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« Nos doutes nous assaillent et nous font échouer. Nous manquons le but que nous pourrions atteindre par crainte seulement de ne point l'atteindre. » William Shakespeare

C’est d’un pas prévenant et gracieux que je m’aventure dans ce monde intermédiaire. C’est un pas après l’autre qui me conduit inévitablement vers mon destin, vers mes futurs apprentis.
Je déambule dans ce dédale de rue grise vers un but qui me parait vague. Je suis seule et dans ce paysage morne cela me parait pire. Je me questionne malgré le fait que mon peuple m’a énormément répété que je saurai le moment venue où les trouver et leur montrer leur véritable place dans l’univers, pourtant je ne me sens pas sereine et loin d’être confiante.

Et s’ils avaient tort ? Que ferai-je alors ?

Je sais que je ne devrai jamais douter, que je n’ai qu’à écouter le chant des étoiles, mais c’est plus fort que moi. Je les ignore et ferme les yeux. J’ai trop longtemps vécu parmi les humains pour me dissocier d’eux… Tout de même pas assez pour oublier qui je suis.

Il y a très peu de personne encore à l’extérieur à cette heure tardive. L’heure où l’air se rafraichie légèrement, que la nuit s’est installée depuis peu et que la lune brille de sa douce lumière argentée. Tout à la fois berçante et glaciale, magnifique et terrifiante. Les étoiles augmentent son ampleur tout en la diminuant, tel un diamant parmi des quartz arc-en-ciel.

En baissant enfin les yeux sur mon chemin, je remarque que je reçois des regards lourds lorsque les passants m’accordent un instant d’attention. Leurs yeux expriment la curiosité, l’inquiétude ou même l’incompréhension due, sans aucun doute, à mon accoutrement. Étrange aux yeux des autres, normale pour les miens.
Je suis vêtu d’une robe blanche, à col, et en dentelle qui s’achève quelque centimètre sous mes genoux, au manche semi-longue. J’ai chaussée de merveilleuses ballerines camouflées par une grande cape blanche qui touche le sol et me recouvre entièrement. Je porte aussi un masque blanc pour éviter d’être reconnue car ce n’est pas une très grande ville, on me reconnaitrait à coup sûre. Une petite lune argentée orne le milieu de mon front et onze colliers pendent à mon cou. Dix possédants des clefs, dont une que je possède, et un pendentif d’obsidienne noire. Cette pierre est choisie, par les femmes, depuis des générations pour sa protection envers les ténèbres. Le pouvoir des cristaux est bien plus puissant que ce qu’elles nous laissent croire, mais il faut débuter par prendre soin d’elle. Personnellement, je les ai toujours trouvées vaniteuses et capricieuses, mais elles sont mes meilleures alliées et je dois dire que je les aime tout de même plus que tout.

Subitement, des rires me parviennent et un me semble plus mélodieux que les autres. Je suis enfin rassurée et mes doutes s’envolent. Je cherche alors instinctivement la provenance de ses éclats de voix.
Je ne peux m’empêcher de m’en vouloir légèrement de ne pas avoir écoutée ma foi et d’avoir tremblé face à mes croyances, mes certitudes. Je ne peux cependant plus me le permettre car je suis une grande prêtresse aujourd’hui et le danger est devenu trop présent.

Mon regard se pose enfin sur eux, trois filles magnifiques. Deux brunes et une teintée blanc-gris au reflet mauve pastel. Elles arborent un style gothique, mais celle qui m’intéresse est plus dans la palette grunge-gothique. Je marche rapidement dans leur direction, alors qu’elles rient encore de mes habits, et je sens que la concernée ne veut pas que je m’approche d’avantage, grâce à son aura flamboyante de colère. Je ris de bon cœur en me postant à ces côtés alors qu’elle me dévisage méchamment.

« Dégage » me crache-t-elle au visage.

Le cœur léger et amusée, je lui souris avec compassion comme si je sais ce qu’elle vit chez elle, ce qui la désarçonne un moment et me permet de retirer une des clefs de mon cou pour la lui poser dans la paume. Les yeux de ses deux amies s’agrandissent et me dévisagent en alternance avec la pendeloque. Je ne comprends pas leur agissement, quand soudain cela me frappe lorsqu’une prononce un nom.

« Lily c’est…! » dit une des brunes, en regardant la concernée, interloqué.

Lors de mon séjour prolongé à l’école humaine j’ai entendu les rumeurs et les histoires horribles qui circulaient sur nos cercles, hypothétiquement depuis plusieurs générations et je jurerais que c’est le cercle des ténèbres qui ont propagés ses atrocités, échangeant leur cercle au notre. Je crois bien, qu’elles viennent de comprendre que tout cela n’était pas que des rumeurs, mais eux me prendront pour une déséquilibrée voire pour les endoctriner dans une secte.

« Oui, vous avez raison, nous sommes toujours parmi vous. » dis-je en regardant celle qui a parler. « Toi, Lily, tu as été choisi et je sais qu’à cet instant tu crois encore à ses sottises, mais avant de tourner le dos à ton sang, commence par observer attentivement autour de toi. N’oublie pas la nuit étoilée, elle peut aussi t’apporter conseil. »

Mes paroles sont venue avec une telle simplicité que cela m’étonne. Ces paroles sont unique, que pour elle et de façon à ce que cela résonne jusqu’à son âme. Sans plus, je me détourne et continue mon chemin avec un sourire aux lèvres jusqu’à ce que je les entende, derrière moi, s’esclaffer sur la débilité de la chose. J’espère simplement que mes paroles la feront changer d’avis avec le temps. Je m’éloigne d’un pas rapide jusqu’à ce que leurs voix ne soient plus à porter de mon ouïe. Malgré toute la sagesse que je peux porter, je n’aime pas que l’on dise ce genre de chose sur moi ou mes confrères.

Witchy BeautyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant