Déjà une heure qu'il marchait sous ce soleil de plomb. La chaleur était écrasante en cette journée. Ses pas étaient pesants, soulevant régulièrement la poussière et le sable qui bordait la route. A chaque fois qu'une voiture passait à ses côtés, il était enveloppé d'un tourbillon sale qui le faisait tousser pendant de longues minutes. Les yeux plissés, la gorge desséchée, les heures de marche lui paraissaient interminables. Son cerveau était embrumé par la température cuisante et le trop-plein de lumière. C'est à peine s'il avait levé la tête au passage des avions au-dessus du centre de recherches, il y a quelques minutes. Sur quoi travaillent les gens ici, se demanda-t-il ? Bien trop fatigué pour réfléchir, il continua sa lente progression, ses jambes se faisant de plus en plus lourdes, ses pieds à vif.
Pourquoi s'infliger tout ça ? Pourquoi marcher autant ? Et dans quel but ? Ces questions s'entrechoquaient dans sa tête à mesure qu'il dépassait le panneau d'entrée de la ville. Le jour commençait à baisser et le vent soulevait ses longs cheveux blonds. Les quelques personnes qu'il croisa ne lui accordèrent même pas un regard, trop occupées à fuir la chaleur étouffante. Il s'arrêta quelques instants devant une cafétéria bondée, qui avait sûrement la climatisation. Qu'est-ce que je donnerais pour être au frais. A cette pensée, il se rappela qu'il ne devait surtout pas abandonner. Ou tout s'arrêterait. Or il avait déjà parcouru tellement de distance. C'est pas le moment de baisser les bras, pensa-t-il. Jetant un dernier regard aux familles attablées à l'intérieur, il reprit son chemin.
" Hey ! Ça va ? "
Il fut surpris d'entendre quelqu'un parler. Il tourna la tête vers le pick-up qui roulait à faible allure à ses côtés. Le conducteur, un vieux métis à la barbe fournie, le fixait d'un air inquiet.
" Oh ! Jeune homme ! Vous êtes sûr que ça va ? réitéra-t-il.
- Oui ça va, merci, répondit le principal intéressé.
- Vous marchez depuis combien de temps ?
- Longtemps... Je ne sais plus.
- Bon, montez, j'vais vous conduire chez une amie, vous pourrez passer la nuit tranquille comme ça. "
Sans plus un mot, le jeune homme s'assit à l'arrière, devant ce qui semblait être une machine à laver. Appuyé contre le hayon, il laissa la fraîcheur du soir tombant relaxer ses muscles endoloris. La dernière image qu'il vit fut le feu passant au vert à un carrefour. Le soleil était une boule ardente à l'horizon.
Lorsqu'il ouvrit les yeux, la nuit était totale. Et merde, j'ai dû perdre du temps. Pourvu qu'il ne soit pas trop tard. Il se leva, sortit de la chambre dans laquelle il était étendu. Sans faire attention à son environnement, il butta dans un petit robot de nettoyage et failli tomber. Reprenant ses esprits, il se dirigea vers la réception du motel. Il demanda à la réceptionniste où était passé l'homme qui l'avait amené. Elle lui indiqua la sortie, précisant qu'il était sûrement sur le parking désert, en train de fumer avec un autre homme. Le jeune homme hocha la tête et sortit.
La fournaise de la journée avait laissé la place à une brise froide. Le ciel dégagé permettait de distingué les étoiles. Secouant la tête et enfonçant ses mains dans ses poches, le garçon se dirigea vers le pick-up garé un peu plus loin. Le vieil homme fumait et riait avec un ami, qui lui racontait probablement ses anecdotes les plus croustillantes. Lorsque le jeune homme fut tout proche, le métis tourna la tête et sourit.
" Alors, vous vous sentez mieux ? " demanda-t-il.
Il n'obtint pas de réponse. Juste un regard. Puis il observa bouche bée le garçon s'élever progressivement dans les airs. Son ami à ses côtés laissa tomber sa cigarette et en leva sa casquette, ne sachant visiblement pas comment réagir. Quelques secondes plus tard, le gamin avait disparu.
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Histoires en vrac
Short StoryAu hasard d'une journée, d'une heure, d'un instant... Créations courtes, originales (j'essaie), à suivre ou non. Faites bon voyage dans les méandres de l'imagination humaine !