Juste une photographie

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Le lendemain au réveil il fait encore plus beau que la veille, et les parents ont décidé de faire une grande balade sur les bords de la rivière qui passe en contrebas du terrain de Papy et Mamy. On enfile les baskets à la va-vite et on sort sous le soleil matinal. Les adultes discutent politique et environnement. Les élections approchent : si je veux en discuter, c'est à Flo que je dois m'adresser. Il s'informe beaucoup et a des idées très tranchées, une opinion sur tout et n'importe quoi mais toujours justifiée. Il prend ces élections à cœur malgré son dégoût du système politique, ce que je peux très bien comprendre. Moi, je ne m'y connaît pas vraiment, je devrais me pencher un peu plus dessus j'imagine mais pour l'instant je suis bien comme ça. J'ai déjà mes propres idées mais je souhaite me faire mon opinion sur chaque candidat par moi-même, pas par le biais des médias. Et puis quand je vois les gens au lycée qui s'exclament sur tel ou tel politique sans rien connaître de son programme, je préfère largement me contenter de défendre mes propres opinions que de chercher à encenser ou assassiner une personne que je ne connais pas assez. Tout blanc ou tout noir, c'est l'effet que me font ces gens, comme si l'humanité se divisait en deux groupes distincts entre lesquels on ne peut choisir. Je préfère nuancer.

Ethan, lui, est plus comme moi, à quelques détails près. Il est complètement désintéressé de la politique, ou presque, et considère qu'il aura bien le temps lorsqu'il sera majeur de se préoccuper de ce genre de choses. Ce à quoi Flo rétorque invariablement qu'il ne lui reste plus beaucoup de temps avant sa majorité, et qu'il ferait bien de s'en préoccuper dès maintenant ! Après tout, c'est nous le futur de la France, mais je comprend Ethan. On se trouve à un âge où on a bien compris que le monde n'est pas si rose qu'on voulait bien nous faire croire, alors s'obliger à défendre des causes qu'on imagine perdues d'avance est plutôt déprimant. Mais un rayon d'espoir n'est jamais de trop, alors se battre pour ses idées vaut certainement mieux que de regarder défiler le temps sans se battre pour ce à quoi on croit, non ?

Donc on est là, tous les trois, à parler de tout et de rien. Devant, les plus petits qui courent au bord de l'eau, mais à distance respectueuse (quand Papy a peur, il crie, et quand Papy crie, on a peur, les plus jeunes ont déjà compris le principe). Derrière, les parents qui papotent toujours. A cet instant précis, je voudrais juste pouvoir faire une photo de la scène, du paysage, de ma famille réunie. Je me sens bien.

la dame en noir qui te vola ton enfanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant