Comme un semblant de liberté

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Le jour de ton départ, tu m'as posé une question, une étrange question. Tu n'as jamais remis en cause le fait que je t'aimais, non.

Tu m'as simplement demandé la signification de mon tatouage. Ce qu'il représentait pour moi.

Pourquoi un loup ?

Pourquoi un corbeau ?

Je le voyais, ce soupçon de curiosité, cette lueur dansant dans ton regard. Tu trépignais d'impatience devant l'aéroport. Je retins mes larmes et te répondis doucement comme si j'avais peur que tu disparaisses au son de ma voix :

« Le loup et le corbeau, ensemble comme toi et moi, sont complémentaires. Ils symbolisent l'amitié et l'amour que je te porte. »

Un large sourire prit place sur ton visage. Ta tête se pencha de côté comme pour me dire « continue ».

Je repris :

« Mais le loup, égaré et triste, est à lui seul l'emblème de mes tourments, de ma solitude, de tout ce que je redoute... »

Ton sourire se fit grimace. Mais tes lèvres firent l'impasse sur tes mots, tu te contentais de me scruter d'un air interrogateur, me suppliant de poursuivre.

« ...Il m'a toujours fascinée par sa beauté, par son regard, ce reflet splendide de son âme sauvage et libre, et par son air d'où se dégage un certain mystère... »

« Pourquoi le corbeau ? » semblais-tu me demander.

Je terminai par :

« Le corbeau, métaphore de la vie et de la mort, représente la peur de m'en aller, de fermer les yeux pour ne plus jamais les rouvrir. Je suis si terrifiée à l'idée de partir, parce qu'à ce moment-là, je serai seule... sans toi...

Enfin, seuls on l'est tous. On naît seul, on affronte la vie seul, on se crée l'illusion qu'on n'est pas seul mais en fin de compte, on finit par s'éteindre... seul. »

Tu savais que j'étais en dépression depuis plusieurs mois, alors ces paroles ne durent pas te surprendre. Tu me regardais, les larmes aux yeux, ne sachant pas quoi dire. Peut-être regrettais-tu de m'avoir posé la question.

Quelques minutes plus tard, après m'avoir donné le long et langoureux baiser d'adieu, tu montas dans ton avion et t'envolas loin de moi.

Quand je le vis dans le ciel bleu, je pensai à la partie que j'avais omis te dire :

« L'oiseau de malheur, noir comme la nuit, est aussi porteur de mes rêves et de mes espoirs. Ceux retranchés au plus profond de mon être. Ceux malmenés par la haine et le chagrin. Ceux qui ont survécu à la tempête. »

Je me souvenais alors du corbeau aperçu une fois dans un parc et à ce moment, je sais que je garderai en moi l'image de son bel envol dans le ciel azuré. Comme un semblant de liberté.


Ma routeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant