Elle écuma toutes les photos, remontant les phases de la vie de son frère depuis deux ans qu'il avait ce téléphone. Les visages d'Hector, Julian, Wyatt, Hermes, Astrid et Orphélia étaient tous présents. La bande sous toutes ses coutures, les pires comme les meilleures.
C'était incroyable comme des photos pouvaient en dire long sur toute une vie, raconter une histoire. Du moins, sembler en raconter une.
Les dernières étaient de loin les plus intéressantes, un visage inconnu apparaissait. Un visage féminin. Toujours seul, souriant, le regard jamais porté sur l'objectif, toujours sur le photographe.
Elle ne visionna pas les vidéos, ses parents dormaient. Puis, elle avait peur des conséquences du son de sa voix ou de son rire dans ses oreilles. Elle n'était pas certaine d'être prête.
Il lui était déjà bien assez éprouvant de voir son visage, perdu au milieu de ceux des autres, ou seul, éclaté d'un sourire éblouissant, creusant ses joues de ses deux fossettes et retroussant son nez pointu, ridant les cotés de ses yeux verts lumineux.
Pourtant, elle préférait de loin cette attitude au regard plus sombre, mélancolique, presque dur associé à la fermeture de ses lèvres provoquant la proéminence de sa mâchoire qu'il pouvait porter sur d'autres. Il semblait si loin, si distant, si froid. The dark side of the moon.
C'était une expression qu'elle ne lui avait jamais vu et elle ne savait pas comment l'aborder. Elle aurait presque pu s'imaginer qu'il s'agissait de quelqu'un d'autre.
Il ne semblait que rarement photographe durant les soirées, comme si les autres prenaient son téléphone pour faire les photos. Elle reconnaissait les siennes, il avait sa façon de capturer les instants. Elle se souvenait de ses débuts laborieux, où il prenait n'importe quoi et le mettait en noir et blanc prétendant que c'était de l'art et que personne n'y comprenait rien. Il avait acheté son premier appareil dans la boutique d'antiquité du coin, un Polaroïd, duquel il n'était pas peu fier. Il avait acheté des dizaines de grandes pellicules qu'il avait toutes mises dans un boite quelque part dans sa chambre. Leurs parents avaient encouragé la chose, ou peut-être avait-il réclamé -sa mémoire lui faisait défaut- toujours est-il qu'il avait agrandi sa collection. Petit à petit, s'était entassé sur une étagère tout un matériel dédié à cette passion.
Jusqu'à la suivante. Il ne faisait rien dans la demi-mesure. Si quelque chose avait le malheur d'épingler sa curiosité, il fallait qu'il l'apprivoise. Sans jamais rien oublier de ce qu'il avait dompté, pratiquant seulement un peu moins, mais toujours. Il avait soif. Soif d'apprendre, de connaitre, de savoir. Il était habité d'exaltation passionnée, qui avait toujours donné l'impression à sa jeune soeur que sa vie ne serait pas assez longue pour qu'il puisse la vivre pleinement.
Ses yeux gris s'emplirent de cette eau salée qui les inondaient depuis quelques jours. Elle éteignit l'écran de la pulpe de son index, serra plus fort son lapin entre ses bras fins et enfonça la joue dans son oreiller, priant pour que les songes ne lui résistent pas trop longtemps.
(( mots ))
Retenez bien la liste de prénom du premier paragraphe, ils vont revenir souvent ! La bande ! On commence doucement à entrer dans le vif du sujet. J'espère que vous prenez autant de plaisir que moi ! Dans le prochain épisode : retour à la dure réalité du lycée.
Merci d'avoir lu ! Gros bisous, à très vite !