21 mars, Aura bruxelloise

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" Bruxelles, ma belle. Je te rejoins bientôt. Tu vas me revoir mademoiselle Bruxelles. Mais je ne serai plus tel que tu m'as connu. Je serai abattu, courbatu, combattu. "

- Dick Annegarn


 " Prochain arrêt: Bruxelles-Midi... Volgende halte is Brussels-Zuid."

Le train s'arrêta brusquement. 

Les portes s'ouvrirent par une simple pression du bouton vert. Cela faisait presqu'un an que je n'étais pas allé dans le centre-ville de Bruxelles. L'odeur de la pisse me prit au nez. Je grimaçai le temps de me réhabituer à cette caractéristique ferroviaire de la grande gare. La foule me guida vers les escaliers des quais afin d'atteindre le complexe de la Gare de Bruxelles-Midi.

Je cherchais l'entrée du métro des yeux. Je connaissais bien cette Gare mais la localisation du métro m'échappait à chaque fois et pourtant la ligne 6 qu'y est desservie, je la connais par cœur (tout comme les lignes ferroviaires). Aller savoir. Le cerveau est un des plus grands mystères. Je remerciais silencieusement les panneaux indicatifs.

Je me raidis en serrant la sangle de mon sac à dos. Il y avait une flopée de militaires armés qui se baladait dans les couloirs du complexe. Ils étaient détendus, pas moi. Ce n'était pas la première fois que j'en voyais dans des gares mais cela fit me rendre compte où j'étais et où, comment et pourquoi j'y allais. 

Je fis semblant que leur présence ne me gênait pas et qu'elle me rassurait. Ce n'était qu'une façade trop rapidement créée pour être prise au sérieux. Je me dépêchais de descendre l'escalator ultra raide pour m'engager dans la station de métro. Je ne devais relever qu'un ticket au distributeur. Je ne devais que noter la référence du ticket pour l'imprimer. Mais bon dieu, qu'est ce que c'est con en y repensant.

Pourtant...

Devant le distributeur, je me sentais partir. Mes mains tremblaient. Je n'arrivais pas à taper les huit chiffres sur le clavier. 

Paniqué ? 

Stressé ? 

Chute de tension ? 

Hypoglycémie ? 

Je ne le saurai jamais mais la sensation d'insécurité, même à 11 heures 18, était présente en moi. Le silence et le peu de personnes errantes m'avaient chamboulé. J'étais mal à l'aise. Le cliché de cette sensation d'insécurité commençait ''normalement'' en cours de soirée, on se sent moins confiant en ville lors de la nuit tombée et à Bruxelles, c'était l'inverse. 

Avec un effort extrême, je réussis à taper les huit chiffres, je pris le ticket de transport et je l'enfuis dans ma poche. Je sentis la respiration s'accélérer brutalement. Je n'avais pas compris, sur le moment, ce qu'il se passait en moi. Je n'avais même pas remarqué que j'avais déjà remonté l'escalator. Les soldats, accompagnés de policiers de chemin de fer, étaient toujours dans les alentours. Je m'empressai de sortir de cette Gare. 

A peine passé les deux portes automatiques, l'odeur des gaz d'échappement et de la pollution me vinrent au nez. Le vent frais me frappait au visage. Je fermais les yeux et expirait tout l'air qu'il y avait dans mon corps. Mes mains tremblaient dans les poches. Il fallait que je me calme. Il ne s'était rien passé. J'avais déjà subi de pires...ambiances. 

Oui, c'est ça. 

L'ambiance. 

L'ambiance matinale bruxelloise était pesante, électrique, négative et lourde. Je ne l'avais absolument pas remarqué, sur le coup. Cette atmosphère s'était apaisée et détendue durant l'après-midi et surtout durant la soirée. Je m'étais persuadé que tout irait bien même avec les commémorations des attentats se rapprochant dangereusement. La journée s'était bien déroulée malgré une pression et un stress quasi-permanents. 

Dieu, qu'est-ce qu'il s'était passé cette matinée là? 

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