éline, Destiny, Axel et Davy, je leur murmurai:

-Non, restez avec moi.

Ils m'entourèrent encore une fois, l'air heureux. Je croisai alors le regard brillant de ma meilleure amie.

-Comment avez vous fait pour savoir que j'étais ici? demandai-je.

Ewa sourit et dit:

-Disons qu'après que tu sois partie, celui qui te sert d'Âme Sœur n'a pas arrêté de plomber l'ambiance, soit disant parce-qu'il un mauvais pressentiment. En fait, on a bien fait de l'écouter.

-Vous voyez bien que je suis parfait! s'écria le principal intéressée.  

Il s'avança encore plus de moi et m'embrassa avec fougue, si fort que la tête me tourna légèrement.

-S'il vous plait, un peu de tenue! plaisanta Destiny.

-Ouais, il y a des chambres pour ça! renchérit Éline.

Ewa et Axel se contentèrent de hausser les épaules, mais je souris en découvrant qu'il avait passé un bras autour de sa taille.

Soudain, Mia sortit de l'ombre. Agacée, je fis signe à mes amis de rester avec moi.

-J'espère que tu es fière de toi! Tu m'as tout volé!

-Je n'ai rien "volé", je voulais juste bien faire.

Elle s'essuya rageusement le visage et je me rendis compte qu'elle pleurait. En voyant mon visage prendre une forme de compassion, elle leva une main et s'exclama:

-Stop! J'ai déjà été humiliée, je ne veux pas de ta pitié!

Elle releva la tête, rejeta ses longs cheveux en arrière et nous dépassa avec le port d'une reine. Axel secoua la tête et pouffa:

-Déesse! Cette fille est vraiment cinglée!

Nous acquiesçâmes tous et pouffâmes à notre tour. Puis nous nous dirigeâmes vers le sentier qui menait à l'école. A cet instant, les rayons lunaires, jusqu'ici dissimulés par les feuilles des arbres se firent plus intenses, plus vifs, plus lumineux. Alors la voix de Nyx, antique personnification de la nuit, se fit entendre dans la forêt:

Je suis fière de vous, mes enfants. Que vos précieuses âmes soient bénies pour l'éternité.


FIN

WerewolfOù les histoires vivent. Découvrez maintenant