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- Mais tu vas la fermer, oui ?

Bill avait claqué ces mots en espérant que le ton sec employé obligerait sa passagère à se taire. Cela faisait plus de cinq heures qu'ils roulaient et le blond pensait avoir atteint ses limites. Si Jillian ne la mettait pas en veilleuse, il allait sûrement commettre un meurtre.

Évidemment, cela aurait été trop beau que la rouquine coopère aussi simplement.

- Tu crois vraiment que je vais te faire ce plaisir ? lança-t-elle moqueuse.

Le jeune homme leva les yeux au ciel, exaspéré. Il aura au moins essayé...une énième fois.

Pour ne plus avoir à l'entendre, Bill augmenta le volume de la radio qui diffusait une chanson du début des années 80 qu'il affectionnait particulièrement, "99 Luftballons" de Nena. Il avait souvent l'impression de ne pas être né à la bonne époque et Jillian ne se privait pas pour lui en faire la remarque, comme à l'instant, ce qui agaça davantage le conducteur de la petite Volkswagen noire.

Bill serra ses doigts tatoués autour du volant et sa mâchoire se crispa.

Jouer l'indifférence était encore le meilleur moyen pour que la rousse se taise, mais, il avait beau faire de son mieux pour l'ignorer, cette femme lui sortait par les trous de nez. Sa simple présence le mettait sur les nerfs, il ne la supportait pas et ce, depuis le premier jour de leur rencontre, il y a un an et demi.

Son air sûre d'elle, sa façon de parler et d'imposer ses idées, qui étaient contraires aux siennes, l'énervaient au plus haut point.

Et s'il n'avait pas eu peur des représailles et de perdre sa place au sein de la très réputée Berlin Marketing Agency, - ou BMA -, le blond aurait volontiers abandonné sa collègue au bord de cette route quasi-déserte.

Un sourire en coin naquit sur ses lèvres en imaginant Jillian devoir traverser à pieds la campagne qui était bordée par la forêt. Ce serait tellement jouissif de la voir courir désespérément après la voiture en hurlant et l'injuriant de tous les noms.

Seulement voilà, s'ils en étaient réduits à faire ce long trajet côte à côte, c'était bien à cause de toute cette animosité qui régnait entre eux.

Leur patron avait été clair, ses deux chargés d'études marketing devaient absolument se rendre à ce séminaire d'entreprise, dont l'issue finale serait une meilleure entente et un renforcement de la cohésion de groupe. Ils n'avaient pas d'autres choix que de se plier aux règles s'ils espéraient garder leur poste.

S'ils étaient censés collaborer, Bill et Jillian n'avaient jamais réussi à présenter un projet commun et travaillaient donc chacun sur le sien.

Ainsi, deux démonstrations avaient toujours lieues, avec des idées bien opposées. L'un ciblait un public plutôt aisé, tandis que l'autre visait, en revanche, les familles nombreuses ayant un pouvoir d'achat un peu moindre. Leur directeur marketing, Gustav Schäfer n'avait plus qu'à choisir lequel des deux leur rapporterait le plus.

Dès le début, Bill et Jillian s'étaient donc retrouvés en compétition directe. Chacun faisait de son mieux pour être meilleur et n'hésitait pas à dénigrer le travail de l'autre en pointant les défauts de tel ou tel projet. Et si, durant la première année, cette situation n'avait posé aucun problème au bon fonctionnement de l'entreprise, aujourd'hui, ce n'était clairement plus le cas.

Leur travail en souffrait et bien vite, la concurrence qui existait entre eux s'était transformée en une rivalité virulente.

L'animosité qui animait désormais chacune de leurs actions, s'était accrue après l'annonce du départ de leur directeur marketing.

Sombre séjourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant