Part.1

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Lundi 1er septembre.

Je suis assis à la place du mort, et par les vitres sales de la voiture de Jim, les paysages d'été filent à toute vitesse.
"J'ai aucune envie d'y aller."
Mes paroles résonnent d'un son vide et plat, parce que je suis encore bourré.
Jim mâchonne nerveusement un cure dent comme un malpropre, et l'air frais fait voler ses boucles blondes aplaties.
"Mec. Personne n'a voulu de ça. De cette merde. Se lever le matin à huit heures pour débarquer au lycée après deux mois consécutifs de bonheur et de cuites à la pelle n'a rien de voulu."
Sam, à l'arrière, se met à souffler. Il est le plus explosé de nous trois. Et dieu sait que ça se voit.
J'espère pour lui que le principal ne verra et ne dira rien.
Jim se gare brusquement, et dans un créneau parfait, il assène:
"À cette année."
Ce pauvre con a ramené de la vodka d'hier soir. Il nous tend le breuvage, dispersé dans sa gourde en fer.
Je décline poliment l'offre, parce que si mon corps goûte encore à l'alcool, je vais m'effondrer par terre. Et sûrement faire un coma éthylique.
Je sors de la voiture, chancelant, les yeux se fermant tout seuls.
Ce qui est rassurant et confortant, c'est le fait que tout les élèves ont la même dégaine. Normal, ils étaient tous là hier soir.

Juste après avoir trouvé ma classe et récupéré mon numéro de casier, je m'assieds lourdement sur ma chaise.
Je sors mon téléphone.
En parcourant de mes doigts lourds de fatigue et pauvrement alimentés en sang les applications inexplorées de mon iPhone, je remarque une note que je n'avais jamais vue auparavant.
"C'est Violet qui t'écris.
Sous la lune de septembre tu t'es endormi
Et les traits bien dessinés
De ton visage d'ange ébloui
Rayonnent et font battre mon cœur fatigué
Et sous notre pleine lune blanchie
Je tombe, amoureuse et désespérée
Du garçon au sourire élargi
Du garçon aux doigts ensanglantés
Du garçon au cœur bleui
Par la vodka remplissant son gobelet bleuté
Et tout ceci
Est de toute beauté"
Je relis plusieurs fois le poème bancal, en me demandant si il était probable que je sois drogué.
Et au fil de mes réflexions, la main posée habilement autour de mon menton, je me souviens de cette fille à la silhouette floue et au regard fuyant.

La sonnerie retentit d'un bruit ahurissant. Je me rue dans les couloirs d'un pas pressant.
Je fais tomber la moitié de mes feuilles, et j'essaie en vain d'ouvrir ce putain de casier de mes mains tremblantes.
"Eh Eckman! T'es pressé?"
Foutu Jim!
"C'est quand que tu vas arrêter de m'appeler par mon vieux nom de famille? J'ai un putain de prénom, Jimmy.
-J'en sais rien. Ça te dérange tant que ça?
Il me fixe en se foutant de ma gueule grassement. Mes autres potes me regardent en rigolant aussi, sans rien piger.
-Merde, pourquoi je me ramasse toujours le casier à chier du lycée?
-Ethan, c'est quoi le problème?"
Je le regarde. J'ai le cœur qui bat vite et j'ai envie de revoir la Violet d'hier soir. J'ai les jambes qui me démangent parce que je sais que si je n'y vais pas maintenant, je pourrais tout rater, en une fraction de secondes.
Parce qu'une des choses qui m'a semblé évidente à propos de cette fille si spéciale au visage radieux et lumineux, c'est qu'elle est insaisissable. Même à côté d'elle, elle me filait entre les doigts.
Il faut que je coure, que je la rattrape, que je m'efforce d'attraper sa main douce et mise en lambeaux par les bouteilles brisées d'hier soir.
Sinon, elle disparaîtra, j'en suis sûr et certain.
"Une fille, Jim."
Il sourit de toutes ses dents, et il se met à rire.
"Développe?
-Je... Tu... Es ce que tu connais la fille d'hier soir? Celle qui...
-Celle avec laquelle t'es resté toute la soirée?"
Mon cœur loupe un battement. Putain Jim, si tu savais comme je veux la retrouver! Aide moi à retrouver ma Violet.
"Oui! Tu la connais?
-Ethan..."
Il se stoppe net. Je tourne la tête.

Et c'est qu'elle est belle. D'une beauté transperçante, elle s'avance, ses cheveux bruns malmenés par le vent.
Sa main blessée est bandée, soigneusement d'un tissu tâché de sang sec.
Violet porte ses livres pressés contre son sein, son corps enveloppé d'un grand polo bleu marine. Elle est d'une douceur singulière, et ses mouvements sont si fluides qu'il m'arrive de cligner des yeux pour vérifier que je ne rêve pas.
Elle rit, deux, trois fois. Et à chaque fois mon cœur exécute un soubresaut, secouant ma cage thoracique et animant ma respiration d'une émotion toute nouvelle.

VioletOù les histoires vivent. Découvrez maintenant