Texte 4

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Voici le texte de Calicef:


Tout avait si bien commencé...

Elisa avait le sourire aux lèvres, ce jour-là, lorsqu'elle rentra chez elle après sa longue journée de travail. Son répondeur téléphonique clignotait l'avertissant de la présence d'un message. Elle enfila une tenue confortable et s'installa pour écouter l'annonce. En entendant les premiers mots, Elisa pâlit. C'était sa mère qui ne l'avait pas contactée depuis plusieurs années. Au fur et à mesure qu'elle écoutait, des phénomènes incontrôlables surgissaient en elle.

Eole soufflait de toutes ses forces. La brise légère s'était mue en des vents d'une violence inouïe. Un souffle torride balayait tout sur son trajet. Les Titans avaient été convoqués par le Dieu du vent et entamaient un raffut assourdissant. Des pluies diluviennes inondaient tout sur leur passage. La mer était dévastatrice. Des vagues de plusieurs mètres de hauteur s'étaient formées et se fracassaient en déposant une large et épaisse écume. La houle était à son paroxysme. Des éclairs zébraient le ciel qui avait pris une teinte orageuse, un gris électrique. Les perturbations météorologiques qui parcouraient son organisme étaient cataclysmiques. Un cyclone venait de naître et l'œil du cyclone, c'était Elisa elle-même.

Elle se mit à la recherche de son journal intime. Dans sa rage, elle renversa un vase qui se brisa sur le sol et s'éparpilla comme un puzzle mais Elisa n'y prêta aucune attention. Elle commença à écrire. Ses traits de plume étaient rapides, secs et appuyés. Ils déchiraient presque le papier. Sa mère par son message laconique avait ravivé des souffrances qu'elle avaient tenté d'enfouir au plus profond de son être pendant toutes ces années. La douleur l'envahissait. Elle se mit à écrire à la vie, ce qu'elle pensait de sa vie. Elle commença par chère vie puis elle se ravisa. Chère était un terme mal approprié car la vie lui avait apporté beaucoup de malheur. On a rarement la vie qu'on s'était imaginée, poursuivit-elle. Enfant, je pensais que je n'atteindrais jamais l'âge adulte tant ma souffrance était immense. A ma majorité, je me suis étonnée en me disant: <<Tiens, tu es encore vivante?>>. Je n'ai pas eu le droit à l'insouciance de l'enfance. Cette enfance m'a été volée. J'étais trop sage pour mon âge et très mûre, un adulte en miniature. C'est une vie épuisante et ingrate à laquelle j'ai eu le droit. Ma vie n'a pas été un long fleuve tranquille. Je n'ai pas tiré le bon numéro à la tombola de la vie. A commencer par ma date de naissance, c'est quasiment un poisson d'avril! Naître un 27 septembre, le jour de la St Vincent de Paul! Au moment où j'ai poussé mon tout premier cri, mon destin était déjà écrit! Vous m'avez bien fait regretter, vous mes <<parents>>, d'être née vivante. Mais je n'ai été qu'une morte-vivante. Et vous m'avez rejetée car votre culpabilité vous insupportait et vous rongeait.

Je sais, la vie, je m'adresse à toi comme si j'étais au bord de ma tombe. J'ai souvent cette impression d'ailleurs et je me pose régulièrement la question:<<A quand le répit? A quand le repos éternel bien mérité?>>. La mort ne me fait plus peur. J'ai déjà tout perdu. Je suis un être que tu as complètement brisé, sur lequel tu t'es acharné.
Qu'avais-je fait pour mériter un tel traitement? Il n'y a sans doute pas de réponse à cette ultime interrogation. Sache que je ne te regretterai pas quand viendra mon dernier soupir. Ne t'attends pas à un remerciement de ma part. Je t'adresse mes plus tristes salutations. Fut son amère conclusion.

Elisa se mit ensuite à écrire en s'adressant à son frère qu'elle adorait mais dont elle n'avait plus de signe depuis tant d'années. Elle avait encore en mémoire le dernier courrier qu'il lui avait adressé avant de disparaître de sa vie. Il lui disait combien il était fier de ce qu'il était devenu grâce à elle. <<Faites en sorte que l'enfant que vous étiez n'ait pas à rougir de l'adulte que vous êtes aujourd'hui>> Lui cita t-elle en exergue. Non, à 24 ans, tu n'es pas devenu, tu es en devenir. Sais-tu ce que tu es aujourd'hui? Pardonne-moi pour ces mots si violents mais ils reflètent ma pensée et tu me connais bien, je ne suis pas une hypocrite, tu es un monstre d'égoïsme et d'ingratitude. Tu disais que tu serais toujours présent pour moi et où es-tu aujourd'hui? Où te caches-tu depuis toutes ces longues années? Quel mal t'ai-je fait pour que tu m'abandonnes ainsi? J'aurais donné ma vie sans hésiter si ça avait pu sauver la tienne tant je t'aimais, mon petit frère, mon frérot.

Le message suivant fut pour sa dernière amie qui elle aussi avait déserté sa vie. Quand tu as pris ton agenda et as noté que tu passerais me voir le 31 octobre, tu aurais dû me préciser en quelle année car j'attends toujours ta venue à chaque Halloween qui passe!

Elle pensa alors à toutes ses amies qui étaient parties beaucoup trop tôt, ses véritables amies qui lui avaient été arrachées par la vie et s'effondra en larmes. Elle pleura ainsi pendant des heures sanglotant de toute son âme et de tout son cœur qui n'étaient plus que miettes. Son chagrin était inextinguible. Elle se remémora un passage de <<l'écume des jours>> qui traduisait parfaitement son ressenti, livre qu'elle ne se lassait de lire tant il faisait émerger d'émotions en elle. <<A l'endroit où les fleuves se jettent dans la mer il se forme une barrière difficile à franchir et de grands remous écumeux où dansent les épaves. Entre la nuit du dehors et la lumière de la lampe, les souvenirs refluaient de l'obscurité, se heurtaient à la clarté et, tantôt immergés, tantôt apparents, montraient leurs ventres blancs et leurs dos argentés.>>.

Il avait suffi d'un court message d'une personne qui était devenue une inconnue pour elle pour faire remonter à la surface toutes ses blessures anciennes qu'elle pensait cicatrisées avec le temps. Mais lorsqu'on a autant souffert, tout ce qu'on a réussi au mieux, c'est mettre un plâtre sur une jambe de bois. Elle qui pensait avoir fait le ménage dans sa vie... La mémoire des maux est ineffaçable et demeure ancrée en vous jusqu'à votre dernier souffle.

<<Chante, déesse, la colère d'Achille, fils de Pélée; détestable colère qui aux Achéens valut des souffrances sans nombre et jeta en pâture à Hadès tant d'âmes fières de héros, tandis que de ces héros-mêmes, elle faisait la proie des chiens et de tous les oiseaux du ciel, pour l'achèvement du dessein de Zeus.>> Odyssée. Chant I, vers 1-5


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PS: c'es moi qui ai mis les mots clef en gras

Concours d'écritureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant