Il fut des moments où j'ai trouvé ma vie lassante et ennuyeuse. J'ai eu l'impression, pendant plusieurs jours, plusieurs mois, de vivre dans une boucle continuelle, comme si mon existence s'était arrêtée, figée dans le temps et que je continuais malgré moi de revoir sans cesse la même journée défiler sous mes yeux.
Ce ne fut pas de bien glorieuses périodes de ma vie et j'ai longtemps cherché un remède à ces mauvaises passes. Pendant ces moments, je m'en suis voulu. Parce que je t'avais promis une jolie vie à mes côtés et que je brisais, un peu plus chaque jour, ce serment.
Lors de ces phases vides de ma vie, je me suis senti tout, sauf vivant.
J'avais la sensation de tourner en rond. D'être coïncé dans un éternel cycle interminable. D'être au cœur du cyclone qui faisait virevolter mes maux.
Étrangement, c'est au moment où je cherchais le moins à changer les choses qu'une claque a rencontré ma joue. À croire que la vie est quand même bien faite. Comme si à cet instant, alors que j'étais à deux doigts de me laisser aller et de me faire emporter par le courant du quotidien monotone, quelqu'un, là-haut, m'avait contemplé avec un air désapprobateur et s'était arrangé pour qu'il en soit autrement.
Maintenant que j'y repense, c'était peut-être toi qui veillait sur moi, dans ces moments-là.
Un jour, j'ai fait une connerie. Mais je ne la regrette pas. Je ne la regrette plus.
Comme chaque jour, mon bus m'a déposé devant les grilles de mon école.
Je me souviens de la peur que m'inspiraient ces barreaux. J'avais l'impression de franchir chaque jour les portes d'une prison.
Je me souviens d'avoir, ce jour-là, tellement eu peur, que je me suis arrêté alors que j'étais sur le point de pénétrer une nouvelle fois dans l'enseigne de ce bâtiment.
Je me suis stoppé net et il m'a fallu peu de temps avant de prendre ma décision. Un choix qui pourrait te paraitre insignifiant. Mais à cet instant, il a énormément compté pour moi.
Je ne pourrais même pas te décrire le bonheur que m'a procuré le fait de tourner le dos à ce grillage. Tu ne pourrais qu'avoir une vague idée de la manière dont mon cœur s'est emballé pour un acte aussi banal.
Après tout, beaucoup d'élèves séchaient les cours et certains en faisaient même leur routine. Mais là est justement ce qui me différenciait d'eux à ce moment. Pour moi, c'était casser la mienne. Ce geste aussi infime m'avait permi de me sortir du cercle que j'avais creusé sous mes pieds à force de repasser sur mes précédents pas. Je me suis ainsi hissé hors du tourbillon qui m'arrachait à la berge à laquelle je tentais tant bien que mal de me raccrocher.
Ce jour-là, j'étais simplement vêtu d'un sweatshirt. Je portais des chaussures légèrement trop larges pour moi. Chaque pas que j'ai fait pour m'éloigner de ma routine fut un supplice. Mais chacun en a vallu le coup.
J'ai passé la journée loin de mes tracas quotidiens. J'ai éteint mon portable -et crois-moi, ça m'a été fatal plus tard- et je me suis enfoncé dans la ville. Jusqu'à midi j'ai marché sans vraiment connaitre ma prochaine destination. À chaque coin de rue, je me suis laissé guider par mon instinct et mes envies.
J'étais complètement perdu et je n'avais pas la moindre idée de ce que je faisais. Et j'ai adoré cela. J'ai adoré, à un point que tu ne peux qu'imaginer, la sensation de ne pas avoir de but. Je cherchais rien de particulier si ce n'était que l'inconnu. Et à cet instant, il m'entourait. Quoique j'eu fait, j'aurais été face à quelque chose de nouveau. Quelque chose de différent.
Ce jour-là j'ai flâné dans la ville tout la matinée. Et à midi, j'ai atteint un lieu qui m'a longuement fait réfléchir.
J'avais avec moi mon sac à dos rempli des cours auxquels j'étais censé assister ce jour-là. Ce sac me pesait. Il était extrêmement lourd. Sa masse me tirait les épaules vers l'arrière. Et j'avais, durant ma longue promenade, dû me forcer à me tenir droit pour ne pas trébucher vers l'arrière. Lorsque je me suis arrêté sur un banc, que je me suis défait de ce poids, je te jure que le bas de mon dos a failli verser une larme de soulagemment. Mes pieds étaient dans un tout aussi piètre état. J'ai étendu mes jambes devant moi et j'ai tenté d'attraper le bout de mes orteils avec mes doigts afin d'étirer l'entièreté de ce corps crevé que je trainais.
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nageons à contre-courant
Short StoryTu sais, si tu ne vis plus, je vais vivre à ta place. Je vivrais pour deux. Pour que même mort, tu puisses toujours vivre, quelque part. En moi, tu vivras toujours. Dans mon cœur. Je le partagerai en deux. Une part pour moi, une part pour toi. Tu n'...