2, j'ai souri à la question

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À l'école, on m'a demandé ce que je voulais faire plus tard.

J'y ai longtemps réfléchi et j'ai peiné à trouver une réponse. Au fond, il y a tellement de destinations possibles, tant de routes et encore plus d'itinéraires et de manières différentes d'aboutir à la destination qu'on s'est fixée. Je suis resté bloqué un moment au milieu de ce carrefour étourdissant duquel émanait des milliers chemins s'entrechoquant, se croisant et se décroisant, filant vers un lointain horizon qui me paraissait si grand, si vaste. Je ne pouvais pas en distinguer l'aboutissement et ça m'effrayait de penser à tout ce que j'aurais à faire avant de l'atteindre.

Honnêtement, j'ai paniqué. L'idée que le futur puisse être aussi flou et rempli de surprises me terrorisait, au plus haut point. J'en ai eu la boule au ventre.

Alors chaque soir, j'ai attendu que la Lune pointe le bout de son nez. Je me disais qu'en lui posant la question, peut-être qu'elle saurait y trouver une réponse.

Qu'est-ce que je souhaitais faire plus tard?

À mon plus grand dam, la semaine qui a suivi cette question s'est avérée brumeuse au petit matin et nuageuse lorsque le soleil à peine visible la journée plongeait dans le berceau que forme l'horizon. J'ai dû attendre avant de pouvoir poser ma question.

Finalement, elle a fini par se montrer, timidement certes, mais elle a fini par revenir et illuminer ma chambre de ses fins rayons blanchâtres.

Ce jour-là, j'ai ouvert la fenêtre tant j'étais heureux. Je te promets que je me souviens encore de la sensation du courant d'air dérapant sur ma peau à peine protégée par le fin tissus de mon pyjama; ce courant d'air glacial qui s'est engouffré dans ma chambre et qui a fait chuté la température de la pièce instantanément. À cet instant j'ai retenu un cri de surprise. Je devais être un peu sot, mais l'idée qu'il puisse faire si froid une nuit d'automne ne m'avait point traversé l'esprit.

Malgré les picotements de ma peau à vif et les multiples frissons qui remontaient mon échine, j'ai décidé de repousser cette sensation de désagrément que me procurait le froid et de me concentrer sur la Lune, ma belle Lune, partiellement cachée par d'épais nuages noir encre.

Je lui ai posé ma fameuse question.

Ce jour-là, j'ai été plus chanceux qu'Indochine parce que moi, elle m'a répondu.

C'est en étant obnubilé par sa douce blancheur que j'y ai lu la solution.

Je me suis rappelé de mes paroles, ce jour-là, à l'hôpital, peu avant que tu ne t'en ailles.

Je serrais fort ta main entre mes doigts tremblants. J'avais peur mais j'essayais de ne pas te le montrer.

Et je t'ai fait une promesse.

Je t'ai dit que si toi, tu ne vivais pas, alors je le ferais pour toi.

Alors, quand on m'a reposé la question à l'école, j'ai su ce que j'avais à répondre.

J'ai souri et j'ai dit ce qu'aucun de mes camarades n'a jamais réellement compris :

Je vivrai pour nous deux.

nageons à contre-courantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant