Part.2

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Le ciel est bleu pur et délavé de toutes merdes aujourd'hui. Il n'y a pas un seul nuage à l'horizon, et tout est azur à perte de vue.
Je trébuche parfois pieds nus sur les pierres du chemin, et je suis complètement perdu, le monde est flou, le monde a arrêté de tourner.
Parfois je manque d'oxygène et ma tête tourne à vive allure, et parfois je me redresse fièrement, droit face au chemin, et la musique dans mes oreilles a de nouveau du sens.
Je me mets souvent à courir sur le sentier de terre battue, parce que je suis tellement en retard. Mais souvent, une voix dans ma tête hurle d'une voix suave et séduisante que le temps n'existe pas, que l'heure est désuète et dépourvue de sens.
Mes amis sont derrière, traînant les vélos aux pneus crevés laissant de la poussière âcre et brune sur leur passage.
Je suis encore complètement défoncé, la tête qui envoie comme des ondes de douleur à travers ma boîte crânienne. Mon visage est trop irrigué en sang, il est brûlant et la fièvre de l'alcool fait battre mes lèvres à une cadence inhabituelle.
Nos rires résonnent dans la campagne vide  et ensoleillée.
Et j'ai beau réfléchir du mieux que je peux, mon esprit malade et fatigué n'arrive pas à trouver un son plus heureux que le rire. Non, il n'a rien de plus coloré et vivant que lui. Il rend tout les endroits gris et effrayants colorés. Il les peint tous d'une manière si spéciale. C'est lui qui lors d'une nuit de silence éclaire le monde d'une lueur dorée, tel une lanterne qu'on lance dans la pénombre. Et je le sais, et j'en suis sûr, c'est comme une évidence.
J'avance et je traîne mes pieds blessés et sanguinolents sur le sol, les bras ballants. Combien de kilomètres avons nous faits? Je suis perdu, ici. Mais ça n'est même pas désagréable. Tant que je suis égaré de ces millions d'immeubles en béton et du bruit des gens pressés à l'âme morte alimentée en business, je suis heureux, et ici en est la parfaite opposée. Ici, j'ai l'impression de vivre, et je ne peux décrocher mes yeux du ciel. Es ce bien réel? Qui a confectionné ce ciel bleu azur et ces nuages cotonneux rendus flous par ma vision alcoolisée? Pensez vous que Jésus Christ s'est allongé, dans ses longues heures de confection du monde, peignant le ciel à la couleur de ses sentiments? Ainsi, quand le ciel est rose, Dieu est amoureux, et lorsqu'il se fait gris, il se sent seul. Je crois que lorsque le brouillard vient, c'est lorsque son regard se voile, lorsque son cœur déraille et perd pied.
Au final, Dieu est comme nous n'est ce pas? Un grand artiste, un peu seul, un peu foutu en l'air, comme tout adepte de l'art. Sa toile c'est le ciel, et aujourd'hui elle semble claire et parfaitement nettoyée. Alors si Dieu est heureux, je peux l'être aussi.
Je titube en pensant au ciel et aux couleurs des sentiments de Dieu, et mes pensées s'emmêlent et rien n'a plus de sens, comme toujours.
Il nous arrive de nous allonger dans l'herbe au bord des routes miteuses, sous le soleil toujours trop fort même en septembre, et de souffler avant de repartir toujours du pied gauche.
La musique dans mes oreilles est soudain devenue bleue, triste et froide. La nuit tombera bientôt, et beau soleil, pourquoi m'abandonnes-tu encore? La lumière du jour adoucis les mœurs et tu me quittes déjà, comme toujours, beaucoup trop tôt.
C'est comme ça que tout a toujours marché, tu peux être la personne la plus triste au monde, du moment que la musique est joyeuse, ton cœur le sera un peu. Et lorsque les mauvais morceaux défilent, ton cœur se resserre toujours trop.
Ce que je veux vous dire, c'est que depuis qu'elle est venue éclaircir mon monde, tout est bleu. Tout fait mal, aussi. Pourtant elle n'a jamais posé ses yeux que deux fois sur moi, qui suis je donc pour prétendre avoir le cœur brisé? Mais souvent, l'alchimie est trop forte avec les personnes avec lequel rien ne marche jamais.
Violet, Violet. Où es-tu, là maintenant? Es ce que ton cœur va bien? Tu sais, tu me manques, je suis confus et ma tête me fait un mal de chien.
Mais je suis là, perdu au milieu du monde, et je désespère.
Violet, trouve moi, qu'on s'aime un peu.

Je m'allonge sur mon lit durement froid d'une nuit sans sommeil.
La pièce est sombre, sans la lumière de la lune.
Mon portable à l'écran tout brisé vibre dans ma poche.
"Préviens moi quand l'alcool cessera de faire effet. C'est comment la gueule de bois sans moi?"
Le V de synthèse bordant son message dans mes notifications scintille d'une autre manière que les autres. Mes lèvres toujours brûlantes que le sang n'a toujours pas quitté se mettent bêtement à sourire.
"V, pourquoi t'es pas venue hier? T'aurais pu m'aider à allumer mes clopes."
Mon front est en sueur, j'ai chaud et l'alcool refuse de s'évacuer de mon corps. J'ai l'impression que je vais rester défoncé toute ma vie.
"Aurait-ce été ma seule utilité?"
Mon cœur s'agite et mes mains tremblent, et je ne sais pas pourquoi, c'est comme un automatisme. J'allume ma clope du bout des doigts, me brûlant et mettant un peu du sang de mes coupures sur le papier cigarette.
"Certainement pas. Tu m'aurais fait passer la meilleure des nuits."
Le tabac a bon goût sur ma langue rêche.
"Dégoûtant."
Je souris. Le vent fait bouger mes rideaux et la pièce est plongée dans la pénombre. Mais Violet empêche tout mes cauchemars de ressurgir, et je me sens en sécurité ici, avec elle, même dans une nuit noire et complète.
"Tu sais bien que c'est pas dans ce sens là. Les soirées ne sont pas pareilles quand on ne se retrouve pas sur un canapé à boire et à rire, entourés de fumée grisâtre. Tout est dénué de sens quand tu n'es pas là."
J'écrase mon mégot d'un coup sec.
"Et tu sais bien que je serai là les autres fois. Il suffisait de le dire, j'ai cru que je ne te plaisais pas."
J'ai mon cœur qui bat à mille, et je me demande quand es ce que je vais mourir. Les sentiments, c'est trop éprouvant et mon cœur va lâcher, c'est sûr et certain.
"Tu te fous de moi? C'était pourtant évident. Tout se lisait sur mon visage."
"Rien n'est jamais évident. J'aurais pu me tromper."
Je m'apprête à rouler une autre clope, assis en tailleur sur mon lit, quand soudain mon téléphone sonne.
J'entends mes parents grogner dans l'autre pièce et lache précipitamment ma cigarette. Le tabac se renverse sur mon drap.
"Fais chier!"
Je réponds à bout de bras, tentant de rattraper quelques débris, mais décidément je ne vois rien dans le noir.
"Allô?"
Je sors me poser sur le balcon, dehors, pour ne déranger personne.
La flamme de mon briquet vacille et allume le papier trop fin de ma clope mal roulée.
"Tu me vois?"
J'expire précipitamment la fumée en m'étouffant.
Elle est là, perdue, au milieu de ma rue, le regard flou et les cheveux ébouriffés par la brise légère et parfois glaçante.
Je descends précipitamment les escaliers de mon immeuble, toujours dans le noir. Mais soudain, la lumière bleue de la nuit a un tout autre sens. Car si c'est la ou vit Violet, je ne veux plus jamais en partir.
Je sors, le pas pressant.
Elle tourne légèrement la tête, les lèvres entrouvertes.

Il a des milliards de sons plus beaux que le rire, après tout. Celui de Violet est de loin en première position, en y repensant.
La nuit est douce et froide à la fois, il pleut peut être, et je me sens tellement fatigué.
Je lève mes yeux a demi clos sur elle, et la pluie tombe finement et droitement sur sa tête, les gouttes s'éparpillant sur ses cheveux raides.
Je ne sais pas ce que je fais ici, quel jour on est, mais je crois avoir enfin saisi quelque chose.
Il n'y a pas de sens à être ici, sur Terre, sous la pluie, ma clope éteinte et mes phalanges écorchées qui brûlent à cause de l'eau acide tombant du ciel.
Mais à la voir sourire, à voir les bords de ses lèvres gercées et blessées se relever maladroitement, je me dis, entre deux inspirations et deux éclats de rire, que rien n'a besoin d'avoir de sens lorsque tu te retrouves soudainement à ta place, une nuit d'été sous la pluie.
Peut être que certaines présences rendent tout vivable.
La dernière braise de ma clope s'est éteinte, et on entend plus que nos rires, et la pluie tomber sur le goudron sale et noirci.

VioletOù les histoires vivent. Découvrez maintenant